Tout comme la lutte contre le cancer du sein, la lutte contre le sida est une lutte féministe. C’est ce que rappelait l’Action n°134, notre lettre d’information de mars dernier (https://www.actupparis.org/spip.php?…). Act Up-Paris soutient la 23ème édition d’Octobre Rose réalisée par l’association Le cancer du sein, parlons-en ! Cette année, l’opération cherche à rappeler aux femmes, au grand public, qu’il faut faire face et garder espoir. Comme disent ces femmes sur les affiches de la campagne : « Ma vie en rose… Il faut que ça continue ».
La spécificité de l’évolution des cancers chez les séropositifVEs Depuis l’arrivée des trithérapies efficaces, l’espérance de vie des personnes séropositives a rejoint celle de la population et est impactée désormais plus souvent par la survenue de cancers dont l’incidence augmente. Certains cancers comme ceux de l’anus ou du col de l’utérus ont jusqu’à plusieurs dizaines de fois plus de risque de se déclarer chez une personne séropositive comparé à la population générale. En ce qui concerne le cancer du sein, le niveau de risque est proche de celui observé dans la population générale. Cependant, une étude brésilienne [1] de 2011 montre que l’évolution du cancer du sein est plus rapide chez une personne séropositive, puisqu’il survient en moyenne 10ans plus tôt que chez une séronégative et se montre plus agressif. C’est pourquoi l’étude annonce que les personnes séropositives devraient avoir une dispensation du dépistage du cancer du sein par mammographie de manière plus précoce que dans la population générale. Aussi, des interactions entre antirétroviraux et anticancéreux peuvent exister, complexifiant la prise en charge médicale.
En France, les recommandations de dépistage sont établies par le rapport Morlat relatif à la prise en charge médicale des personnes séropositives. Au sujet du cancer du sein, les recommandations sont les mêmes que pour la population générale : examen clinique et mammographie à partir de 50 ans (40 ans en cas d’antécédent familial) et jusqu’à 74 ans, tous les deux ans [2]. L’enquête ANRS-VESPA2 met en évidence qu’en 2011 le taux de mammographie était de 82,2% auprès des personnes vivant avec le vih tandis qu’il était de 88% chez les personnes séronégatives. Aussi les personnes séropositives les plus jeunEs seraient moins à jour de dépistage que leurs aînéEs. Des inégalités d’accès aux soins existent entre les patientEs diplôméEs, qui ont davantage recours au dépistage, comparé aux patientEs peu diplôméEs. A cela, il faudrait ajouter également la situation de plus grande précarité des personnes séropositives, n’aidant pas à l’accès aux soins et au dépistage.
Améliorer la prise en charge du dépistage et du traitement des cancers chez les trans :
Chez les personnes trans, le cancer du sein peut être lié à la prise d’hormones. Le traitement substitutif hormonal à base d’oestrogènes pris pendant plus de 5ans augmente le risque de développer un cancer. De plus, celui-ci est difficile à dépister par une mammographie, en raison de la présence de silicone. La mammographie est possible en présence d’implants, mais il y a besoin d’un type spécial de mammographie appelée mammographie diagnostique [3]. Le rapport Morlat évoque l’intérêt de se questionner sur l’utilisation de l’IRM mammaire pour davantage de visibilité.
Pour les hommes trans, la mammectomie permet de réduire grandement les risques d’apparition d’un cancer parce que la très grande majorité de la glande mammaire est retirée. Une partie subsiste toutefois pour assurer la vascularisation des tétons, un risque n’est donc pas supprimé [4].
Il est nécessaire d’obtenir plus d’informations sur le risque de cancer du sein chez les personnes trans afin d’établir des recommandations appropriées. Aussi, la formation des médecins à ces problématiques spécifiques chez les personnes trans manque cruellement ; la transphobie d’une partie du corps médical doit être combattue, parce qu’elle nuit à assurer un suivi optimal des personnes trans. Nous avons une pensée envers Jay Kallio, militant trans d’Act Up New York, décédé il y a peu, qui avait reçu un diagnostic tardif de cancer du sein à cause de la qualité médiocre du suivi par son médecin. Jay lutta contre la transphobie du corps médical et pour la prise en compte des trans dans le dépistage des cancers et leurs traitements.
Les luttes contre le cancer et le sida sont liées, parce que la recherche sur le sida sert à la recherche sur le cancer, parce que le prix exorbitant des médicaments actuels et nouveaux est un fait connu des deux luttes. C’est en rassemblant nos luttes, notamment celle contre le cancer du sein spécifiquement et celle contre le sida, que l’on pourra pousser à une nouvelle méthode d’attribution des prix des médicaments en France.
Contact presse : Mikaël ZENOUDA, président d’Act Up-Paris, 0613508980, presidence@actupparis.org
Notes
[1] Andrade AC, Luz PM, Veloso VG, Cardoso SW, Moreira RI, Grinsztejn B, Friedman RK. Breast cancer in a cohort of human immunodeficiency virus (HIV)-infected women from Rio de Janeiro, Brazil : a cases series report and an incidence rate estimate. Braz J Infect Dis. 2011 Aug ;15(4):387-93.
[2] http://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Se-faire-depister/Depistage-du-cancer-du-sein
[4] http://ftm-transsexuel.info/medical/chirurgie/mammectomie.html