Le 2 décembre se tenait à Bruxelles le Conseil Européen des ministres de la santé, consacré au projet de règlement sur le médicament et aux critères de fonctionnement de l’EMEA (Agence Européenne pour l’évaluation des médicaments). Huit points étaient inscrits à l’ordre du jour, trois ont été discutés, un a été voté.
Le 21 novembre 2002, Act Up zappait au nom du collectif Europe et Médicament le ministère de la Santé pour connaître la position officielle de la France sur ces questions : l’enjeu est de taille, car les décisions prises seront valables pendant 10 ans.
Nous souhaitions que la France, au-delà des discours, se prononce officiellement pour dire que le médicament n’est pas un produit de consommation courante. En ce début d’année, nous ignorons toujours la position de Jean-François Mattéi notre ministre de la Santé. Le premier point discuté, lors du conseil du 2 décembre concerne les autorisations de mise sur le marché des médicaments.
Aujourd’hui, il existe pour les laboratoires deux procédures : l’homologation par un pays membre, puis son extension, par une procédure de reconnaissance mutuelle à tous les pays de l’Union, ou l’homologation centralisée par l’EMEA. Nos politiques, garant de l’intérêt de Santé publique, s’opposent par une très faible majorité à la procédure centralisée à lEMEA. La directive discutée (homologation par un pays membre, puis extension), si elle est votée, sera donc valable 10 ans et concernera aussi tous les pays accueillis au sein de l’Union. Or, tous les pays candidats ne présentent pas les mêmes critères de fiabilité au niveau de leurs agences nationales, certains n’en possèdent d’ailleurs pas. Avec la première procédure, un Etat peut donc accepter n’importe quel produit, testé avec des critères mesurés à la louche, et permettre ensuite de le placer sur le marché européen. En attente du vote, c’est le statu quo sur ce point.
Contrôle
Le second point concernait la réévaluation quinquennale des autorisations de mise sur le marché. Ce point est d’une grande importance : il permet un contrôle des molécules après leur commercialisation. Aujourd’hui, ce contrôle est presque symbolique, mais reste un garde fou pour éviter les dérives des firmes pharmaceutiques. Par contre, dans l’avenir, il nous semble possible de se servir de ce dispositif pour tenter d’imposer des essais de phase IV, permettant d’évaluer à long terme les effets secondaires des médicaments, le but étant de contraindre les laboratoires à réduire les effets indésirables de leurs molécules. Ce point a été voté et conservé, ce qui est pour nous positif. A noter cependant que les ministres ont donné aux autorisations une valeur à durée illimitée, une fois le contrôle des cinq ans effectué, excepté en cas de données nouvelles de pharmacovigilance…
Le dernier point est pitoyable. Après un déluge de bonnes intentions, en début de séance, sur la place primordiale des consommateurs – en l’occurrence des malades – les discussions sur la composition du Conseil d’Administration de l’EMEA ont été laborieuses. Personne n’a osé proposer la présence des laboratoires, mais est-ce bien nécessaire ? Ils étaient déjà largement «représentés» autour de la table.
La seule décision prise concernant ce point est que chaque pays y aura un représentant politique. Quant à la présence des associations, elle provoque une grande division, alors que celle des mutualistes est envisagée. Là encore, aucune conclusion n’a donc été adoptée sur ce point.
Le suivi des travaux du Conseil des ministres a montré combien il est difficile de faire entendre un point de vue de citoyens à des politiques à la botte des lobbies pharmaceutiques, très accaparés par la défense de leurs pré carrés nationaux. Face à des ministres ignorants (le nôtre en tout cas) et à des conseillers à peine mieux informés, il est nécessaire d’exercer une vigilance permanente sur les travaux en cours afin d’intervenir au bon moment pour permettre une politique du médicament de l’intérêt des malades et respectueuse du principe de santé publique. Prochaine étape : le projet de réforme de la politique du médicament qui sera discuté en seconde lecture, au Parlement européen, au premier trimestre 2003.