Lors du débat sur la réforme de l’Aide Médicale d’Etat, Alain Lambert, ministre délégué au budget, a tenu des propos inqualifiables pour défendre son projet. Nous lui avons fait parvenir le courrier suivant.
Paris le 24 décembre 2002
A l’attention d’Alain LAMBERT Ministre délégué au Budget et à la réforme budgétaire
Objet : vos propos publics au Sénat concernant l’Aide Médicale d’Etat.
Monsieur le Ministre,
Le 16 décembre 2002, lors d’une séance au Sénat consacrée à l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2002, vous avez tenu, concernant l’article 31-A et la remise en cause de l’accès aux soins gratuit pour les étrangers sans-papiers, des propos inadmissibles, auxquels nous entendons répondre point par point.
Tout d’abord, vous vous servez des associations, dont la nôtre : « D’abord – et les associations elles-mêmes l’ont reconnu – […] l’aide médicale de l’Etat instaurée par le précédent gouvernement fonctionne mal ». Si les associations dont vous parlez ont critiqué l’AME, c’est bien parce qu’il s’agit d’un dispositif inégalitaire. Nous nous battons pour l’égalité des droits, et en ce sens, un dispositif en dehors du droit commun comme l’est l’AME nous semble insuffisant. C’est pourquoi nous luttons pour l’intégration des sans-papiers au sein de la CMU. Vous servir aujourd’hui de nos combats pour justifier un article de loi qui renforcera les inégalités dans l’accès aux soins est intolérable.
Ensuite, vous prétendez que les mesures adoptées au Parlement « [n’]ont été guidées que par la qualité des soins et le devoir humanitaire ». Comment osez-vous affirmer qu’un article de loi qui oblige les plus précaires à payer pour être soignés soit dicté par un quelconque « devoir humanitaire » et serve la qualité des soins ? Faire payer un ticket modérateur ou une part du forfait hospitalier à des personnes déjà privées de tout droit, c’est les décourager un peu plus dans les démarches qu’elles pourraient faire pour accéder aux soins, au dépistage ou à la prévention. Votre conception de la qualité des soins est celle d’un gestionnaire qui n’y connaît rien en santé publique.
Enfin, pour justifier les impératifs d’économie budgétaire qui ont régi la rédaction de cet article de loi, vous exposez des arguments d’une xénophobie odieuse. Vous affirmez par exemple : « Il n’y a pas de générosité d’Etat : la générosité, c’est celle des Français, avec leur argent, parfois le fruit du travail des plus pauvres ». Vous opposez ainsi les précaires nationaux aux précaires étrangers, en sous-entendant que ces derniers seraient des parasites qui bénéficieraient de la « générosité » des Français. Faut-il vous rappeler que ce genre de discours est raciste, et est avant tout tenu par le Front National ? Faut-il vous rappeler que les sans-papiers paient des impôts, des cotisations ou des taxes – la TVA par exemple – et qu’ils contribuent donc pleinement aux recettes de l’Etat ? Avez-vous eu les mêmes scrupules et la même attention envers la « générosité des Français » et « au travail des plus pauvres » quand votre salaire de Ministre a augmenté de 50 % ?
Pour justifier la remise en cause de l’AME, vous avez donc détourné les combats des associations, affirmé des non-sens en matière de santé publique et utilisé la rhétorique lepéniste qui consiste à opposer les précaires « français » aux précaires « étrangers ». Nous saurons vous rappeler à tout moment les conséquences de vos positions sur la santé des personnes que vous avez condamnées.
Veuillez agréez, Monsieur le Ministre, l’expression de notre colère et de notre détermination,
Pour Act Up-Paris,
Jérôme MARTIN Vice-Président