Emmanuel Macron a qualifié hier la simplification administrative permettant aux personnes trans de faire modifier la mention de sexe à l’état-civil en mairie d’« ubuesque ». Cette mesure qui figure au programme du Nouveau Front Populaire correspond à une recommandation du Défenseur des Droits. Des mesures semblables ont déjà été adoptées dans plusieurs pays, y compris récemment en Allemagne ou en Espagne.

Elle faisait partie il y a deux ans des promesses de campagne du candidat Macron en 2022, et représentait une position du gouvernement il y a moins d’un an. De surcroît, le changement d’état-civil en mairie est d’ores et déjà possible pour ce qui concerne le prénom depuis 2016. Avoir un état-civil en accord avec son identité et son apparence actuelles permet de faciliter l’accès des personnes trans à toutes les démarches administratives qu’elles rencontrent, de protéger leur vie privée et d’être moins exposées aux discriminations, que ce soit sur le marché du travail, dans l’accès au logement ou dans l’accès aux soins.

En disqualifiant cette mesure, Emmanuel Macron favorise l’épidémie au sein d’une population particulièrement exposée

Les personnes trans, et singulièrement les femmes trans, constituent un des groupes sociaux au sein desquels la prévalence du VIH est la plus élevée. Lorsqu’elles sont séropositives, elles rencontrent davantage de difficultés dans leurs parcours de soins. Le stigmate, les discriminations et les conditions économiques dégradées qui en résultent les éloignent des structures et des professionnels de santé et se traduisent par des découvertes de séropositivité plus tardives et des pertes de chance.

Plus de quarante ans de lutte contre le VIH-sida le rappellent constamment : ce n’est qu’en luttant contre les discriminations qui visent les groupes les plus exposés qu’il est possible de vaincre l’épidémie. À rebours de ce fait élémentaire connu de tous les acteurs de la lutte contre l’épidémie, Emmanuel Macron préfère sacrifier les personnes trans à un électorat supposé réceptif aux thèses transphobes que d’implémenter une mesure peu coûteuse et efficace pour les protéger contre les discriminations.

Si Act Up-Paris appelle à voter pour le Nouveau Front Populaire, ce n’est pas par adhésion idéologique ou par fidélité aux organisations qui le composent. A rebours de ce que proposent l’extrême-droite et maintenant le président de la République, lutter contre les discriminations, protéger la vie privée des populations les plus affectées par l’épidémie, ce sont des contaminations évitées, des parcours de soins simplifiés, et de meilleures chances thérapeutiques. Qu’un président prétendument attaché au sérieux budgétaire ne comprenne pas l’intérêt d’une mesure efficace et financièrement aussi peu coûteuse est alarmant quant à l’aveuglement des élites politiques françaises sur les enjeux de l’épidémie après plusieurs décennies.

En disqualifiant ainsi le changement de mention de sexe à l’état-civil en mairie, Emmanuel Macron n’énonce pas un simple revirement d’opinion en matière de politique publique, sur un sujet qui concerne une population extrêmement minoritaire. Il vient légitimer une offensive transphobe à la droite de l’échiquier politique, qui dissimule mal sous d’apparentes préoccupations pour les droits des mineurs une hostilité fondamentale à toute démarche de transition. Faire de son opposition à une simplification de la procédure de changement de la mention de sexe à l’état-civil un argument de campagne dans ce contexte, ce n’est pas simplement un calcul électoral un peu cynique. C’est désigner explicitement les personnes trans comme une cible légitime, pour celles et ceux qui n’attendent que de revenir sur les quelques mesures anti-discrimination et de protection de la vie privée mise en place au cours des dernières années.