C’est dans un climat sécuritaire marqué par la reprise des expulsions par charters que le prochain projet de loi sur le droit d’asile va être examiné à l’Assemblée. Ce projet remet en cause des acquis fondamentaux en matière d’accueil de tous les étrangerEs persécutéEs pour des raisons politiques ou relatives à leur appartenance à un groupe social, telles que l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
La Convention de Genève de 1951, article 1° A 2, relative au statut des réfugiés stipule clairement que toute personne subissant des persécutions ou les «craignant», peut bénéficier du droit d’asile conventionnel[[Le droit d’asile conventionnel est appelé ainsi car il dépend de la Convention de Genève. Il est plus connu sous l’appellation « asile politique » car depuis les années 80, la plupart des demandes d’asile satisfaites l’ont été pour des raisons politiques.]].
Pour les homosexuelLEs et les transexuelLEs persécutéEs l’application de cette notion de crainte est systématiquement refusée, n’étant pas considérée comme une raison suffisante pour obtenir un statut de réfugiéE. Lors de la constitution d’un dossier, les homosexuelLEs et transexuelLEs rencontrent de nombreux obstacles, notamment celui de la non-reconnaissance des persécutions homophobes qu’ils ou elles ont subi. Ils/elles doivent apporter des preuves concrètes (les articles de loi du pays d’origine ne suffisant pas) des persécutions subies mais également prouver leur homosexualité (!) devant les autorités de l’OFPRA[[Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides]] et du CRR[[Commission de Recours des Réfugiés]]. Ces derniers les suspectent constamment de ne pas être « réellement » homosexuelLEs, car pas assez efféminés ou pas assez butch. La discrimination se perpétue donc au sein même du pays sensé les accueillir. Rappelons qu’en 1996, le HCR[[Haut Commissariat aux Réfugiés]] (issu des Nations Unies) a estimé de manière générale que «les individus victimes d’agressions physiques, de traitements inhumains ou de discriminations graves en raison de leur homosexualité doivent être considérés comme des réfugiés si leur pays ne peut ou ne veut les protéger».
Aujourd’hui tout laisse penser que la France se dirige, ainsi que d’autres pays européens, dans une voie visant clairement à restreindre le droit à la protection destiné aux étrangers persécutés ou craignant de l’être. Le projet de loi sur le droit d’asile élaboré par le ministère de l’Intérieur, laisse apparaître des ambitions plus qu’inquiétantes. Il propose par exemple d’associer l’Intérieur à la tutelle de l’OFPRA, remettant gravement en cause son indépendance : actuellement, l’OFPRA ne dépend que du ministère des Affaires Étrangères. De plus, il est également prévu que les représentants du HCR, chargés de surveiller l’application de la convention de Genève au sein de l’OFPRA, n’auraient plus qu’un rôle de coopération.
A une question qui lui était récemment posée au sujet des modalités des dernières expulsions, le ministre de l’Intérieur a clairement affirmé que la France n’avait pas à informer les nouveaux arrivants sur leurs droits et les démarches à faire pour obtenir légalement le droit de rester sur le territoire. Pourtant Nicolas Sarkozy, qui se pose en modèle en matière de respect de l’application de la loi, n’est pas sans savoir que les autorités administratives ont l’obligation de permettre «un accès simple aux règles de droit qu’elles édictent» (art 2 – loi n° 2000-321 du 2 avril 2000 relative à l’accès aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations). Autrement dit, la police des frontières et l’OFPRA doivent mettre tous les moyens en œuvre pour informer le plus justement les nouveaux arrivants de tous leurs droits, y compris le droit d’asile.
Le gouvernement français applique une politique sécuritaire mettant en danger la vie des étrangerEs persécutéEs. La création, dans le projet de loi, d’une protection subsidiaire de préférence à l’asile territorial ne fait qu’appauvrir encore plus le droit d’asile. La version de Nicolas Sarkozy accentue l’aspect précaire et révocable du statut proposé au demandeur pour mieux le débouter. L’accélération de la procédure d’asile, s’il s’agit d’un étranger persécuté originaire d’un pays qui serait considéré comme «sûr» en est un exemple. La Convention de Genève prévoit une nécessaire solidarité internationale pour venir en aide aux réfugiés. La notion de «pays sûr» est un mode de refoulement collectif. En outre, en accord avec la politique européenne d’immigration et d’asile dont un des objectifs est la dissuasion préventive, le projet français propose l’asile interne. Il est absurde de penser qu’une protection des personnes persécutées puisse être possible dans leur pays d’origine, alors que c’est dans ce pays même que s’exerce la persécution. L’asile interne est un contournement inacceptable du droit d’asile. Autant dire que la situation est plus qu’alarmante, le gouvernement profite de cette question de régulation des flux migratoires pour, ni plus ni moins, porter un coup fatal au droit d’asile déjà bien malmené.
C’est pourquoi nous continuerons de nous battre pour que soit reconnu le statut de réfugiéE pour les homosexuelLEs et transexuelLEs persécutéEs dans leur pays, c’est-à-dire
l’inscription claire de l’«orientation sexuelle» et de l’«identité de genre» dans l’article 1° A 2 de la Convention de Genève et pour que soient respectés les droits des demandeurs d’asile.