Un droit en péril.
Cadre général
Un médecin est soumis au secret professionnel, tout comme un avocat ou une assistante sociale. Cela signifie qu’il ne peut révéler « une information à caractère secret lorsqu’il en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission provisoire ». (art. 226-13 du code pénal).
Le secret médical est donc d’abord défini par le code pénal, qui fixe les peines liées à la transgression du secret professionnel, puis par un certain nombre de codes : code de la santé publique, de la famille ou les différents codes de déontologie. Ces textes et une jurisprudence importante donnent du secret médical une définition particulièrement stricte dont les conséquences sont importantes pour le malade.
Par exemple, le médecin ne peut révéler à un tiers ni les informations qui lui ont été confiées par le malade, ni ce qu’il a pu voir, entendre ou comprendre d’un acte médical. Le secret médical ne porte donc pas seulement sur les «confidences» du malade, mais sur l’ensemble de la relation patient-médecin. De plus, un médecin ne peut révéler le nom des personnes qui ont eu recours à ses services.
ll est important de rappeler que le secret médical appartient au malade, et que le médecin n’en est que le dépositaire. Cela signifie, par exemple, que la mort du malade ne délivre pas le médecin de son obligation.
Le secret s’impose à l’égard d’un juge ou d’un tribunal, à l’égard d’autres médecins (s’ils ne participent pas à un acte médical concernant le malade) ou envers des personnes tenues elle-mêmes au secret professionnel, comme les agents des services fiscaux ou les avocats.
Personne ne peut délier un médecin de son obligation. Seule la loi peut fixer des dérogations, reprises par le code pénal. C’est le cas notamment lorsque le médecin a connaissance de sévices infligés à un mineur, ou lorsque la vigilance épidémiologique impose la remontée d’informations médicales. C’est alors la loi qui doit fixer en fonction des pathologies le degré de précision et de confidentialité des données transmises. Le sida avéré faisait déjà l’objet d’une déclaration obligatoire ; c’est maintenant la séropositivité, quel que soit son stade, qui fait l’objet d’une telle déclaration, dans des conditions qui ne semblent pas respecter les règles d’anonymat et de confidentialité (cf Action n°62).
Qui est soumis au secret médical?
L’ensemble des personnes qui concoure aux actes de soins est soumis au secret professionnel. C’est le médecin qui « doit veiller à ce que les personnes qui l’assistent dans son exercice soient instruites de leurs obligations en matière de secret professionnel et s’y conforment. Il doit veiller à ce qu’aucune atteinte ne soit portée par son entourage au secret qui s’attache à sa correspondance professionnelle. » (art. 72 du code de la déontologie médicale).
Les pharmaciens sont eux-aussi soumis au secret médical. Comme les médecins, ils doivent s’assurer que tous leurs collaborateurs veillent au respect de cette obligation.
Les professions paramédicales sont elles aussi liées à cette obligation : personnel infirmier, pharmaciens biologistes (qui pratiquent vos analyses), mais aussi assistantes sociales, diététiciens, audioprothésistes, masseurs-kinésithérapeuthes, etc. , pour peu qu’ils disposent d’un diplôme reconnu par l’Etat.
En cas de doute, n’hésitez jamais à demander à votre interlocuteur s’il est soumis au secret professionnel et dans quelles conditions.
Le médecin, la famille et les proches
Le secret médical s’impose évidemment face à la famille et les proches. Dans certains cas, il peut arriver qu’un malade demande à son médecin de révéler à sa famille son état de santé. Celui-ci est alors délié de son obligation, mais uniquement sur ce que le malade lui a demandé de révéler.
Si, par exemple, vous souhaitez que votre médecin dise à vos parents, votre famille ou un de vos proches que vous êtes séropositif, il pourra le faire ; mais il reste tenu au secret en ce qui concerne le stade d’évolution ou les traitements que vous prenez, si vous ne l’avez pas délié de son obligation sur ces sujets.
Secret médical et mineurs
Le médecin est tenu de tout révéler de l’état de santé d’un mineur de moins de quinze ans. Au-dessus de ce seuil, le secret médical s’impose tant qu’il s’agit du diagnostic. S’il y a acte médical – une prescription de traitements est un acte médical – le médecin doit obtenir l’autorisation des parents, donc révéler l’état de santé du mineur.
Dans ce dernier cas de figure, il est toujours possible au médecin de prendre la responsabilité d’un acte médical, et, en cas de contestation des parents, d’avoir recours au juge pour enfants. De nombreux exemples existent, par exemple en cas d’avortement, et une jurisprudence a été créée dans le domaine des transfusions, en cas de désaccord de principe des parents (cas des Témoins de Jéhovah). Mais cette solution ne résout rien quand à la confidentialité, puisque les parents seront forcément informés de l’acte médical, donc de l’état de santé de leur enfant. Le recours au juge pour enfant lève la contradiction entre l’autorité parentale et la responsabilité du médecin, mais ne permet pas que le secret médical soit conservé.
On imagine les problèmes posés par cette obligation pour des adolescents qui ne souhaitent révéler à leur famille leur séropositivitÈ.
Toutes les personnes intervenant dans la scolarité d’un enfant ou d’un adolescent sont soumises aux mêmes règles qu’un médecin. Si un professeur prend connaissance de la séropositivité d’un élève, il ne peut en parler à un tiers.
Les transgressions du secret médical
Tout médecin, même un médecin-conseil de la Sécu, même un médecin du travail ou un médecin d’assurances, est tenu au secret médical. Une transgression peut être punie d’un an d’emprisonnement et de 100 000 francs d’amende selon le code pénal, sans préjuger des sanctions du Conseil de l’ordre, qui peuvent aller d’une suspension provisoire à une radiation définitive.
Secret médical et assurances
Lors de la souscription du contrat d’assurance, l’assureur donne au client un questionnaire à remplir, composé, selon la loi du 31 décembre 1988, de questions auxquelles le souscripteur doit répondre par OUI ou NON. Il comporte une partie médicale dans laquelle l’assureur peut poser deux questions, l’une concernant un éventuel test de dépistage, sa date et son résultat ; l’autre concernant l’existence d’infections liées au VIH.
Etant donnée la nature confidentielle de ces informations, les contraintes liées à leur traitement doivent être strictement observées. Tout d’abord, les questions médicales doivent figurer sur un feuillet ou un livret à part, cachetable et détachable, adressé avec la mention « confidentiel » à l’adresse du médecin-conseil de la compagnie d’assurances.
D’une manière générale, les instructions sur les modalités de remplissage et de traitement du questionnaire doivent figurer sur le formulaire. Le candidat à l’assurance a toute latitude pour emporter le questionnaire et le remplir à tête reposée, chez lui. Au sein de la compagnie d’assurances, seul le médecin-conseil est habilité à recevoir et traiter les questionnaires de santé. Le dossier médical ne peut être transmis au médecin-conseil que par le candidat à l’assurance ou par son médecin traitant.
Dans ce dernier cas, la personne doit en connaître le contenu et assister à la clôture du pli. Après examen du questionnaire médical, le médecin-conseil transmet un avis à l’assureur qui établit sa réponse : acceptation du dossier aux normes standard, acceptation avec surprime ou refus motivé du contrat. Il faut dénoncer tout questionnaire médical transmis directement à l’assureur. Le médecin-conseil peut être attaqué pour non respect du secret professionnel et l’assureur pour violation du secret médical.
Lors de la souscription du contrat d’assurance, la convention de 1991 relative à l’assurabilité des personnes séropositives autorise les compagnies d’assurances à demander le test de dépistage de séropositivité, lorsque « l’importance des capitaux souscrits ou les informations recueillies à l’occasion du questionnaire de risques le justifient ». Les conditions suivantes doivent être respectées :
– l’assurable donne son accord préalable ;
– le test est prescrit par un médecin ;
– le médecin d’assurance veille à ce que des informations soient données au candidat à l’assurance avant et après l’examen biologique ;
– le test n’est pas effectué isolément mais intégré à un examen médical plus complet ;
– le médecin d’assurance invite le candidat à l’assurance à désigner le médecin auquel le résultat du test est adressé.
Lors de l’avènement d’un risque et du recouvrement des garanties du contrat, certains dossiers ont donné lieu à la dénonciation du contrat par l’assureur pour fausse déclaration. Selon l’article L 113-8 du Code des Assurances, toute fausse déclaration peut entraîner la nullité du contrat. Toutefois, l’enquête menée par la compagnie d’assurance pour fournir les preuves de fraudes éventuelles, doit aussi respecter les règles du secret médical.
De manière générale, vous devez revendiquer l’accès prioritaire des informations médicales qui vous concernent, la connaissance des autorités habilitées à y avoir accès, ainsi que les circuits et les modalités de circulation de ces informations.
Secret médical et emploi
Lors de la signature d’un contrat de travail, on peut vous demander de contracter une mutuelle et/ou une quelconque assurance, accompagnées d’un questionnaire médical. Les recommandations précédentes sont tout autant valables. Il faut par ailleurs s’assurer que ni votre employeur, ni un membre de la direction des ressources humaines n’aient accès aux informations médicales que vous révélez. Exigez de remplir le questionnaire chez vous ; assurez-vous qu’il soit fermé ; remettez-le au médecin compétent, et refusez de le donner à un tiers non-médecin. Dans tous les cas, assurez-vous toujours du circuit qu’empruntent les informations que vous communiquez et qui sont soumises au secret médical. N’oubliez jamais qu’en cas de litige, c’est vous qui aurez à fournir la preuve d’une transgression du secret médical, ce qui est particulièrement difficile dans le milieu professionnel.
Protéger la confidentialité de son état de santé dans le cadre d’un emploi, cela signifie aussi, par exemple, pouvoir prendre ses traitements discrètement, ce qui est souvent irréalisable, étant donnée la grille horaire imposée par les multithérapies. Vous pouvez évoquer ce problème avec votre médecin et tenter d’aménager de nouvelles prises compatibles avec les contraintes horaires de votre emploi.
Ces difficultés dépassent largement le domaine juridique mais elles rappellent à quel point le milieu du travail et l’insertion professionnelle sont peu favorables à la prise d’un traitement. De même, comment peut-on préserver la confidentialité de son état de santé lorsqu’il faut assumer devant ses collègues ou ses employeurs les effets secondaires des traitements, comme les diarrhées ou les nausées ?
Ces questions, pourtant essentielles pour le respect de notre vie privée et de notre intimité, effleurent rarement ceux qui prônent le retour au travail des séropos.
Attribution de l’aide à domicile
Depuis septembre 1998, et dans un certain nombre de départements, les DDASS ont fait savoir que le système d’attribution d’heures d’aide à domicile avait été modifié et que de nouveaux critères avaient été établis – en contradiction avec la circulaire établissant le régime de l’aide à domicile pour les personnes séropositives.
Curieusement, cette modification a entraîné une baisse du volume horaire de cette prestation chez la plupart des malades concernés. Depuis un an, des informations médicales précises sont demandées aux bénéficiaires de l’aide à domicile, alors qu’auparavant, la mention du 100 % sur la carte de Sécurité Sociale suffisait. On a même vu certains coordinateurs de services d’aide à domicile exiger des informations médicales (CD4, charge virale, etc…) pour établir un indice de Karnofsky selon les propres critères des médecins-inspecteurs des DDASS, alors que rien ne l’exigeait. De plus, aucune garantie n’a été apportée quant au respect du secret médical ou aux personnes qui pourraient accéder au questionnaire que les malades remplissaient.
Si vous êtes dans cette situation, refusez de répondre à ce questionnaire. En aucun cas, l’administration ou les associations prestataires de l’aide à domicile ne sont en droit d’exiger de telles informations pour délivrer ce service.
N’hésitez pas à nous contacter.