Jacques Chirac a préféré sacrifier des principes fondamentaux plutôt que de mettre la main à la poche. Ce qu’un effort français de 500 millions aurait pu faire à Evian, 150 millions ne le feront pas.
Au sommet du G8 à Evian, Jacques Chirac a rompu l’engagement qu’il avait pris auprès des malades des pays en développement selon lequel la France contribuerait significativement et durablement à la lutte contre le sida. Le président français a annoncé comme montant de la contribution française au Fonds mondial contre le sida la maigre somme de 150 millions d’euros par an, alors qu’il promettait au G8 de 2001 que la somme de 10 milliards de dollars annuels serait bientôt atteinte.
George W. Bush, pour sa part, est venu au G8 en mettant sur la table 3 milliards de dollars annuels pendant cinq ans. Chirac, champion de la lutte contre le sida depuis 1997 parmi les chefs d’Etat, a ainsi délibérément laissé George W Bush prendre le leadership absolu sur ce terrain, avec toutes les conséquences dramatiques que cela risque d’avoir dans les pays en développement : promotion de l’abstinence au
détriment du préservatif, achat de médicaments aux multinationales américaines plutôt que de génériques, etc.
Jusqu’ici la France donnait 50 millions d’euros par an au Fonds mondial, soit 15 fois moins que ce qu’elle aurait dû mettre au pot commun. Même en triplant la mise, l’engagement français reste dramatiquement insuffisant et incapable de répondre à l’urgence de la situation. En effet, le G8 a déjà reconnu il y a deux ans que les besoins minimum sont de 10 milliards de dollars par an. Depuis, les pays du G8 ont pourtant versé moins de 350 millions de dollars par an au Fonds mondial qu’ils avaient créé en 2001, et auquel il manque à ce jour 1,4 milliard de dollars pour honorer les subventions attendues en octobre prochain.
Dans les pays en développement, la pénurie de moyens bloque la mise en place de programmes d’envergure nationale à partir des initiatives pilotes lancées dans la plupart des pays ces dernières années. Ceci se traduit chaque jour par de nouvelles morts et de nouvelles contaminations. En renonçant à imposer un réel changement d’échelle des financements à la lutte contre le sida des pays les plus riches du monde, Jacques Chirac sape la possibilité d’un changement d’échelle de l’action mise en place sur le terrain.
L’annonce de George W Bush imposait une réaction et une seule : une contribution française et européenne au moins proportionnelle à l’annonce américaine (0,03% du PNB), c’est-à-dire un engagement d’un minimum de 500 millions d’euros pour la France et 3 milliards pour l’UE. George W Bush, en annonçant une forte somme d’argent qui sera essentiellement dépensée dans le cadre d’échanges bilatéraux, affaiblit les mécanismes multilatéraux existants, tel que le Fonds mondial. Il dispose avec cet argent d’un puissant outil de marchandage vis-à-vis des pays en développement et sera en mesure d’orienter fortement leur politique nationale de lutte contre le sida. Ainsi l’annonce de Bush, plutôt que de marquer une avancée, pourrait bien signer un retour en arrière catastrophique sur le terrain.
A son sommet du G8 en France, le président français a préféré sacrifier des principes fondamentaux plutôt que de mettre la main à la poche. Alors que plus de 25 millions de personnes sont mortes du sida et que chaque jour 10 000 vies supplémentaires sont perdues, Jacques Chirac en veut encore.