Avant le procès de Nuremberg, la question de l’expérimentation humaine était un domaine où chacun faisait ce qu’il voulait. En 1964, la déclaration d’Helsinki fait entrer l’éthique dans la recherche au niveau international. En France, c’est en 1988 que la loi Huriet-Sérusclat impose un cadre juridique et définit la responsabilité des différents acteurs de la recherche. Aujourd’hui, c’est au niveau de l’Europe que se dessine une nouvelle directive sur les bonnes pratiques cliniques. Elle doit entrer en vigueur en France en mai 2004.
chronologie
La loi du 20 décembre 1988 a régi pendant 15 ans les conditions de réalisation des recherches biomédicales en France. Avant elle, aucune législation ne venait organiser cette recherche et ne garantissait la protection des patients. Un an auparavant, en 1987, la réflexion sur les bonnes pratiques cliniques aboutit à une nouvelle réglementation. Une directive parue en 1975 réglementait les essais de médicaments de phase I menés par l’industrie pharmaceutique, sur des volontaires sains. Mais les industriels réclamaient une loi légalisant pleinement ces études, afin notamment de faire le point sur la responsabilité civile et pénale des investigateurs et des promoteurs. D’autre part, la protection des patients s’imposait, après que certaines formes de recherche contestables aient été révélées au public.
Finalement, les sénateurs Claude Huriet et Franck Sérusclat présentèrent un projet de loi devant la commission des affaires sociales du Sénat, projet inspiré par la déclaration d’Helsinki et le guide des Bonnes Pratiques Cliniques. Cette loi concernait «les essais, chez l’homme, d’une substance à visée thérapeutique ou diagnostique, destinée à faire l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché». La loi sera votée le 20 décembre 1988, les décrets d’application entreront en vigueur en 1990. Elle ne concernait au départ que les essais médicamenteux, mais toute une série de textes vont élargir son champ d’application à la totalité de la recherche biomédicale, en 1990, 1991, 1994, 2002. Elle prévoyait l’information des patients et l’obtention du consentement. Cette loi était indispensable, ses effets bénéfiques ont fait qu’il existe, en France, aujourd’hui, une recherche clinique, universellement reconnue, menée par des organismes publics tels que l’ANRS, l’INSERM, les centres hospitaliers, etc.
législatif
Depuis le 4 avril 2001, une directive européenne vise à harmoniser les procédures des essais cliniques pour les médicaments. Elle aurait dû être transposée en mai 2003 et doit être applicable en mai 2004. Sa transposition dans la législation française est nécessaire.
Un nouveau projet de loi d’orientation en santé publique est en préparation actuellement en France, visant à reprendre en profondeur le dispositif de la loi Huriet, permettant à la recherche biomédicale de garder sa pertinence et surtout d’assurer au mieux la protection des personnes qui se prêtent à cette recherche. La discussion de ce projet, d’abord prévue cet été, a été reportée à la rentrée 2003, pour cause de retard dû à la loi sur les retraites. En attendant, les associations de patients, en particulier le TRT-5, ayant pris connaissance en détail des textes proposés, font de leur côté leurs commentaires et leurs propositions.
amendements
Des points importants sont débattus :
– Il s’agit d’abord d’élargir le champ d’application de la directive européenne, limité actuellement à la recherche sur les médicaments, à toute la recherche biomédicale, comme le préconise la loi Huriet.
– En accord avec la directive, remplacer la distinction entre les recherches avec et sans bénéfice individuel direct (BID et SBID) par l’évaluation de la balance bénéfice/risque pour chaque protocole.
– Définir dans la loi le représentant légal du patient incapable de fait (maladie d’Alzheimer, comas, handicapés mentaux, etc.), qui ne peut consentir à la recherche biomédicale et qui sera habilité à consentir à sa place. Ici se place un débat important à propos des essais en prison et des essais pédiatriques.
– Définir dans la loi les deux types de promoteurs (industriels ou institutionnels).
– Préciser dans la loi quelles instances sont responsables de l’évaluation scientifique des projets de recherche. Revoir le fonctionnement, la composition et la compétence scientifique des CCPPRB (Comités Consultatifs de Protection des Personnes se prêtant à des Recherches Biomédicales), qui deviendraient des CPPR (Comités de Protection des Personnes dans la Recherche), avec la présence d’experts et de représentants de patients, pour rendre un avis explicite et non plus seulement consultatif, sur la teneur des protocoles soumis, avis sans lequel la recherche ne peut pas se faire. Possibilité de contester les avis des CCPPRB.
– Préciser les modalités du consentement à la recherche en génétique. Clarifier et harmoniser les différentes dispositions concernant les banques et collections de matériel biologique.
– Préciser dans un texte explicatif les conditions concrètes de l’information des participants ou de leur famille sur les résultats d’un essai.
– Mettre à la disposition du public sur un site internet une banque de données où figureraient au minimum l’intitulé de tous les essais cliniques déclarés, le nom de l’investigateur principal, le début des essais et éventuellement leur interruption. Par son accessibilité, cette banque pourrait indiquer les résultats des essais terminés.
– Tous les protocoles contenant des données nominatives doivent être soumis à la CNIL, la directive européenne sur le traitement des données à caractère personnel conduit à un projet de modification de notre loi, en vue d’en améliorer le fonctionnement.
– Préciser le rôle des autorités compétentes, c’est à dire l’AFSSaPS et la DGS vis à vis des CCPPRB (évaluation et contrôle de ceux-ci).
place des malades
Il est donc crucial pour les représentants de patients de suivre l’élaboration de ces textes qui seront présentés à l’automne au gouvernement et aux parlementaires. L’organisation de la recherche et la protection des patients sont des thèmes récurrents dans le discours et les écrits des associations et en particulier d’Act Up. Notre rôle, encore une fois, est d’informer et de défendre le droits des malades.