Nous demandons à chaque parlementaire de peser les conséquences sanitaires du projet de loi sur l’immigration qui sera débattu à l’Assemblée Nationale à partir du 3 juillet.
Paris, le 2 juillet 2003
Madame, Monsieur,
L’Assemblée Nationale doit discuter demain d’un projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration et au séjour sur le territoire.
Mise en place d’un fichier d’empreintes digitales, contrôle des « attestations d’accueil », lutte contre les « mariages blancs » et les « paternités de complaisance », allongement de la durée de rétention pour les étrangers en voie d’expulsion, mise en place d’un « contrat d’intégration » pour les candidats au séjour, etc. : ce sont autant de dispositions qui entameront un peu plus les droits de l’ensemble des étrangers. A ce titre, elles renforceront l’inégalité dans l’accès aux structures de prévention, de dépistage et de soins.
Cette inégalité entre nationaux et étrangers, nous la constatons quotidiennement, en tant qu’acteurs de la lutte contre le sida. Elle est confirmée par toutes les données épidémiologiques : l’infection au VIH, mais aussi le cancer du sein, du col de l’utérus, les soins liés à la grossesse, etc.
Vous pensez peut-être que la loi dont vous allez discuter n’a rien à voir avec des préoccupations de santé publique. Vous vous trompez. Quand votre situation légale est précaire, voire clandestine, quand vous êtes sans cesse sollicité-e par des représentants des forces de l’ordre ou des administrations, l’accès aux soins vous est rendu plus difficile. Vous n’avez ni le temps, ni l’envie de vous occuper de votre santé comme il le faudrait. Vous êtes donc moins sensible aux campagnes de prévention, vous éprouvez moins le besoin d’aller vous faire dépister (pour le VIH, les MST, les cancers, la tuberculose, etc.), vous sollicitez moins le système de soins, jusqu’à ce qu’une maladie grave handicape lourdement votre vie quotidienne. L’inégalité face à la santé découle des inégalités de statut, légal, civil, et social. Nous tenons à votre disposition tout ce qui peut en faire preuve : témoignages, études scientifiques, recommandations d’experts.
Or, ce projet de loi, s’il est voté, rendra encore plus difficile la vie de chaque étranger à toutes les étapes de son séjour en France : à l’entrée, pour son installation, dans sa vie quotidienne et familiale. Ce texte créera par ailleurs de nouveaux clandestins, et aggravera la situation actuelle des personnes sans papiers. Cette loi renforcera de fait les inégalités entre nationaux et étrangers dans la vie quotidienne, donc dans le système de soins.
Nous posons donc publiquement à chacun et chacune d’entre vous les questions suivantes :
– Etes-vous conscient-e que ce projet de loi renforcera les inégalités entre nationaux et étrangers face au système de santé ?
– Etes-vous conscient-e que ce texte rendra encore plus difficile l’accès aux campagnes de prévention, aux structures de dépistage et au système de soins, pour des centaines de milliers de personnes vivant en France ?
– Assumerez-vous les conséquences sanitaires de cette loi ?
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions, Madame, Monsieur, d’agréer l’expression de nos salutations distinguées,
Victoire Patouillard
Présidente
Jérôme Martin
Vice-Président