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Le 11 juillet dernier, 20 militants d’Act Up-Paris faisaient en un die-in dans les locaux de l’hôpital de Gonesse (Val d’Oise, 95). Depuis un an, en effet, le service VIH de l’hôpital refuse d’intégrer de nouveaux patients. Des malades s’y sont vu refuser des soins et sont orientés vers d’autres structures, sans assurance de pouvoir s’y faire suivre.

Une situation prévisible depuis deux ans.

Depuis deux ans, le nombre de malades qui s’adressent à cet hôpital est en constante augmentation : 160 nouveaux cas il y a deux ans, plus de 50 nouveaux cas dans les deux premiers mois de l’année 2001. Le seul médecin affecté au service VIH de l’établissement a actuellement une file active de 450 malades ; alors que la file active d’un médecin hospitalier VIH comprend généralement de 50 à 100 personnes. Matériellement, cet unique médecin n’est plus en mesure d’accueillir de nouveaux malades depuis un an. Cela fait deux ans qu’il a alerté la direction de l’hôpital. Mais celle-ci a laissé la situation se dégrader. La principale cause de ce dysfonctionnement est d’ordre budgétaire, sans doute. Mais plutôt que de se battre pour obtenir des moyens supplémentaires, le directeur de l’hôpital, M. Burnier, s’efforce d’ignorer le problème. Dans sa réponse au courrier que nous lui avions adressé le 26 avril 2001, il reconnaît les faits, mais n’évoque aucune démarche ni proposition pour débloquer la situation.

En 2001, on renvoie à la rue des malades du sida, pour la plupart précaires et/ou étrangers.

A Gonesse, aujourd’hui, les patients séropositifs, qui sont en grande majorité en situation sociale précaire, sont donc renvoyés vers d’autres centres de soins. Or, quand on est malade, sans argent, sans voiture, parfois sans papier ou sans moyen de se repérer dans le dédale de la banlieue parisienne, et qu’on se fait jeter de l’hôpital le plus proche de chez soi, que fait-on ? On abandonne le plus souvent le projet de se faire soigner, au risque de voir progresser brutalement la maladie, et de mourir de maladies opportunistes.
Alors que des associations, des malades, des personnels soignants se battent pour améliorer le dépistage, l’accès au suivi médical le plus précoce possible et la prévention, des hôpitaux baissent les bras ; des administratifs font semblant d’ignorer la gravité du sida et exposent des malades aux pires difficultés.

Irresponsabilité ou cynisme ? La passivité avec laquelle M. Burnier a abordé sa mission de santé publique est inacceptable.

Force est de constater que la passivité de M. Burnier ne se manifeste qu’envers les malades en demande de soin. Face aux militants d’Act Up venus pour exiger une solution rapide à ce problème, il a fait appel à 30 CRS qui ont ainsi perturbé l’accès à l’hôpital pendant toute la journée du 11 juillet. Alors qu’il savait parfaitement qu’il avait affaire à des malades pacifiques, il s’est ensuite enfermé à double tour dans les locaux de l’administration hospitalière. Si la situation n’était pas aussi grave, cela aurait prêté à rire. Si M. Burnier avait déployé moitié moins d’énergie pour régler la situation catastrophique du service VIH de son hôpital, le problème de Gonesse aurait été réglé depuis plusieurs mois.

Qu’avons nous obtenu.

Après notre rencontre avec M. Burnier, une demande de financement d’un poste à temps partiel et de quatre vacations ont été adressée à la direction régionale des Hôpitaux. Le directeur de cette administration nous a affirmé au téléphone qu’il répondrait à cette demande dans les plus brefs délais (c’est à dire avant fin août).

Mais le problème de Gonesse n’est pas singulier dans le paysage hospitalier français. Nous constatons en effet depuis quelques mois une dégradation de la prise en charge des malades VIH dans les hôpitaux publics (l’hôpital de Bichat, l’hôpital d’Angers). Le point commun entre tous ces hôpitaux s’appelle restrictions budgétaires (réaffectation des enveloppes sida vers d’autres services, suppression de lits). L’actuelle politique de prise en charge se base en effet sur les chiffres de la déclaration obligatoire du sida. Mais ces chiffres, comme le reconnaissent la DGS et l’Institut de veille sanitaire, ne reflètent pas la situation exacte de l’épidémie en France. La déclaration obligatoire du sida est obsolète du fait de l’efficacité virologique des trithérapies, et la déclaration obligatoire de séropositivité tarde à se mettre en place. Ainsi, les autorités sanitaires continuent de baser leurs projections de soins sur des chiffres erronés, alors que les besoins en soins médicaux ne cessent d’augmenter.

Qu’attend la Direction des Hôpitaux et le ministre de la Santé pour se saisir de ce problème ? Des moyens doivent être débloqués dans les plus brefs délais pour assurer aux personnes séropositives la prise en charge de qualité dont elles ont toutes besoin.