Le 10 novembre, le plan d’action pour la lutte contre la tuberculose, le VIH et la malaria sera remis à la Présidence de la Commission pour être validé par le Conseil du Développement. D’ici là, M. Josselin, en tant que président de ce Conseil, ses homologues européens et les différents Commissaires devront choisir leur camp.
La table ronde internationale du 28 septembre 2000, prélude à l’élaboration de ce nouveau plan de plusieurs milliards d’Euros, a été le théâtre d’un chantage à peine voilé des multinationales pharmaceutiques sur les institutions européennes. Les enjeux sont considérables : l’Union Européenne (UE), deuxième bailleur de fonds au monde en matière de lutte contre le VIH/sida, pourrait, si elle résistait au lobby des géants pharmaceutiques, faciliter la production et la distribution de copies de médicaments vitaux dans les pays en développement.
Concrètement, l’UE pourrait aider le Brésil à étendre sa production de médicaments antirétroviraux génériques en soutenant sa volonté d’octroyer à ses industries une « licence obligatoire ». Elle pourrait aider l’Inde et le Brésil à exporter dans les pays africains leur technologie de production générique. Elle pourrait faire baisser les prix en aidant au regroupement des pays africains en marchés régionaux et en soutenant l’exportation de génériques à partir de nouveaux pôles de production locale.
Ces perspectives sont aujourd’hui les seules qui pourraient à court terme faire considérablement baisser les tarifs des traitements anti-VIH.
M. Garnier – le nouveau président des laboratoires Glaxo-Smithkline – tentait de nous le faire oublier, en évoquant jeudi une autre solution : une tarification différente entre Nord et Sud, sur le modèle adopté par l’UNICEF en matière de vaccin. Pourtant cette expérience n’est pas reproductible sans une vraie compétition entre fabricants de génériques et détenteurs de brevets.
Mais M. Garnier a menacé l’UE : « si d’aventure les licences obligatoires, qui ont été une grande idée, venaient à être adoptées, cela pourrait détruire la recherche d’une solution ».
La menace a déjà porté ses fruits : la Direction Générale du Commerce a en effet pris au nom de la Commission, et devant plusieurs ONG dont Act Up-Paris, Health Action International et le Trans Atlantic Consumer Dialogue des positions incroyables : l’exportation des traitements produits sous licence obligatoire ne serait d’après elle – pas prévue par ces accords sur la propriété intellectuelle.
Cette interprétation erronée des accords est amorale : elle ne laisse qu’aux rares pays qui ont des capacités de production la possibilité de copier des médicaments sous brevets pour palier à une situation d’urgence sanitaire, et interdit aux autres pays de les importer. Si elle devait être promulguée, elle mettrait un sérieux frein à la compétition entre génériques et produits de marque.
C’est la voix de l’industrie pharmaceutique qui s’exprime à travers la Commission, et cette position n’a pas été démentie par M. Nielson, interrogé par Act Up-Paris en conférence de presse le 28 septembre. Si le soutien à l’exportation sous licence obligatoire devait être exclu du futur plan d’action de la Commission Européenne, cela prouvera que les intérêts financiers prévalent sur les intérêts sanitaires.
Act Up-Paris s’élève contre les prises de position de la Commission et enjoint les membres du Conseil et du Parlement à ne pas exclure les seules actions qui permettront aux malades du sida d’être traités demain avec les molécules d’aujourd’hui.
Act Up-Paris met en garde les institutions et ONG internationales contre la tentation de céder à ce nouveau chantage des grands labos.