communiqué de presse d’Act Up les femmes citées comme minorité au côté des homosexuelLEs, des étrangerEs, des usagerEs de drogues, des prostituéEs et des malades. Elle nous appelle le 6 mai au matin pour nous crier dessus, littéralement.
Comment, par delà le soupçon que fait peser sur elle cette furie (ça lui fait si mal d’être mise au côté des malades, des pédés, des drogués, des putes et des étrangers ?), peut-on ne pas lui en vouloir ? Elle n’aurait donc rien compris à ce que peut être une minorité ? Rien lu de ce qu’écrit Act Up depuis des années ? Act Up connaît un peu la question des minorités. Issue de la communauté homosexuelle, nous nous y confrontons depuis quelques années – 13 ans maintenant. Il se peut alors que nous ayons part légitime lorsque nous avançons ce genre de chose. Preuve en est que des femmes séropositives et hétérosexuelles arrivent à Act Up pour se battre au coté des gays ou de lesbiennes et tenter de changer le regard que portent « les autres » sur elles. Lorsqu’elles arrivent, c’est souvent après être restées longtemps terrées sans oser parler de leur maladie. Lorsqu’elles en ont assez de ne pas avoir de réponse aux questions qu’elles se posent, alors que les effets secondaires des traitements transforment leur corps, que la disparition de leur règles les inquiète, que les mycoses, les herpès ne cessent de réapparaître et deviennent de plus en plus difficiles à soigner, que les dérèglements hormonaux semblent laisser indifférents leurs médecins, qui pourtant savent que le fonctionnement hormonal pèse son poids dans un corps, etc.
Car elles ont à se battre. Nous, femmes séropositives, avons à nous battre contre l’image des femmes dans la société, encore identifiées, lorsqu’elles sont séropositives, à des pauvres filles ou à des salopes. Nous avons à nous battre pour que les médecins acceptent de voir qu’un corps d’homme et un corps de femme ne réagissent pas de la même façon face à la maladie, et de se souvenir que le fonctionnement hormonal ne constitue pas un indicateur de l’hystérie des femmes mais une différence fondamentale entre les hommes et les femmes. Nous avons à nous battre pour avoir une place dans la recherche, en tant que femmes et pas seulement pour régler les problèmes que nous poserons lorsque nous serons enceintes. Nous avons à nous battre contre des difficultés socio-culturelles et socio-économiques, et pour conquérir plus d’autonomie sur ces plans. Nous avons à nous battre pour que les politiques reconnaissent que les campagnes de prévention n’ont pas su jusqu’à présent s’adresser aux femmes, etc.
Quiconque a bien voulu y réfléchir sait que les femmes, si majoritaires soient-elles en nombre, ont toujours été minorisées en droit, et le restent encore aujourd’hui – dans des recoins plus obscurs peut-être, mais avec constance. Nous, femmes séropositives, le savons bien. Etre séropositive c’est aussi, parfois, face à un médecin ou à un laboratoire, éprouver cette minorisation dans son corps, la retrouver où on pouvait la croire oubliée.
Act Up est un endroit où peut se mener ce combat minoritaire. Des femmes séropositives y ont trouvé la place, et des alliés, pour se battre pour que le préservatif féminin soit vraiment mis à la disposition des femmes. Pour exiger une place dans les essais cliniques. Ou pour s’insurger lorsque l’ostéoporose, comme effet secondaire aux antirétroviraux, est étudiée chez les hommes séropositifs sans l’être chez les femmes séropositives, alors qu’on le sait que les femmes sont plus exposées à cette pathologie, passé l’âge de la ménopause. Act Up est un endroit où peut se mener ce combat minoritaire, parce que le bon sens voudrait qu’une forme de solidarité lie les minorités entre elles. Cela peut paraître naïf ou utopique. On nous dit bien qu’aujourd’hui des Français d’origine africaine votent Le Pen, pourquoi ne verrait-on pas des homos se traiter de lopettes entre eux, des filles avoir des comportement machistes, des femmes médecins atterrées lorsqu’on les interpelle sur l’urgence de comprendre les différences entre hommes et femmes, alors que d’autres ont déjà compris depuis longtemps la nécessité de mettre en place des essais qui évitent aux femmes de découvrir in vivo les effets indésirables des traitements ? Si l’alliance marche, c’est plutôt, peut-être, parce que la question minoritaire y est vécue et éprouvée, depuis longtemps. Oui, nous formons dans Act Up une minorité dans la minorité.
Mais une minorité qui fait valoir ses droits. Gageons – c’est le jeu, veiller à l’honneur de l’alliance des minorités entre elles – qu’à Act Up il y aura toujours quelqu’un pour rappeler à celui ou celle qui perdrait un instant le fil, qu’il ou elle se trompe. Par exemple : une femme pour rappeler à une autre qu’elle a un comportement misogyne, à un pédé qu’il a un comportement digne d’un beau macho, à un étranger que les femmes africaines séropositives sont exposées à des dangers spécifiques. C’est aux femmes séropositives de réagir, de convaincre de la pertinences de leurs questions.
Hélène Cardin, une femme, journaliste, spécialiste des questions médicales à France Inter, s’insurge de voir dans un