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Ce n’est malheureusement pas une surprise. La récente enquête « presse gaie » a révélé des chiffres catastrophiques sur la prévention chez les homos.

Une enquête de Sida Info Service le confirme. Les réactions face à cette enquête sont pourtant étonnantes. Certains médias gais n’en parlent pas, d’autres tels qu’Illico minimise les chiffres. Et en plus on nous reproche d’en parler, d’en faire trop, de trop montrer du doigt les homos, que les hétéros eux aussi ne se protègent pas, bref, qu’à parler d’une réalité, celle du relapse, on a pour principale action de stigmatiser les pd. Cette vieille rengaine, aussi chère aux pd qui ne veulent pas qu’on parle du relapse qu’aux pouvoirs publics qui ne veulent pas qu’on parle trop des pd, a donc trouvé un second souffle. Mais qui stigmatise ? Qui fait le jeu de l’épidémie ? Lorsqu’on dit que 33% des femmes étant au stade sida sont issues de la population immigrée, c’est de la stigmatisation ou simplement de la réalité d’une épidémie, aussi dramatique qu’elle soit. Lorsque les chiffres montrent que chez les usagers de drogues, les contaminations baissent régulièrement et de manière pérenne, c’est de la stigmatisation ou la simple preuve que les programmes de réduction des risques ont permis de changer les pratiques d’injection et de les rendre plus safe. Lorsque des pd déclarent volontairement dans l’enquête presse gaie qu’ils sont 23% à avoir eu une relation sexuelle non protégée, c’est de la stigmatisation ou la simple réalité d’un relâchement massif. Act Up peut agacer, énerver, parce que jour après jour nous ne lâchons pas. On peut nous reprocher d’être moralisateur, nous avons au moins un courage que beaucoup non pas : nous ne nous voilons pas la face et nous assumons ce qui se passe aujourd’hui. Les pd se protègent moins. Les hétéros ne se protègent toujours pas. Les MST sont en augmentation spectaculaire. Et les contaminations VIH continuent. Les morts aussi, les échappements thérapeutiques également. L’INVS vient de nous transmettre une enquête épidémiologique descriptive sur les cas de syphilis à Paris pour l’an 2000. « Parmi les cas diagnostiqués en 2000, trois quart d’entre eux concernaient des hommes homosexuels. La moitié des cas diagnostiqués étaient infectés par le VIH et parmi les patients séropositifs, 69 % connaissaient leur séropositivité avant le diagnostic de syphilis », écrit l’INVS. Ce qui veut dire également que 31% des personnes ont appris leur séropositivité à ce moment. Ces chiffres font froid dans le dos. Ils sont désespérants et décourageants. Il n’empêche qu’ils révèlent des pratiques et montrent bien qu’il s’agit de quelque chose de massif à Paris. Alors, que préférez vous ? Qu’on cache ses chiffres et qu’on fasse le jeu de l’épidémie, comme l’ont fait les pouvoirs publics pendant longtemps ? Ou qu’on transmette ces données, qu’on crée de l’information et de la prévention pour éviter qu’à l’avenir, ces chiffres soient confirmés. La réalité est peut être difficile à avaler, mais nous n’avons pas d’autre choix que de l’assumer. Les 10 premières années de l’épidémie de sida ont été marquées par la contamination et la mort de milliers de personnes, majoritairement des homos, des usagers de drogues et des hémophiles, pendant que les pouvoirs publics ignoraient de manière criminelle l’épidémie, refusait de faire de la prévention envers les homos (« c’était contraire aux bonnes moeurs » et « stigmatisant »), de faire la publicité pour les préservatifs, de vendre des seringues, de chauffer les lots de sang. Voilà. On va fêter les 20 ans de l’épidémie de sida, ses 38 millions de personnes atteintes dans le monde, 14 millions de morts, dont 40 000 en France. Baisers sans capote, ne pas se protéger, c’est irresponsable. C’est insulter nos morts et leurs souffrances. Rappelez-vous des amis qui ont été contaminés dans les années 80 à cause d’une capote qui a explosé parce qu’à l’époque on ne faisait aucune information sur l’utilisation de lubrifiant. Rappelez-vous des amis qui ont découvert leur sida quelques jours avant leur mort. Rappelez vous de ces personnes qui se sont retrouvées exclues du fait de leur séropositivité. Rappelez vous également de ce que c’est d’être séropo aujourd’hui. On ne se construit pas d’identité en devenant séropo. Il n’y a aucun romantisme à être contaminé. En aucun cas, cela vaut le coup d’être vécu. A Act Up, nous ne sommes pas suicidaires. Certes des salopes, mais pas suicidaires. A Act Up nous n’oublions pas les 20 ans d’épidémie derrière nous. Encore aujourd’hui nous croyons que cela vaut la peine de coller des affiches dans les rues de Paris, que cela vaut le coup de se battre pour des campagnes de prévention qui parlent aux homos. Peut être que nous nous trompons. Peut être que tout cela se calmera quand chacun aura attrapé le sida, une MST, pris un traitement d’urgence ou je ne sais quoi d’autre encore. Après tout, faites ce que vous voulez. Contaminez-vous. Prenez des risques. Mettez en jeu vote vie. Amusez-vous à prendre une trithérapie. Apprêtez vous à avoir des lipodystrophies, des rash cutanées, des diarrhées et des cauchemars. Rejoignez 140 000 personnes déjà contaminées en France. Cela ne taira pas ni notre fureur, ni notre désespoir.

 

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