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L’objectif des services de Recherche & Développement des différents laboratoires est d’avoir un produit stable, efficace et sûr qui sera vendu avec profits pour une utilisation chez l’homme après avoir obtenu les autorisations gouvernementales. Les profits se traduiront par la valeur de l’action et la satisfaction des actionnaires.

1 processus de la R&D

étapes et durée

La recherche s’exerce dans différents domaines. D’abord, la recherche du principe actif : les équipes travaillent sur de nouvelles molécules, ou à l’amélioration de molécules déjà connues. La recherche de la galénique procède de la même façon, soit il s’agit de création d’une nouvelle forme, soit de l’amélioration d’une forme existante. La recherche industrielle se concentre sur les procédés de fabrication pour produire le médicament en quantité industrielle et améliorer les rendements. Enfin, la recherche clinique démontre l’efficacité et la tolérance dans une indication thérapeutique précise, là aussi en première indication ou en nouvelle indication.

La découverte d’un nouveau principe actif peut résulter de différentes démarches : synthèse chimique, extraction de substances actives à partir de matières premières naturelles (végétal, animal, humain) ou modification des substances naturelles pour en augmenter l’efficacité. Ces molécules sont testées systématiquement sur des modèles expérimentaux pour déceler une potentielle activité thérapeutique, c’est le « screening ». Parmi 10 000 molécules testées, une seule aboutira à l’AMM.

Il existe une démarche plus récente : la modélisation de la molécule à partir des données de physiopathologie et de la connaissance des récepteurs. Cette voie de recherche, plus ciblée, est actuellement privilégiée. Il s’agit d’un procédé moins consommateur de molécules ; parmi 5 000 molécules, une seule arrivera à l’AMM. Cette démarche est privilégiée pour les produits issus des biotechnologies, et ces derniers ont tendance à prendre de plus en plus d’importance. Aujourd’hui, les médicaments de biotechnologie représentent 6,70% du marché, contre 0,48% il y a quinze ans.

phases de développement

Une fois qu’une molécule potentiellement active est sélectionnée, le développement du médicament va se dérouler en 5 phases principales.
– Le développement pharmaceutique consiste à synthétiser des quantités suffisantes de principe actif (chimique), à le soumettre à des études détaillées pour connaître ses propriétés : structure, pureté, stabilité, conditions de conservation, etc. (analytique), et à trouver la forme pharmaceutique la plus adaptée (galénique).
– Le développement pré-clinique fait appel à trois disciplines essentielles : la toxicologie, la pharmacodynamie, la pharmacocinétique. L’objet de la toxicologie est de tester la substance, présumée active, sur des modèles expérimentaux et sur l’animal, pour pouvoir ensuite l’utiliser chez l’homme avec le minimum de risques. On étudie alors les effets indésirables chez l’animal et on extrapole les résultats pour évaluer les risques pour l’homme. La pharmacodynamie étudie les propriétés (en rapport avec l’indication thérapeutique proposée et les propriétés générales) et le mécanisme d’action. La pharmacocinétique étudie le devenir du produit dans l’organisme. Enfin des études de tératogénèse, pour vérifier les risques de malformations sont également pratiquées afin de s’assurer de l’absence de danger sur le foetus et la reproduction.
– Le développement clinique à proprement parler ne peut démarrer qu’une fois ces étapes de sécurité franchies. Il se déroule en trois phases, le but étant la mise en évidence objective de la tolérance et de l’activité du principe actif, ainsi que sa forme galénique définitive.
– La phase I correspond à la première administration chez l’homme. Elle est réalisée chez l’homme sain afin d’en étudier la sécurité d’emploi.
– La phase II correspond à la première administration chez l’homme malade. Elle permet d’en connaître l’intérêt thérapeutique par des études dites  » pilotes « , où la dose active et la fréquence d’administration (ou schéma posologique) sont définies.
– La phase III correspond à une utilisation à grande échelle chez l’homme malade pour confirmer l’intérêt thérapeutique, la sécurité d’emploi et le schéma posologique, à travers des essais comparatifs. Elle doit permettre aussi de définir la place du médicament dans l’arsenal thérapeutique.
– Des études de pharmacocinétique sont réalisées en parallèle, pour étudier le devenir du médicament chez le malade et dans des sous-groupes à risque (exemple : antécédents génétiques). C’est à ce stade que sont réalisées la majorité des études d’interactions médicamenteuses, ainsi que les études médico-économiques pour l’examen en commission de transparence de l’AFSSaPS. Le médicament entre alors dans le processus d’évaluation qui aboutira à l’AMM.

course

La durée totale de ces différentes étapes est de 10 à 15 ans, et se décompose de la façon suivante : 2 à 3 ans pour la recherche de nouvelles molécules, 2 à 3 ans pour la recherche pré-clinique, 5 à 8 ans pour la recherche clinique, 1 à 2 ans pour la finalisation du dossier d’AMM puis son examen. Les premières années sont extrêmement actives, afin de déposer les brevets et de verrouiller tous les aspects de l’innovation. Les brevets enregistrés dès la découverte de la molécule sont déjà anciens lorsque le médicament obtient son AMM. C’est là-dessus que s’appuient les laboratoires pour obtenir par tous les moyens possibles la prolongation de leur brevets.

échecs et arrêts : les raisons

On a vu qu’avec les méthodes anciennes, sur 10 000 molécules ayant été retenues pour leur activité thérapeutique, une seule arrive à l’AMM. Avec les techniques de modélisation moléculaire, la performance est meilleure : sur 5 000 molécules une seule arrivera à l’AMM. Les échecs sont dus à la toxicité animale (10%), l’absence de démonstration d’efficacité (30%), une pharmacocinétique inappropriée (40%) et des effets secondaires inacceptables (10%).

50 % des arrêts se font dans les 12 mois qui suivent l’introduction chez l’homme et 10% surviennent au bout de 7 à 8 ans de développement. Il est fondamental tant d’un point de vue de santé publique que dans l’intérêt des laboratoires, d’identifier au plus tôt un risque de revers : un arrêt précoce de développement est infiniment préférable à un abandon en fin de phase III ou en début de commercialisation.

Mais, à part ces motifs d’échec, les laboratoires ont d’autres raisons pour arrêter la recherche : coûts prévisionnels de fabrication industrielle jugés excessifs, bénéfices escomptés jugés insuffisants, etc. On voit ainsi se développer des études de pharmaco-économie dès la phase II, qui pèseront, au même titre que les résultats scientifiques, sur la décision de poursuivre ou non le développement.

2- politique et coût de la R&D

Le paysage de la recherche et développement est caractérisé par plusieurs phénomènes. D’abord la domination du marché pharmaceutique par les pays du G7-Pharma (Royaume Uni, Japon, Italie, France, Allemagne, Etats Unis, Suisse). Ces pays dominent ce secteur de R&D, même quand celle-ci ne s’effectue pas sur leur territoire.

Les coûts de la recherche et développement, pour un médicament, oscillent entre 300 et 450 millions d’euros (entre 2 et 3 milliards de francs). Les investissements sont répartis de la façon suivante : un tiers va à la recherche et deux tiers au développement. Les brevets permettent de compenser ces investissements. Les coûts se répercutent ensuite lors des négociations avec les autorités nationales, et expliquent les prix obtenus. La R&D est auto-financée et ne représente que 10 à 20% du chiffre d’affaires de l’entreprise.

concentrations et sous-traitance

Afin de réduire les risques financiers, les firmes tentent d’équilibrer leur portefeuille entre les différentes phases de développement et les différents axes thérapeutiques rentables, ainsi qu’entre les molécules découvertes en interne et celles qui proviennent de l’extérieur : sociétés de biotechnologie, laboratoires académiques ou universitaires, etc. Cette sous-traitance de la recherche dépouille les laboratoires centraux de leur créativité. Or, actuellement, cette tendance s’accentue, alors qu’en parallèle, l’industrie pharmaceutique mondiale se concentre. Les fusions entre groupes pharmaceutiques internationaux sont le plus souvent défensives, elles permettent de compenser les pertes dues à l’expiration des brevets. Les petites entreprises de biotechnologie émergent autour d’une idée nouvelle ou d’une technique nouvelle. Il y en aurait 800 à 1 000 aux USA et 300 à 350 en Europe, et autant de laboratoires de recherche universitaires. Alors que les laboratoires centraux perdent de leur créativité et gagnent en lourdeur administrative, les départements marketing prospèrent. Ce phénomène de concentration est inquiétant : les agences d’enregistrement font de moins en moins le poids face à ces super-puissances et les politiques de santé risquent, à terme, d’être dictées par l’industrie. C’est ce que l’on constate déjà au regard des choix et des axes de la R&D.

orientations

La voie de la recherche et développement est décidée essentiellement par le marché : maladies fréquentes et développées dans les pays à haut niveau de protection sociale. L’industrie pharmaceutique est peu encline à développer des médicaments pour des maladies rares et /ou apanage des pays non solvables : le coût du développement et de la mise sur le marché ne serait pas amorti par les ventes escomptées de produits. Et ceci malgré les mesures incitatives prise par les autorités nationales. Pour les médicaments destinés à traiter les maladies rares (maladies orphelines), il existe sur les trois continents des mesures incitatives : aide scientifique à l’établissement de protocoles, exigences réglementaires adaptées, prise en charge des droits d’enregistrement, exclusivité pendant 10 ans en Europe, etc.

internationalisation du médicament aux trois grands continents

Les agences de ces trois grands continents (EMEA pour l’Europe, FDA pour les Etats-Unis et Koseicho pour le Japon) ont harmonisé les normes scientifiques de développement et d’évaluation des médicaments ainsi que le format du dossier d’enregistrement, grâce au processus d’ICH (International Conference of Harmonisation). Cette harmonisation a permis de réduire les coûts et d’accélérer la commercialisation sur des marchés porteurs. Mais cela ne reste pas suffisant.