la banderole noire d’Act Up est tombée au milieu du meeting, peut-être que Christine Boutin a revu en accéléré tous ces moments. Peut-être même s’est-elle souvenue avoir vu exactement la même banderole trois ans auparavant, sur la façade du théâtre de Chaillot : HOMOPHOBES en lettres blanches et notre logo en signature. Il n’y a parfois rien de plus implacable qu’un air de déjà-vu.
Rien de plus efficace aussi qu’un zap réussi pour sortir une administration de son immobilité. Le système épidémiologique reposant sur une Déclaration Obligatoire de Séropositivité (DOS) n’a toujours pas été mis en place. Cela fait deux ans et demi que les associations l’attendent. Le Ministère de la Santé s’était engagé sur la date de janvier 2002, et depuis, plus rien. Il devenait clair que ce dossier allait être enterré et que rien ne serait signé avant les élections. Dans cette situation où tous les acteurs, de l’InVS (Institut de Veille Sanitaire) à la DGS, en passant par le Ministère, invoquent à n’en plus finir des problèmes techniques d’anonymisation des données, rien ne vaut une action simple. Le siège du Parti Socialiste a donc été zappé puis occupé par une vingtaine de militants. Act Up a interpellé le candidat du PS aux présidentielles sur son silence (il n’a jamais parlé du sida sinon pour évoquer la situation internationale ou censurer une campagne de prévention jugée pornographique parce qu’elle donnait à voir sans tabou des pratiques sexuelles) et sur le blocage de la DOS. Une heure plus tard, tous les acteurs institutionnels concernés étaient réunis au Ministère et s’engageaient devant les militants d’Act Up sur un calendrier.
Trois hommes ont été décapité en Arabie Saoudite parce qu’ils étaient homosexuels. Aucun responsable politique français n’a eu le courage de dénoncer ces assassinats. A Paris, Act Up a zappé l’ambassade d’Arabie Saoudite, maculant le drapeau de sang. L’Elysée et le Ministère des Affaires Etrangères ont été harcelés par téléphone et par fax pour exiger une réaction officielle. Sous la pression, les porte-paroles de ces deux institutions ont exprimé l’un son opposition à la peine de mort, l’autre sa condamnation de toute forme de discrimination.
La campagne électorale est engagée. Act Up sera sur tous les fronts, et le rythme de nos actions pourrait bien ne pas cesser de s’accélérer.
Au début d’Act Up, il y a la colère. Mais la colère ne serait rien sans le sens de l’épopée. C’est ainsi que l’on fait naître une légende à partir de rien, à partir de bouts de chiffons et de carrés de carton, à partir de cris et de corps en mouvement.
Christine Boutin l’a appris à ses dépens. Nous avions annoncé au début de l’année qu’Act Up comptait peser sur les élections présidentielles. La campagne a commencé et nous sommes là. Nous nous souvenons très précisément des propos homophobes tenus par Christine Boutin lors des débats sur le PaCS, nous nous souvenons des injures et des coups reçus lors de la manifestation des anti-PaCS, nous nous souvenons qu’aucun homme politique n’est intervenu pour dénoncer les déclarations homophobes de nombreux parlementaires au Sénat et à l’Assemblée.
Quand