Fin 2002, Dominique Versini annonçait un «recadrage» de l’Aide Médicale d’Etat (AME). Depuis, ce «recadrage» s’est transformé en véritable démantèlement de l’aide : c’est l’application de la préférence nationale.
Rappel : le 16 décembre, les parlementaires adoptent le principe de faire payer aux sans-papiers des soins gratuits pour le reste de la population. Ils souhaitent mettre en place un ticket modérateur et un forfait hospitalier dans le cadre de l’Aide médicale d’Etat. Sous la pression des associations, le gouvernement, par la voix de Dominique Versini, secrétaire d’Etat à la lutte contre l’exclusion, renonce en mars à appliquer ce nouvel article de loi, tout en annonçant un «recadrage» de l’AME par voie de circulaire.
A l’époque (lire Action n°87, Aide médicale d’État : une victoire incomplète ), nous avions parlé d’une victoire incomplète. L’article de loi n’était pas abrogé, et l’annonce d’une circulaire n’annonçait rien de bon. Le gouvernement nous a donné raison. Début mai, le projet d’une circulaire du Ministère des Affaires Sociales est communiqué à la presse et aux associations. Le «recadrage» s’est transformé en véritable démantèlement de l’AME : on propose aux Caisses d’Assurance Maladie de ne plus prendre en compte les déclarations sur l’honneur des demandeurs, quand ceux-ci ne peuvent justifier de leurs ressources ou de leur lieu de résidence : on demande de gonfler artificiellement les ressources en prenant en compte le fait que les candidats à l’AME peuvent être hébergés ou nourris gratuitement, on recommande de ne plus prendre en compte le critère de l’urgence médicale comme moyen d’admission directe à l’AME (c’est-à-dire qu’un sans-papier arrivant dans le coma aux urgences ne pourra pas être soigné gratuitement tant qu’il n’aura pas montré ses papiers), etc. Le 12 juin, Act Up-Paris zappe le ministère Fillon. Un entretien est obtenu avec Mme Sitruck et M. Soutrou, responsables administratifs du dossier. Leur ligne de défense est consternante : ils n’ont en tête que des priorités budgétaires et administratives. La santé et la vie des personnes n’entrent pas dans le cadre de leurs préoccupations (lire la retranscription complète de cet entretien). Au moment où ce numéro d’Action sort, nous ne savons toujours pas où en est cette circulaire.
De si discrètes mesures xénophobes
Il n’y a donc rien de bien nouveau à dire sur l’AME. Par contre, il est nécessaire de tirer quelques leçons du harcèlement des politiques et des administrations contre ce dispositif : toutes ces tentatives visent à priver de soins gratuits une population entière, sous prétexte qu’elle ne vit pas ou plus régulièrement en France. Il s’agit donc, au sens propre, d’application du principe lepéniste de préférence nationale au système de santé.
Le gouvernement et la majorité sont conscients qu’ils appliquent là des mesures xénophobes. Preuve en est qu’ils font tout pour faire passer ces mesures le plus discrètement possible : un article au sein d’une loi rectificative sur les finances (un truc que personne ne lit, et nous avons bien tort), discutée à la veille de Noël ; une circulaire, rédigée sans aucune consultation des associations, transmise fortuitement, et contre les instructions hiérarchiques, à la presse, et destinée à être appliquée pendant la période estivale.
On ne peut pas dire que la droite soit très fière des dispositions qu’elle prend contre la santé des sans-papiers. Enfin, le gouvernement s’est attaqué à la protection sociale des sans-papiers (AME) et à celle des précaires (CMU), en décembre, soit 9 mois avant de s’atteler à la refonte de l’assurance maladie, le «grand chantier de septembre». La droite s’attaque à des minorités, teste leur capacité de résistance avant de s’en prendre aux prestations offertes par un dispositif de droit commun. Il s’agit là d’une leçon que doivent vraiment méditer les partis de gauche, mais aussi les syndicats. Leur capacité à réagir et à défendre les droits des minorités détermine aussi l’efficacité de leur lutte pour les droits du plus grand nombre.