Résumé du rapport
Commandé par le Ministère des Finances et les Secrétariats d’Etat à la Santé et au Budget, ce rapport avait pour objectif d’analyser les dysfonctionnements du système de l’A.A.H. et d’établir un profil type du bénéficiaire. L’intitulé laissait présager le produit fini puisque l’étude regroupée des défaillances et des titulaires induisait que le seconds étaient la cause des premières. C’est exactement le fil conducteur du document.
Celui-ci s’articule en trois parties : des constats, des diagnostics et des propositions.
Constats :
les rapporteurs n’hésitent pas, à donner le ton dès les premières lignes. L’A.A.H. est reconnue comme un minimum social, mais uniquement pour la considérer comme «avantageuse», et ce, à plusieurs titres. Tout d’abord son montant serait trop élevé (il est bon de rappeler que l’A.A.H. se monte à 3540,41F; les chiffres parlent d’eux mêmes!).
Ensuite, le plafond de ressources ouvrant les droits serait trop haut (42193F annuels pour un célibataire, soit moins de 4000F par mois). On oublie au passage d’évoquer le fait que l’année de référence est l’année précédant la demande et qu’entre temps, la situation peut s’être encore dégradée. Enfin, trop de ressources pourraient être neutralisées, c’est à dire, non additionnées dans l’évaluation des revenus. Ces ressources relèvent pourtant de droits minimums tels que les indemnités journalières pour affection longue durée, légitimement non fiscalisables.
En bref, une première stratégie, désormais classique : mettre en concurrence l’A.A.H. et d’autres minima, tels que le R.M.I. ou le minimum vieillesse, pour mieux opposer les précaires et en rejeter ainsi une partie. Il va sans dire qu’aucun minimum social n’est trop élevé ou avantageux et que la seule décision digne de ce nom les concernant consiste à les rehauser tous.Après le montant, c’est le système qui est passé au crible : le «stock» des bénéficiaires serait trop lourd. En terme de flux, le raisonnement est simple : trop d’entrées et pas assez de sorties. Ainsi l’A.A.H. serait une allocation trop jeune pour que le flux des sortants puisse soulager l’afflux des entrants. Le système de l’A.A.H. souffre donc d’un manque fondamental : une limite d’âge.
Quelques pages d’études sur les disparités régionales n’aboutissent guère qu’au double constat des diffférences de fonctionnement et des défaillances de l’appareil statistique. L’I.G.A.S. remarque cependant que si le nombre de demandeurs est plus élevé dans certains départements acceuillant massivement des handicapés, cela n’explique pas les disparités de façon satisfaisante. En revanche, la carte des bénéficiaires recoupe assez largement celle des ressources imposables. Deux pages pour confirmer que ce sont bien les plus pauvres qui touchent l’allocation.
Pour revenir au flux, la «pression» de la demande est considérée au travers des catégories d’entrants allourdissant l’ensemble : les jeunes, les malades du sida et les handicapés chômeurs. Les jeunes ne pouvant pas toucher le R.M.I. avant l’âge de 25 ans verraient dans l’A.A.H. un moyen de toucher un revenu. Les malades du sida intégrés au système (le sida ayant été reconnu comme un handicap)consituerient une masse de demandeurs supplémentaires arrivée depuis quelques années. Et comme, au passage, ils meurent moins qu’avant, il y seraient installés pour longtemps. Enfin, comme il est plus difficile de trouver un emploi quand on est handicapé, cette défaillance du marché du travail vient encore renforcer le nombre des bénéficiaires.
A cette lecture, on finit par se demander s’il n’est pas bon de devenir un handicapé, voire, si cela ne relève pas d’un choix de la personne. Un jeune qui touche l’A.A.H. aurait vu là le moyen de contourner la porte fermée du R.M.I. Le malade du sida serait parvenu à faire passer sa maladie pour un handicap. Quant au handicapé chômeur, trop heureux de se voir ouvrir ce système avantageux de l’A.A.H …
Cela dit, le demandeur n’est pas seul responsable, explique le rapport. Il y a également les problèmes majeurs posés par l’organisation et le fonctionnement du régime de l’A.A.H.
Tout d’abord, le caractère artificiellement collégial des décisions prises par les commissions des deuxièmes sections des C.O.T.O.R.E.P. L’appréciation médicale l’emporte, rendant peu déterminants les autres problèmes, notamment sociaux, que la commission devrait pourtant faire valoir.
Il faut admettre que l’I.G.A.S. soulève ici un point crucial. D’un côté, l’A.A.H. est une allocation basée sur un état de santé, et doit le rester. D’un autre côté, il est clair que la composante sociale est majeure, puisqu’il est question d’un minimum social. Cela dit, sachant l’optique financière guidant l’intégralité de l’étude, on peut craindre que l’insertion d’une évaluation sociale du demandeur se traduise davantage par un contrôle social que par une réelle analyse, même si ce contrôle est, comme d’habitude, exprimé en termes plus ou moins compatissants tels que «fin de la stigmatisation», «réinsertion dans un système actif».
La composante sociale est d’ailleurs directement invoquée pour les bénéficiaires de l’A.A.H. classés entre 50% et 79% de handicap. Le fonctionnement du système permet aux C.O.T.O.R.E.P. de déclarer un demandeur bénéficiaire même s’il est classé en dessous de 80% de handicap. Pour cela, il faut que ce demandeur soit reconnu incapable d’occuper un emploi. Ce créneau serait donc effectivement le lieu où le social pourrait venir influencer les C.O.T.O.R.E.P. en faveur du demandeur. Le 80% médical suffirait à accorder l’A.A.H. . A 79%, le poids de la difficulté sociale jouerait dans la décision des médecins seuls décisionnaires.
L’intérêt de ce qui est soulevé ici est de plusieurs ordres. Tout d’abord, l’I.G.A.S. reconnaît, plus ou moins malgré elle, qu’une vraie définition sociale du handicap est nécessaire, et cela rejoint notre volonté d’un réel travail sur le statut social de la maladie. Ensuite, avant de reprocher aux médecins leur incapacité à appréhender la situation sociale du demandeur, il serait bon de rappeler que les C.O.T.O.R.E.P. passent un temps extrêmement minime à écouter le demandeur. Dans la majorité des cas, celui-ci n’est même pas reçu lorsqu’il le demande. Les quelques cas où les C.O.TO.R.E.P. se livrent à des questionnments de type social concernent des étrangers interrogés sur la légalité de leur situation.
Nous sommes donc très loin des préoccupations faussement généreuses de l’I.G.A.S.
Ce qui nous permet de poser à nouveau la question de la prise en compte du facteur social tel que l’envisage l’I.G.A.S. : cela risque fort de ressembler davantage à un filtrage de type restrictif, à un contrôle, une ingérance, qu’à une sincère préoccupation concernant l’état général du demandeur.
Le constat s’achève sur d’autres points de défaillances organanisationnelles des C.O.T.E.R.E.P., sur le manque de coordination avec les C.A.F. et sur le fait que la procédure de recours est facile et unilatérale : elle est sans risque et l’Etat ne peut pas entamer de recours contre une décision favorable qu’il contesterait.
Diagnostic
– L’A.A.H. «renvoie au jeu combiné des aspects sanitaires et des ressources, et il est difficile de maîtriser ces deux critères».
Pourtant, rien n’est proposé dans le rapport pour que le certificat médical permettent un compte rendu exhaustif de l’état du demandeur. Le médecin traitant n’a guère qu’une page à remplir, mais est libre d’adjoindre des feuilles volantes (dont on sait que certaines C.O.T.O.R.E.P. ne tiennent pas compte).
– La notion de handicap est considérée par les rapporteurs comme relative.
Certes, on peut accepter l’idée que son appréhension soit complexe, mais sûrement pas ambiguë. Quand le rapport tente de régler ce problème en affirmant que tout handicap est réversible, du fait de la science, il se fourvoie radicalement. Pour l’I.G.A.S., la mesure du handicap auditif doit s’effectuer avec appareil, occultant totalement la réalité du handicap. il suffit de mesurer le handicap auditif avec appareil Pour l’I.G.A.S., le malade du sida doit s’appuyer sur les nouveaux traitements pour cesser de considérer sa maladie comme un handicap. En bref, pour l’I.G.A.S., un sourd avec appareil est un non-sourd et un malade du sida sous tri-thérapie est un séronégatif!!!
– La prise en compte du demandeur ignore la formation professionnelle de celui-ci.
Si c’est là la seule proposition faite de prise en compte de l’individualité du demandeur, on retrouve la même orientation unique de la démarche et le même refus d’appréhender le handicap dans sa complexité.
D’autant plus que l’I.G.A.S. ne peut le faire sans reconnaître que le marché du travail n’est guère favorable aux handicapés, que les entreprises sont, non seulement mal adaptées, mais surtout peu enthousiastes à embaucher des handicapés, même avec les avantages disponibles.
Propositions
– Réformer le Guide-Barème pour relever la barre d’accessibilité à l’A.A.H. Au passage, faire sortir les séropositifs du système.
Nous pensons, à l’inverse que la réforme du Guide-Barème doit aller dans le sens d’une adaptation à l’évolution des handicaps, et notamment, pour le sida, la prise en compte de nombreux effets secondaires dus aux traitements.
– Limiter l’âge d’accès à l’A.A.H. à 60 ans. Cette mesure a déjà été partiellement mise en application.
Nous avons déjà pu observer certaines conséquences de cette réfrorme, en l’occurrence l’exclusion de personnes déjà en situation de grande précarité.
– Fiscaliser l’A.A.H. afin de la rendre moins attractive.
La proposiition est simplement obscène. L’A.A.H. est un minimum social qui doit être fortement réévalué et doit absolument demeurer hors du cadre de la fiscalisation. Mais puisque l’I.G.A.S. est tenté de rapprocher A.A.H. et pension d’invalidité, envisageons la défiscalisation de cette dernière.
– Rendre le recours «dangereux» et passible d’amende.
Un recours effectué sur la base d’un dossier médical ne peut être considéré comme abusif. Les cas où le contentieux donne raison à un demandeur initialement débouté ne sont que des réajustements dans le sens d’une plus grande justice. Et si l’appel est une démarche fréquente, c’est qu’il faut encourager les demandeur à revendiquer des droits qui sont les leurs et qui sont trop souvent bafoués par les C.O.T.O.R.E.P.
– Permettre à l’adminstration de faire recours, elle aussi.
Etant donné l’état actuel des défaillances des strutures administratives censées faire fonctionner un système légal d’aide aux handicapés, il est simplement obscène d’oser parler de recours de l’Etat. La proportion de cas où c’est le demandeur qui est lésé est telle que l’administration ferait mieux de se donner les moyens de rester dans la légalité (respect des circulaires sur l’accélération des procédures pour les malades du sida, respect du secret médical, respect de la personne …) et de donner aux C.O.T.O.R.E.P. les moyens financiers et humains d’accomplir leur tâche.
– Envisager un régime universel de l’incapacité.
Depuis quelques temps, on voit sortir le mot universel chaque fois qu’on veut faire passer une mesure restrictive pour une avancée sociale. L’a priori est donc peu favorable. En attendant davantage de précisions, soulignons simplement que le seul détail vraiment concret de ce projet prévoit l’imposition de la contribution.
On pouvait prévoir que ce type de démarche allait être déclenchée en ces temps où lorsqu’un régime ne fontionne pas, on se dépêche d’en envisager la suppression (voir l’exemple de la Sécurité Sociale que la Couverture Médicale Universelle commence à entamer doucement).
Un vrai mouvement de réaction doit se faire auprès du secrétariat à la Santé pour qu’une position officielle nous précise les suites qui seront données à ce rapport.