Le procès du sang contaminé était attendu par tous ceux, malades et associations, qui ont déployé tant d’énergie pour faire admettre l’existence d’un scandale que nul ne voulait reconnaître à l’époque. Le procès a eu lieu. Il n’a rien apporté d’autre que la preuve évidente que rien n’a changé :
– Les politiques inculpés ont employé le même système de défense qu’ils emploient depuis le début : ils ont remis en avant l’ignorance dans laquelle ils étaient des réalités de l’épidémie. C’est ainsi qu’on a pu entendre qu' »en 85 il n’y avait pas de données scientifiques fiables « .
– Les malades sont toujours méprisés : leur parole a été réduite à quelques minutes sur trois semaines de débats. D’où un procès abstrait et désincarné, caractérisé par une absence de débats contradictoires, une accusation molle, et une défense sans obstacles.
– La stigmatisation des homosexuels resurgit au milieu des débats : nous avons vu réapparaître les mêmes fantasmes ignobles, les mêmes insultes. L’avocat général, et l’avocat de Fabius expliquent en choeur que les véritables fauteurs de troubles sont les homosexuels, qui ne voulaient pas être désignés comme un groupe à risque, et qui ne voulaient pas qu’on parle du sida. C’est toujours la vieille idée qui consiste à retourner la responsabilité sur les victimes, pour mieux faire oublier la responsabilité des politiques envers les homosexuels et les toxicomanes. Leur négligence en matière de prévention est pourtant toujours aussi meurtrière.
– Fabius reprend le cours de sa carrière comme si rien ne s’était passé ; Georgina Dufoix n’est donc ni responsable ni coupable ; Edmond Hervé est dispensé de peine, parce qu’il a déjà trop souffert moralement de son inculpation.
On a assisté à un événement absurde et arbitraire, un procès vide de sa substance. Tout se passe comme si seuls les malades avaient appris de ces vingt années d’épidémie.