Aujourd’hui en France, 40 % des personnes séropositives au VIH sont atteintes d’une hépatite virale (B, C, ou D) et toutes peuvent à un moment de leur infection nécessiter une prescription d’interféron pégylé. Parmi ces personnes coinfectées, environ 30.000 sont infectées par le VIH et le VHC, et sont susceptibles d’être traitées par une bithérapie spécifique d’interferon pégylé et de ribavirine.
Des effets secondaires plus importants, des résultats moins favorables
Les notices d’information du laboratoire Schering-Plough qui accompagnent ViraféronPeg® (interféron pégylé) et Rébétol® (ribavirine) ne consacrent aucun paragraphe aux effets secondaires particuliers qui peuvent survenir chez les patientEs coinfectéEs. Pourtant, le traitement interféron/ribavirine peut occasionner des effets secondaires sévères. Des mises en garde figurent dans les Conférences de Consensus 2002 sur l’hépatite C, ainsi que dans les Recommandations 2002 du groupe d’experts sur la prise en charge des personnes infectées par le VIH.
La bithérapie interféron/ribavirine présente des effets secondaires majorés et des pourcentages de réussite nettement moins bons chez les personnes coinfectées. En association avec les antirétroviraux contre le VIH, ViraféronPeg® et Rébétol® peuvent ainsi provoquer des effets graves (atteintes mitochondriales et acidose lactique). La toxicité de la d4t et de la ddI a par exemple été mentionnée dans les protocoles SECOIIA et RIBAVIC de l’ANRS. Il est également déconseillé d’associer Sustiva® et Viraféron®, à cause des problèmes psychiques qui peuvent survenir (dépression, psychose, manifestations paranoïdes, pulsions suicidaires). La combinaison ViraféronPeg®/Rébétol® suscite quant à elle un risque plus important de troubles du métabolisme sanguin (anémie, leucopénie) et de fatigue en présence du VIH. Ces complications conduisent certaines personnes à arrêter le traitement avant son terme parce qu’elles sont épuisées.
C’est pourquoi les recommandations institutionnelles insistent sur une surveillance spécifique et attentive, nécessitant des bilans sanguins répétés tous les 15 jours pendant les 3 premiers mois de traitement. Elles indiquent que le médecin pourra évaluer la possibilité d’un changement d’antirétroviral, avant ou après la mise sous interféron. Enfin, elles incitent les spécialistes de l’infection VIH et de l’infection VHC à se concerter afin de déterminer la meilleure stratégie thérapeutique pour les patientEs et d’établir le meilleur programme de suivi.
Hélas, aucune de ces données ne figure dans la notice d’information de ViraféronPeg® et de Rébétol® ; ce n’est pas acceptable.
Act Up-Paris, soutenu par le CHV (Collectif Hépatites Virales), s’est donc adressé aux Agences française et européenne du médicament pour demander une modification des notices. Nous avons également sollicité la mise en place d’une étude clinique post-AMM de pharmacovigilance : après la mise sur le marché du produit, nous souhaitons qu’un protocole scientifiquement validé soit entrepris, avec des objectifs clairs, pour connaître les effets intolérables de l’interféron lorsqu’il est utilisé sur une longue période. Cette étude répondrait à une réelle nécessité, en raison des effets graves déjà observés.
Schering-Plough n’est pas pressé : les patientEs peuvent toujours attendre !
Les responsables commerciaux du laboratoire Schering-Plough nous ont répondu, et leurs propos ne cessent de nous étonner. Ils veulent nous faire croire qu’ils ne pourront pas modifier le résumé des caractéristiques du produit (RCP) avant très longtemps, car selon eux, les éléments scientifiques seraient insuffisants. Pourquoi alors le laboratoire Roche, grand concurrent de Schering-Plough pour la commercialisation de l’interféron, consacre-t-il un paragraphe à la coinfection dans la notice de son interféron pégylé, le Pégasys® ? Schering-Plough semble faire peu de cas des mises en garde et des recommandations des institutions scientifiques publiques qui s’appuient sur des essais rigoureux. Les effets pour les patients sont suffisamment graves pour qu’ils justifient l’urgence de la demande.
Flou artistique
Nous ne ferons pas l’économie d’une étude clinique de pharmacovigilance rigoureuse, avec des paramètres scientifiquement validés, pour évaluer au long cours les effets secondaires de l’interféron et de la ribavirine. Dès qu’il s’agit de voir aboutir ce projet, les responsables de Schering-Plough sombrent dans la farce. Ils trouvent en effet plus opportun de proposer un vague pré-projet d’observation de l’Hépatite C qui rassemblerait associations et médecins généralistes libéraux. Très imprécis, ce pré-projet demeure sans forme, sans objectif, sans mesure.
Act-Up Paris souhaite la modification de la notice qui accompagne le traitement contre les hépatites Viraféron®/Rébétol® parce que l’information des patientEs coinfectéEs est urgente et indispensable.