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Chaque phrase de ces textes doit être lue comme une volonté de dénoncer ce qui se passe, aujourd’hui, dans les prisons françaises. Nombreux sont ceux qui pourrissent dans l’ombre carcérale sans pouvoir témoigner de ce qu’ils y subissent ou de ce qu’ils y voient. Les auteurs de ces témoignages luttent pour que cessent les pratiques criminelles de la Justice et de l’Administration pénitentiaire en France.

La « Justice » porte la responsabilité de la mort de mon père dans de telles conditions.

Je souhaite témoigner des circonstances dans lesquelles la maladie de mon père a évolué jusqu’à la mort sans que jamais on ne lui apporte les soins nécessaires à son état de santé.
Patrick Laurent est incarcéré le 25 mars 1999 à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy. Peu de temps après, des examens médicaux révèlent qu’il est atteint d’une hépatite C. Le 13 octobre 1999, un médecin du centre hospitalier de Versailles rattaché à la prison lui annonce qu’il a un cancer du foie et lui délivre un certificat médical spécifiant qu’il est atteint d’une pathologie sévère, rapidement évolutive, dont la prise en charge thérapeutique ne peut être correctement assurée en milieu carcéral. Le 14 novembre 1999, il dépose sa demande de mise en liberté, afin d’être transféré à l’hôpital Mignot du Chesnais pour recevoir des soins appropriés. Lors de l’audience, très affaibli et souffrant beaucoup (il décédera 12 jours plus tard), alors même que le juge est en possession du dossier médical, cette demande lui est refusée, pour vice de forme : il s’est adressé directement au juge au lieu de passer par le greffier. Il est mort seul, le 14 décembre 1999.
Pas une seule fois, la maison d’arrêt ne m’a informée de son état de santé, je ne l’ai jamais revu vivant. À aucun moment, il n’a semblé légitime à la justice de déroger à certaines de ses règles pour rendre à un homme sa dignité, lui permettre d’être soigné et de mourir entouré des siens ; quel que soit l’acte qu’il a pu commettre. Les peines infligées aux condamnés ne peuvent nier impunément les droits de l’homme les plus élémentaires. Personne ne peut être condamné à mourir comme un moins que rien, sans soins et sans les siens ! La « Justice » porte la responsabilité de la mort de mon père dans de telles conditions. Elle doit assumer ces erreurs et reconnaître ses torts.
Les règles doivent également changer. Nous ne pouvons plus rester silencieux face à ce que les détenus et les familles de détenus subissent. J’espère que mon coup de gueule tombera au bon moment !

La suspension de peine actuellement prévue par le projet de loi sur les prisons est insuffisante. Act Up dénonce l’attitude des juges qui par leurs décisions perpétuent la peine de mort pour les détenus. Act Up exige la libération immédiate des malades atteints de pathologies graves.

En prison, être homosexuel, c’est la pire des choses.

J’ai vingt-deux ans, je suis homosexuel, je vis avec mon compagnon depuis juillet 1999. Il a trente-trois ans, il est séropositif et a été incarcéré en mars 2001. Nous avons alors été arrêtés ensemble et écroués dans la même maison d’arrêt. J’ai été libéré en mai. Lui est toujours en prison. Ce témoignage le concerne.

Trois mois après son incarcération, en mai, mon ami devient auxiliaire à la maison d’arrêt, son travail consiste à servir la « gamelle » aux autres détenus. En novembre, en compagnie de son codétenu, il surprend un surveillant en train de déchirer une lettre et de voler les timbres contenus dans l’enveloppe. Après vérification des morceaux de papiers, il s’agit du courrier d’un détenu. Mon compagnon interpelle le surveillant pour lui signaler que ce n’est pas légal, l’autre rétorque « ta gueule, PD ! ». Il décide alors de s’adresser au chef de secteur. Après une enquête, il est décidé que le surveillant ne travaillera plus dans le même bâtiment.

A la même époque, la situation de mon ami se complique. La division où il est affecté apprend qu’il est homosexuel. Et qu’il est séropo. Par crainte de contamination, les détenus réclament qu’il cesse de les servir. Quelques jours après cette plainte, on le transfère. L’Administration pénitentiaire déclare qu’il n’est pas « apte » à exercer ce travail. Il est envoyé dans un autre bâtiment. Deux heures après son arrivée, on le déplace à nouveau. Il atterrit finalement dans la division où le surveillant a été muté. Lorsqu’ils se rencontrent, celui-ci lui glisse : « Pour moi, t’es déjà mort. Tu vas vivre un véritable enfer ». Rapidement, le maton fait circuler la rumeur qu’il est PD, ce qui déclenche insultes et représailles physiques. Agressions, intimidations, pression constante, plus de balade, plus de douche, plus d’appétit, il est terrorisé. En prison, être homosexuel, c’est la pire des choses.

Mi-décembre 2001, nous obtenons enfin son transfert dans une autre maison d’arrêt. Quelques jours après son arrivée, un médecin lui délivre un certificat médical attestant que c’est un patient particulièrement fragile et sensible, qui doit être placé en isolement en raison de sa pathologie. Le chef de secteur refuse ce certificat médical. Aujourd’hui, mon ami est sous traitement. On lui fournit des médicaments sans qu’il ne connaisse les prescriptions. Depuis un mois et demi, il demande à accéder à son dossier médical. A ce jour nous n’avons toujours aucune réponse.

Mais le pire s’est produit récemment et au moment où vous lisez ce témoignage, mon ami est dans un service psychiatrique, suite à une tentative de suicide. J’ai effectivement appris récemment qu’il a été violé par trois détenus sous les douches quelques jours avant son transfert. Comme d’habitude en prison, ses cris n’ont pas été entendus. Les trois détenus et les surveillants ont probablement tous supposé qu’un homosexuel apprécierait de se faire enculer violemment par des inconnus.
En 11 ans, mon ami aura donc subi deux viols en milieu carcéral. Première incarcération : premier viol : transmission du VIH. Deuxième incarcération : second viol : tentative de suicide.

Torture, viol, contamination, non respect des droits élémentaires à la santé, etc. Ces pratiques sont le fait de l’Etat et des juges qui maintiennent en prison des personnes qui ne devraient pas s’y trouver, qui entretiennent homophobie et discriminations.

Act Up exige que l’accès au dossier médical en prison soit immédiat. Act Up rappelle que l’administration pénitentiaire est tenue « d’assurer le respect de la dignité inhérente à toute personne qui lui est confiée par l’autorité judiciaire » (art. D. 189 du code de procédure pénale). L’Etat français et son administration pénitentiaire sont responsables des violences commises en prison. Act Up exige qu’elles soient sanctionnées.