dossier vient de là : il est urgent aujourd’hui de s’armer contre la montée d’un discours qui vise à criminaliser les séropositifVEs et parallèlement à en faire les seuls responsables de la propagation de l’épidémie. Les écrits des barebackers ont réactivé le fantasme du séropositif meurtrier et avec lui, la notion de «contamination volontaire». Les députés ont inscrit dans la loi la possibilité d’un dépistage obligatoire : un dépistage imposé aux personnes contre leur volonté lorsqu’elles sont suspectées de viol. Des affaires éclatent. On recherche des
coupables, des boucs émissaires. Ce dossier se veut une réponse à l’air du temps. Et parce que nous ne devons pas être seuls sur ce nouveau front qui s’ouvre dans la lutte contre le sida, ce dossier comprend un contre-argumentaire, un état de la jurisprudence et des mises au point afin que d’autres puissent se l’approprier.
Derrière les discours d’exclusion et les discours de criminalisation, il y a une idée très simple : les séropositifVEs sont les coupables. On fait comme si la seule responsabilité dans la propagation de l’épidémie de sida était une responsabilité individuelle et qu’elle incombait aux seuls séropositifs. Au même moment, l’Etat se désengage de la prévention, met en pièce le dispositif de Réduction des risques liés aux drogues, et remet en cause l’accès aux soins des populations étrangères. Au même moment s’achève le troisième procès du sang contaminé. Il aura fallu 18 années de procédure pour que la Justice signifie qu’il n’y avait pas lieu d’avoir de procès. Les responsables administratifs ne seront pas jugés.
Dans le bois de Boulogne, des prostituéEs sont arrêtéEs en raison de leur tenue inappropriée «hors période de carnaval». D’autres sont condamnéEs pour racolage. Les expulsions ont commencé. Dans ce contexte politique, on voudrait que la Gay Pride soit autre chose qu’un carnaval qui n’effraie plus que Françoise de Panafieu. On rêverait que cette manifestation présente un front uni des minorités, qu’elle transforme le nombre en puissance et fasse trembler le gouvernement. C’est ce rêve qui animera notre cortège.
Alain-Gérard Slama, Alain Finkielkraut, Jean d’Ormesson n’en crurent pas leurs yeux quand ils virent à Rodez les livres de Luc Ferry voler au-dessus des cordons de CRS avant de s’abattre sur les murs et les pavés. Chacun y alla ensuite de sa plume dans les colonnes du Figaro pour dénoncer ce nouveau mode d’action. Dans leur cas, on peut parler d’un réflexe de légitime défense : quand les neuf millions d’exemplaires de la Lettre à ceux qui aiment l’école auront été ainsi envoyés dans les airs, il pourrait venir l’idée à d’autres de faire flèche de tout bois et de s’emparer de «l’angélisme exterminateur» et autre «humanité perdue» pour leur faire connaître le même sort. Contre ces discours de sacralisation du livre qui sont en tout point identique à ceux qui nous furent opposés après le zap des éditions Blanche, il y a quelque chose de réjouissant à rappeler que les textes peuvent devenir littéralement des armes.
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