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Du 28 au 31 octobre dernier, se tenait à Athènes la 8ème conférence européenne sur les aspects cliniques et les traitements de l’infection à VIH. La conférence fut studieuse et riche comme en témoigne le résumé qui suit, inévitablement trop court et très rapide mais qui permet de constater à quel point nous avons apprécié la qualité des «State of the art lectures», synthèses de l’état des connaissances, ainsi que des nouveautés présentées. Un bon cru, au dire de nombre de participants.

bande annonce

Nous ne nous étendrons pas sur les symposiums des laboratoires pharmaceutiques qui ont surtout pour but pour ces derniers de convaincre que leurs molécules sont immanquablement les meilleures du marché.

De la cérémonie d’ouverture, on peut retenir trois choses : l’émergence de recommandations européennes est pour bientôt, des discussions à ce sujet sont au programme de la conférence ; pour la première fois, les activistes européens ont participé officiellement à cette conférence, le président de l’European Aids Treatment Group a rappelé dans son allocution le rôle et les actions passées du groupe et a plaidé pour une réelle collaboration entre les acteurs de santé et les activistes ; Michel Pletschette, le représentant de l’Union Européenne, a brillé par son absence, que faut-il en déduire ?

épidémiologie

Selon Peter Ghys de l’UNAIDS, la situation européenne se résume ainsi : à l’ouest, la situation endémique qui s’améliorait progressivement depuis 1996, du fait des trithérapies, connaît ces dernières années une forte remontée du nombre de personnes contaminées. Il s’agit principalement de nouvelles contaminations dans le milieu homosexuel, résultat d’une remontée des prises de risques dans les relations sexuelles comme en témoignent les chiffres de déclarations des MST.

Ainsi, en France, on est passé de 0 à 10 cas par million de syphilis entre les dernières années et l’an 2000. On observe des chiffres comparables en Angleterre ou en Belgique. L’Europe centrale semble, pour le moment relativement calme et préservée par l’épidémie mais les données épidémiologiques sont irrégulières et peu nombreuses. La situation est explosive et catastrophique en Europe de l’Est, principalement dans la fédération de Russie et en Ukraine. Les contaminations sont passées de quelques cas à plus de 350 cas par million en 1999-2000. La situation est assez variée d’une région à l’autre, mais montre globalement une explosion de la transmission essentiellement hétérosexuelle, remarquable par une remontée des autres MST, et chez les usagers de drogues intra-veineuses.

tests de résistance

Françoise Brun-Vesinet s’est livrée à un exercice difficile en tentant d’analyser, à travers les divers avis et recommandations proposés dans le monde, l’intérêt des tests de résistance. S’il apparaît clairement qu’en cas de défaillance d’un traitement, les tests s’avèrent indispensables, ils ne sont pas systématiquement recommandés lors d’une primo-infection symptomatique, surtout outre-atlantique, et pratiquement pas recommandés si cette primo-infection est asymptomatique. Une fois la décision prise, il reste à choisir un test et à l’interpréter.

S’il apparaît que les tests génotypiques sont considérés globalement comme plus fiables, il n’en demeure pas moins que chaque laboratoire a sa méthode d’interprétation. Autrement dit, si on savait déjà que tous les biologistes européens ne parlaient pas la même langue, il s’avère que c’est aussi le cas lorsqu’ils font des tests. Globalement, on a des chances de s’y retrouver aux extrêmes, une accumulation gigantesque de mutations conduit inévitablement à une résistance, mais comment interpréter les innombrables cas où les choses ne sont pas aussi nettes ? Quant aux tests phénotypiques virtuels, obtenus par comparaison avec une banque de données à partir d’un test génotypique, il semble qu’ils donnent des résultats tout aussi virtuels, disons pour le moins que les résultats obtenus montrent que la méthode demande encore à être validée.

immunologie

Brigitte Autran, brillante comme à son habitude, a magistralement fait le point sur la qualité de la reconstitution immunitaire que l’on obtient à l’aide de cures d’interleukine 2.

Il reste la tragique question de la récupération d’une immunité spécifique VIH. Il semble à présent clair que les interruptions de traitement contrôlées ne sont pas une bonne piste pour récupérer cette immunité. En effet, si l’arrêt du traitement provoque une remontée de charge virale propice à une réactivation d’une immunité anti-VIH, la très rapide et forte réplication virale s’accompagne d’une destruction aussi rapide des cellules de l’immunité spécifique qui, comme dans la primo-infection s’attaquent en premier au virus. D’où l’idée d’une stimulation en douceur, non destructive. Celle d’un vaccin thérapeutique par exemple. C’est la piste la plus récente, actuellement testée par bon nombre d’essais cliniques dont on attend les résultats. C’est aussi une piste difficile car il s’agit là de mettre au point le produit qui saura stimuler efficacement. On aurait envie parfois de pouvoir accélérer le temps pour avoir les résultats et poursuivre les recherches…

lipodystrophies

Les mécanismes par lesquels les inhibiteurs de protéases (IP) modifient la métabolisation et le stockage des graisses sont progressivement clarifiés. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un problème très difficile à comprendre notamment parce que tous les individus ne sont, de très loin, pas égaux devant ces phénomènes et qu’il ne s’agit pas d’une relation de simple cause à effet.

Si les IP sont responsables d’une augmentation des taux de cholestérol et de triglycérides dans le sang, leur usage n’est probablement pas la seule cause des lipodystrophies. La toxicité mitochondriale des analogues nucléosidiques, autre famille d’antiviraux, a certainement aussi sa part de responsabilité. Conséquence : les lipodystrophies apparaissent comme un facteur aggravant les risques de maladies cardio-vasculaires. Il n’est donc pas étonnant que, si l’on ne peut se passer d’antiviraux, la réduction des autres facteurs de risques devienne une priorité. D’où les recommandations dans ce cas : faire de l’exercice physique, adapter son régime alimentaire, arrêter de fumer. Les solutions «plus médicales» ne semblent pas très efficaces et restent réservées à des cas extrêmes : utilisation d’anticholestérols qui ont eux-mêmes des effets secondaires ou intervention chirurgicale. Il reste deux solutions à envisager au cas par cas : le changement de traitement et l’utilisation d’interruptions périodiques de traitement. Ces deux possibilités font d’ailleurs l’objet d’essais cliniques en cours.

Le diagnostic des lipodystrophies est aussi une question importante. Il s’agit essentiellement de l’usage de l’imagerie médicale. La technique DEXA, si elle ne permet pas de distiguer le gras viscéral du sous-cutané permet en revanche d’examiner en même temps l’état des os. L’usage de l’échographie, moins cher et plus répandu pourrait être utile, mais il nécessite d’être étudié afin de disposer de points de repères.

toxicité mitochondriale

Mettre en évidence les hypothèses avancées sur la toxicité des antirétroviraux contre les mitochondries, c’est la tâche que se sont donnés les chercheurs de l’équipe de David Nolan. Par comparaison entre des groupes de personnes séronégatives et des personnes traitées par l’AZT ou la D4T, l’étude présentée montre clairement que les antiviraux provoquent une disparition de l’ADN mitochondrial des adipocytes, encore bien plus avec la D4T, d’ailleurs. La preuve de cette action est encore renforcée par le fait que l’arrêt de ces traitements est suivi d’un retour à la normale, ce qui, par ailleurs, n’a pas manqué de nous rassurer…

hépatite C, coinfection

Ce sujet prend de plus en plus de place dans les conférences sur le VIH, ce qui est loin de nous déplaire. Athènes a apporté sa contribution à la connaissance du traitement des hépatites et des problèmes des coinfectés.

Ainsi, Angelos Hatzakis a rappelé que la coinfection concerne un tiers des personnes atteintes par le VIH et majoritairement les usagers de drogues intraveineuses et les hémophiles. La réplication du VHC est favorisée chez les co-infectés par une charge virale VIH élevée ainsi que par un nombre de lymphocytes T CD4 bas. De l’ensemble des études réalisées jusque là et compte tenu que la toxicité hépatique des antirétroviraux est réduite après un traitement de l’hépatite C (C.Uberti Foppa), il est préférable de traiter l’hépatite C en premier.

Malheureusement, trop de situations d’urgence requièrent de faire l’inverse à cause d’une immunité trop affaiblie chez des personnes chez qui on découvre tout en même temps. La question la plus difficile reste encore à résoudre : comment inciter au dépistage pour éviter les catastrophes.

nouvelles molécules

La vedette en la matière, Robert Murphy est venu spécialement de Chicago pour nous donner son top-five des nouvelles molécules. Voici le résultat avec les commentaires d’autres présentations sur ces molécules :
– Le tenofovir est un analogue nucléotidique nouveau. Le résultat à 24 semaines d’une étude clinique de phase III montre que le produit est efficace, qu’il est utilisable avec intérêt chez des personnes ayant accumulé des résistances nombreuses et qu’il provoque fort peu d’effets secondaires. Du fait de sa constitution de nucléotide au lieu de nucléoside, on peut aussi en attendre éventuellement une toxicité moindre. Note : A-

– Le t20 fait couler beaucoup d’encre et surtout déchaîne les activistes. L’EATG, dans sa conférence de presse, a rappelé les insuffisances de Roche, le laboratoire fabricant, en matière d’accès à cette nouvelle molécule principalement à cause de la manière dont les inclusions se sont passées dans les essais en cours et du retard pris dans le programme de production d’une molécule tant attendue par les personnes en échappement. Note : A-

– Le tipranavir, une nouvelle antiprotéase originale, semble prometteur et intéressant. Il est testé actuellement avec l’ajout d’un booster classique, le ritonavir afin d’améliorer sa biodisponibilité et présente lui aussi un profil intéressant contre les virus devenus résistants aux molécules classiques. Note : B

– L’atazanavir ou BMS232632 est aussi une nouvelle antiprotéase. Après 48 semaines d’un essai thérapeutique où il est associé au d4T et au 3TC, il montre une efficacité comparable au nelfinavir. Il a lui aussi un profil intéressant pour lutter contre des virus devenus résistants à d’autres IP mais surtout, il provoque beaucoup moins de remontées des triglycérides et du cholestérol. Tiendrait-on là une solution aux lipodystrophies ? Il est prématuré de répondre à cette question, d’autant qu’il pourrait provoquer d’autres désordres (3 cas de bilirubinémie dans le groupe ayant testé la plus forte dose). Note : B+

– L’imtricitabine ou FTC est un nouvel analogue nucléosidique. Note : C

D’autres présentations permettent de rappeler que le Kaletra (lopinavir et ritonavir comme booster) donne des résultats comparables aux autres IP, n’a pas une efficacité particulière contre les virus résistants à la classe des IP, ni un intérêt particulier en termes d’effets secondaires mais permet de réduire le nombre de prises de médicament journalières. Il bénéficie surtout d’une offensive marketing remarquable d’Abott, son laboratoire producteur. Indinavir plus ritonavir en booster permet de supprimer les contraintes alimentaires (prise à jeûn) liées à cet IP très classique.

L’hydroxyurée (Hydrea) reste un produit très controversé à cause de sa toxicité. Cependant, s’il ne montre pas beaucoup d’intérêt lors d’un premier traitement, il semble intéressant particulièrement chez les personnes longuement traitées chez qui il apporte un complément d’efficacité, voire une solution de thérapie de sauvetage.

Enfin, cité par Robert Murphy comme le «Rookie of the year», le petit laboratoire TIBOTEC propose des produits nouveaux. Ainsi, le TMC 125 est un nouvel antiviral (INNTI) dont l’efficacité est comparable au Sustiva selon les premières études du produit. Il nous reste à surveiller de près la production de cette firme qui a encore quelques idées dans ses cartons.

Une mention particulière pour ce poster de l’hôpital Ramon y Cajal de Madrid qui a démontré, statistiques irréfutables à l’appui, l’importance de la communication entre médecin et malade dans l’adhérence des patients au traitement. On mesurait ici simplement le temps passé par les praticiens avec leurs patients. A faire lire de toute urgence à tous nos dirigeants et comptables des services de santé.

aspects cliniques

Luc Perrin de Genève nous rappelle que, chez les personnes traitées en primo-infection, les meilleurs prédicteurs de l’évolution de la maladie sont la sévérité des symptômes et le nombre de lymphocytes T CD4 mesurés mais également qu’il serait bon de s’intéresser à la mesure de la quantité d’ADN proviral.

Quant aux causes des échecs des traitements, la principale raison de changement du traitement initial est, selon Bernard Hirschel, un problème d’effets secondaires ou d’inadaptation du traitement à la vie courante et non pas l’échec virologique. L’analyse des causes de changement de traitement chez les personnes longuement traitées montre que c’est l’accumulation de résistances qui prévaut, nous explique Schlomo Staszewski. La meilleure solution dans ce cas est encore une thérapie de choc après une interruption de traitement. C’est évidemment la GigHAART.

Les résultats de l’essai GIGHAART de Christine Katlama et de son équipe de la Pitié-Salpêtrière, commentés dans Protocoles n° 21 avec d’autres présentations d’Athènes, montrent que ça marche. Il semble que, dans ce cas aussi, la meilleure décision soit prise au vu de l’état de l’immunité, c’est-à-dire principalement en fonction du nombre de lymphocyte T CD4.

vaccins

Jose Esparza est venu de l’OMS à Genève pour faire un bilan sur la recherche en matière de vaccins. Il a rappelé la longue histoire de ces recherches principalement en termes de techniques de mise au point et pointé les essais actuellement en cours et à venir. Les essais en la matière sont évidemment longs et difficiles à organiser et à évaluer. Les questions éthiques sont nombreuses, le problème financier est aussi un obstacle.

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La prochaine édition de la conférence européenne sur les aspects cliniques et les traitements de l’infection à VIH se tiendra à Prague dans deux ans.