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A la RéPI du 27 septembre dernier, qui portait sur  » les virus résistants et les nouvelles contaminations « , j’ai eu la surprise de voir des têtes dans le public, que j’avais plutôt l’habitude de croiser dans le Marais et non pas dans le milieu sida. Mais voilà, leur présence s’expliquait : ils étaient devenus séropositifs. Face à cela, j’ai toujours eu un sentiment partagé qui mêle découragement et rage.

En juin dernier, on nous reprochait d’intervenir dans le Marais pour informer sur la reprise des contaminations. Le SNEG dénonce dans Illico nos zaps parce qu’ils seraient trop stigmatisants (il s’agissait de distribution de tracts devant des backrooms). Le Dépôt, quant à lui, a porté plainte contre Act Up à la suite de cette distribution (il paraît que nous  » entraverions leur liberté de commerce « ), tout en nous proposant d’intervenir dans cet établissement si nous le souhaitions (sic.). C’est là que les patrons d’établissements n’ont rien compris. Nous ne voulons pas intervenir chez eux. C’est à eux que revient la responsabilité de faire de la prévention chez eux, de mettre à disposition des capotes et du gel en permanence et de manière accessible, c’est à eux d’afficher clairement leurs discours de prévention et de montrer publiquement qu’ils se battent contre le sida. Leur silence les rend complices et ils ne peuvent plus faire comme si rien ne se passait. Le relapse est là, il est temps d’agir. La conférence de Durban a d’ailleurs confirmé nos craintes : plusieurs études (américaines, néerlandaises, australiennes et britanniques) ont montré une remontée des prises de risques dans la communauté homosexuelle. On ne s’étonne plus de voir que dans ce domaine la France est encore en retard : aucune étude sur ce sujet n’existe à ce jour. C’est certainement pour cette raison que Dominique Gillot s’est empressée de convoquer de nombreuses associations de lutte contre le sida ou homosexuelles, le 21 juillet dernier, pour  » entendre nos préoccupations et nos revendications « -. La Direction Générale de la Santé devait nous présenter dès septembre des projets d’épidémiologie de cohortes suivant les pratiques sexuelles chez les pédés (séropos ou non), de mise en place de nouvelles campagnes d’information sur l’homophobie et sur le VIH auprès des jeunes, ainsi de structures de councelling dans le milieu festif homo. Elle devait également préciser les moyens financiers débloqués. L’empressement du mois de juillet a disparu : le Ministère ne propose plus rien, ne donne aucune nouvelle et fait comme si cette réunion n’avait jamais eu lieu. Les pédés peuvent continuer de se contaminer. Le ministère s’en fout. Il attend. C’est pour toutes ces raisons – l’absence des pouvoirs publics, l’hostilité des patrons des établissements gais et du SNEG à nos interpellations, les difficultés des associations – que nous avons décidé d’organiser une  » AG des pédés  » le 7 novembre prochain, à la place de notre traditionnelle Réunion Hebdomadaire. Nous avons essayé de créer un sursaut dans la communauté au moment de la Gay Pride. Mais il est nécessaire de parler entre nous, acteurs de la lutte contre le sida, patrons de boîtes, homos les fréquentant, pouvoirs publics. Nous devons être capables de nous réunir pour répondre à ces questions : qu’allons nous faire du relapse ? Comment envisageons-nous les backrooms que nous fréquentons ? Comment contrer la reprise de risques ? Nous n’attendrons pas que l’épidémiologie nous donne raison : il faut agir maintenant. Depuis le départ annoncé de Martine Aubry, et certainement de ses secrétaires d’état, dont Dominique Gillot, il n’y a plus personne au Ministère des Affaires sociales ou à celui de la Santé pour répondre à nos demandes. C’est ainsi qu’au moment où l’on se bat pour que le laboratoire Roche permette un accès plus large à sa dernière molécule (le T20), où l’on demande l’accès à l’Assistance médicale à la procréation pour les couples sérodifférents, où l’on hurle parce que les bénéficiaires de l’AAH sont exclus de la CMU, où l’on constate la passivité de tous face à la coinfection VIH/VHC ou VHB, tout le monde fait ses cartons ou attend qu’on lui confirme son départ. D’ici la parution d’Action, Martine Aubry et Dominique Gillot auront été remplacées. Nous les remercierons pour tout ce qu’elles n’ont pas fait : – pour l’absence du Ministère de la Santé dans tous les rapports de force entretenus avec les firmes pharmaceutiques, qu’il s’agisse de la question de l’accès à de nouvelles molécules, de la pharmacovigilance, de la lutte pour des médicaments génériques; – pour avoir refusé aux sans-papiers l’accès à la Couverture Maladie Universelle, en les cantonnant à un dispositif spécifique (l’Aide Médicale d’Etat) insuffisant pour permettre l’accès à un système valable de soins, de dépistage et de prévention; – pour avoir fixé le plafond de ressources de la CMU gratuite à 3 500 francs, alors que les bénéficiaires de l’Allocation Adulte Handicapé touchent 3 580 francs. Pour 80 francs de ressources  » en trop « , ils sont contraint à cotiser auprès d’un organisme pour obtenir le remboursement intégral de soins et du forfait hospitalier; – pour n’avoir jamais engagé une véritable politique de revalorisation des minima sociaux; – pour n’avoir toujours pas mis en place une véritable réflexion sur le relapse, en regardant passivement progresser les chiffres de l’épidémie – pour avoir refusé de faire la promotion du Fémidon (Martine Aubry ne trouve pas cet outil assez féminin et Dominique Gillot s’écrase). – pour avoir été absentes de tous les débats dans lesquelles elles auraient dû intervenir : déclaration obligatoire de séropositivité, assurabilité des personnes malades, obtention de nouvelles molécules pour les personnes en échappement thérapeutique, lutte pour l’accès à des médicaments moins chers et donc à des génériques, conditions de détention des détenus malades, etc. Depuis mai 1997, Martine Aubry a ignoré les malades du sida. Dominique Gillot lui a emboîté le pas. Et nous savons bien que nous aurons peu à attendre de leurs successeurs. Nous avons pris l’habitude de ne plus compter sur eux.

 

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