Le 7 juin 1998, des usagers de drogues pour la première fois s’affichaient dans la rue. Trois mille personnes défilaient pour l’abrogation de la loi de 1970, qui réprime la consommation de substances « illicites ». Le 5 juin 1999, la seconde « Toxpride » défilait à Marseille à l’appel du « Collectif Grand-Sud », antenne régionale du Collectif parisien pour l’abrogation de cette loi.
De cette manifestation, nous voulons faire une Pride, une « Toxpride », qui soit aux usagers de drogues ce que la Gay Pride est aux pédés et aux lesbiennes : un moment de fierté et de visibilité.
Afficher une fierté d’usager de drogues, c’est d’abord refuser la clandestinité que la loi nous impose parce qu’elle nous met en danger. Aujourd’hui, près de la moitié des usagers de drogues par voie intraveineuse sont atteints par le virus du sida, et plus de 80% par celui de l’hépatite C. C’est qu’en criminalisant l’usage de drogues, la loi de 1970 condamne à la précarité, expose au risque, entrave l’accès aux soins et nous prive des avancées de la recherche.
Afficher une fierté d’usager, c’est aussi parler pour son propre compte. C’est substituer au discours convenu sur la « toxicomanie » un témoignage d’usager régulier ou irrégulier, dépendant ou non-dépendant, mais hédoniste et fier de l’être. C’est s’opposer à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, font métier de la représentation du « drogué » et tirent profit de son silence : des médecins et des psychiatres, des policiers et des juges, des conservateurs de droite et de gauche.
Afficher une fierté d’usager, c’est encore contester les catégories officielles au nom d’une expérience vécue. C’est avouer un plaisir et le revendiquer parce qu’il est réel – ni plus ni moins que les dangers encourus. Ce que l’usager sait, et que le rapport Roques a confirmé il y a bientôt un an, c’est qu’il n’y a pas d’un côté des drogues « douces » et inoffensives méritant d’être légales, et de l’autre des drogues « dures », diaboliques par nature et vouées à l’interdiction. Il y a des produits plaisants s’ils sont bien utilisés, et dangereux s’ils le sont mal. Il y a l’héroïne et l’alcool, le cannabis et la cigarette, la cocaïne et l’automobile, l’opium et le prozac : une variété de produits légaux (qui ne l’ont pas toujours été) et de produits illégaux (qui ne le resteront pas toujours), dont les effets dépendent entièrement de leurs usages.
Etre « responsable », c’est admettre la réalité des drogues plutôt que prétendre les éradiquer, et écouter les usagers de drogues que nous sommes, plutôt que les traîner en justice. C’est aider au développement de la maîtrise pratique des drogues plutôt que l’empêcher. C’est contrôler et garantir la qualité des produits plutôt que les diaboliser. Le devoir de l’Etat, aujourd’hui, c’est de légaliser les drogues, toutes les drogues.
Act Up-Paris exige la suppression de l’article L.630 du code de la santé publique, qui bloque le débat sur les drogues ; l’abrogation de la loi de 1970, qui réprime leur consommation ; et la légalisation de tous les produits, pour en permettre un usage maîtrisé.