Les pharmacies hospitalières de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP) ne veulent plus délivrer de médicaments aux malades non hospitaliséEs.
Depuis juin 2002, de nombreuses pharmacies hospitalières ont décidé de réduire les horaires d’ouverture et donc d’accès aux médicaments pour les patientEs ambulatoires (malades non hospitaliséEs). D’une à deux demie-journées de fermeture supplémentaires par semaine, on arrive aujourd’hui à des pharmacies qui n’ouvrent plus que deux jours par semaine. Pour des malades tenuEs de prendre leurs traitement sans interruption, pour des malades épuisés par des traitements très lourds et des pathologies très graves, pour des malades coinfectés pour qui sortir de chez eux est parfois un effort extrêmement pénible, le jeu de ping pong auquel se livrent les pharmacies de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP) est difficilement supportable. Les griefs financiers des pharmacies s’adressent aux pouvoirs publics, mais leur moyen d’action est de prendre des mesures drastiques dans l’espoir de faire entendre leurs réclamations en haut lieu. Mais leur action rend pénible l’approvisionnement des traitements, les malades sont pris en otages.
Les séropositifVEs sous traitement bénéficient d’un régime particulier de mise à disposition des médicaments : ils peuvent s’approvisionner avec leur ordonnance chez leur pharmacien en officine de ville comme choisir d’aller au guichet d’une pharmacie hospitalière. Certains médicaments ne sont disponibles qu’en pharmacie d’hôpital, car ils sont récents et n’ont pas encore reçu d’agrément pour une dispensation en ville. Le statut des traitements VIH est une exception dans ce domaine, puisque normalement un médicament recevant l’agrément pour dispensation en ville ne peut plus être dispensé à l’hôpital, les pharmacies hospitalières étant dédiées aux malades hospitaliséEs dans l’établissement.
Or pour des raisons de santé publique, la Direction Générale de la Santé a institué ce régime particulier : les malades doivent pouvoir poursuivre leurs traitements sans la moindre interruption pour en garantir l’efficacité. Les pharmacies de ville n’ont jamais les médicaments antirétroviraux en stock en raison de la forte charge que cela fait peser sur leur trésorerie. En ville, il faut donc commander le médicament et retourner le chercher, au mieux le lendemain. À l’inverse, les pharmacies hospitalières sont tenues de maintenir des stocks de tous les antirétroviraux, les médicaments y sont donc toujours disponibles. Si pour une raison ou pour une autre un malade se trouve à cours de traitement pour ses prochaines prises, seule la pharmacie hospitalière pourra les lui fournir assez tôt.
Outre cette situation, les raisons de se réapprovisionner en pharmacie hospitalière ne manquent pas. La délivrance des médicaments y offre de meilleures conditions de confidentialité qu’en pharmacie de ville, surtout lorsqu’il s’il s’agit de pharmacie de village. Le fait que les pharmaciens de ville réclament des garanties de prise en charge pour le remboursement de médicaments particulièrement chers est un obstacle considérable pour des malades de plus en plus précariséEs qui ne peuvent souvent pas fournir de justificatif de couverture sociale. Enfin, hors de la région d’origine de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) ayant délivré la couverture à 100% des frais médicaux, les pharmaciens de ville sont remboursés avec un retard très important, et il leur arrive de demander l’avance du prix des médicaments. Ce qui peut faire un trou important dans le budget de vacances.
Pour toutes ces raisons, un nombre important de malades vient chercher ses traitements en pharmacie hospitalière, sans que celles-ci reçoivent les moyens adaptés à cette mission. Avec l’été, le nombre déjà restreint de personnel est encore réduit par les congés annuels, les arrêts-maladie et les 35 heures qui ne sont pas compensées. Ces problèmes touchent toutes les pharmacies hospitalières de l’APHP, qui se renvoient la balle, et la balle, c’est nous, les malades.
Les pharmacies de l’APHP entendent faire pression sur les pouvoirs publics, et la Direction Générale de la Santé en particulier en restreignant les horaires d’ouverture de leurs guichets au public. Mais en prenant ces mesures, c’est sur les malades que la pression s’exerce. On peut alors se demander si ce n’est pas le but. Le monde associatif dans le domaine du sida est réputé être actif et réactif ; reporter la pression sur les malades pour que dans leurs plaintes soient reprises les demandes budgétaires des pharmaciens est très tentant. Mais on toucherait là à un cynisme et une sournoiserie que nous n’oserions prêter à des gens tellement «soucieux des soins de proximité», comme nous l’écrivait il y a peu un responsable de pharmacie. Non, vraiment, prendre les malades comme des boucliers humains, l’APHP n’oserait pas. À moins que…