Depuis 15 jours, quelques personnes collent dans le Marais un texte intitulé » Les grenades sexuelles dégoupillent « , signé » un groupe d’anciens sympathisants et adhérents d’Act Up-Paris « . En 20 lignes, ce texte prétend analyser les positions d’Act Up en matière de prévention : nous nous serions lancés » dans une croisade afin d’obtenir la fermeture des backrooms « , nous développons un discours » beauf et salace sur la sexualité des pédés « , et nous cherchons à » retrouver un semblant d’audience médiatique en misant sur l’homophobie larvée d’une bonne partie de la société française « . Et pour finir, il conclut au boycott de la manifestation d’Act Up le 1er décembre. Comme projet politique, il n’y a pas mieux.
A l’occasion, on qualifie Act Up d’un résidu » hétérosexuelles compatissantes « (ça, c’est moi) et » d’homosexuels aigris « (ça, c’est Didier Lestrade). J’aurais pu ignorer ce texte, mais il véhicule tellement de débilités que je préfère rappeler certaines choses. Act Up-Paris n’a jamais cherché à fermer les backrooms ou à criminaliser les séropos qui baisent sans capote. Nous voulons simplement, et l’AG des PD l’a prouvé, que l’on puisse parler véritablement du relapse et du bareback, sans qu’on nous qualifie immédiatement de curés de la capote. Nous voulons aussi que les associations, les acteurs de la communauté homosexuelle se réveillent avant qu’il ne soit trop tard. Notre discours est certainement difficile à entendre, mais nous ne lâcherons pas. Il faut tenir bon. Nous n’avons pas d’autres solutions si nous voulons rester en vie. Lutter contre le sida ne peut pas se faire en niant les prises de risque, mais en essayant de les comprendre et de les discuter pour les inverser. À ce titre, l’AG des PD aura d’ailleurs été un moment exceptionnel : tous les avis ont pu s’exprimer, les engueulades ont certes été vives, mais au moins, nos détracteurs s’étaient déplacés ; ils se sont exprimés devant 400 personnes et chacun ce soir-là a pu participer au débat. Rien à voir avec la lâcheté d’une distribution de tract anonyme. Ceux qui se réclament être d’ » anciens sympathisants et adhérents d’Act Up « n’ont tellement rien compris à Act Up qu’ils sont incapables de signer leurs actes et d’afficher ouvertement leurs opinions. A Act Up, nous n’avons pas peur de nos opinions. Nous avons toujours identifié nos ennemis et avons revendiqué chacune de nos actions. La grande différence entre eux et nous, c’est le courage politique. Et c’est justement parce que nous avons ce courage, et parce que nous menons une guerre, que cette année, nous nous attaquons à la propriété intellectuelle et aux brevets. Entre le droit des brevets et le droit à la santé, il faut désormais choisir. Chacun s’accorde à reconnaître que le monopole de quelques industriels sur le » marché du sida » leur permet d’imposer sur les trithérapies des prix exorbitants, de dégager des profits sans commune mesure avec les investissements qu’ils ont pu faire. Ainsi, les grands laboratoires pharmaceutiques condamnent à mort 9 malades sur 10. Aujourd’hui, les pays du Sud ont la capacité de fabriquer des copies d’antirétroviraux à des prix largement inférieurs à ceux des grands laboratoires. Le Brésil, la Thaïlande, l’Inde en font la preuve. Parce que les accords internationaux sur le commerce autorisent des exceptions, ils peuvent, en théorie, développer une production et une exportation de masse, seule alternative pour permettre l’adéquation entre le prix des médicaments et la capacité de paiement des pays. Pourtant, les multinationales pharmaceutiques usent de tous les moyens à leur disposition pour contrecarrer ces productions nationales et interdire la distribution de copies dans les pays pauvres. En toute impunité, ils détournent les lois et imposent la leur. Et de fait, les exceptions au droit des brevets sont inexploitables, là où elles devraient pourtant être la règle. La propriété intellectuelle devrait permettre que l’exploitation commerciale des produits pharmaceutiques alimente un réinvestissement dans la recherche et assure l’accès du plus grand nombre aux innovations de la santé. Nous en avons pourtant la preuve, cela ne marche pas ; les trithérapies pour indispensables qu’elles soient, restent inaccessibles à la majorité. Les brevets ne garantissent qu’une chose : les profits d’une poignée de multinationales bénéficiant d’un monopole de 20 ans sur l’exploitation des médicaments, tandis qu’ils en restreignent l’accès aux seuls malades solvables. Pour lutter contre le sida, il n’y a donc qu’une solution : abolir la propriété intellectuelle partout où elle tue. L’an passé nous proclamions » Guerre aux Labos « . Cette guerre ne fait que commencer, au Nord comme au Sud. Nous ne pouvons rien faire sans traitement. Et tant que l’industrie pharmaceutique conservera cette attitude, celle de la sauvegarde de ses monopoles au mépris de la santé des séropos, nous continuerons à la combattre.Pour toutes ces raisons, nous manifesterons, avec vous, le 1er décembre, à 18h00, Place de la République.