Le 16 juillet, les militantEs d’Act Up aux côtés d’activistes d’une dizaine de pays ont interrompu le discours de Jacques Chirac lors de la cérémonie de clôture conjointe de la conférence de l’IAS et de la conférence internationale de soutien au Fonds mondial. Une quarantaine d’entre eux, dont de nombreux malades, ont été violemment expulsés par les forces de l’ordre, ce qui n’avait encore jamais eu lieu dans une conférence internationale sur le sida.
Cette action a été menée face au refus des pays du G8 de financer le Fonds mondial contre le sida, le paludisme et la tuberculose à hauteur des besoins. Les militants ont tenu à interpeller Jacques Chirac, Romano Prodi et Tommy Thompson, tous trois présents lors de cet évènement.
«Je milite pour la création du Fonds mondial depuis 1997, de façon active. Le Fonds devrait rapidement atteindre la masse critique de 10 milliards d’euros» déclarait Jacques Chirac le 22 juillet 2001. Deux ans après sa création, le Fonds n’a reçu, en tout et pour tout, que 1,5 milliard de dollars. La France, pour sa part, s’est contentée d’une contribution de 118 millions d’euros.
Le 2 septembre dernier, le président français affirmait, au Sommet mondial du développement durable à Johannesburg : «la promesse des pays développés, c’est que tous les Etats disposent des ressources nécessaires pour financer leur développement. Cette promesse devra trouver son application prioritaire dans la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, ma conviction, c’est que l’humanité se rendrait coupable de non assistance à peuples en danger si elle n’agissait pas».
Pourtant, en raison de l’insuffisance des contributions actuelles de la France et des autres pays riches, en octobre prochain le Fonds mondial ne remplira que 20% de ses engagements financiers auprès des pays pauvres qui se battent contre l’épidémie. Les pays riches sont en train de trahir leur promesse en ne débloquant pas les 10 milliards d’euros annuels nécessaires à la lutte contre le sida, alors que les Etats de certains pays d’Afrique se délitent sous le poids de l’hécatombe, et que dans des pays d’Asie comme la Chine, l’Inde ou la Russie, l’épidémie explose avec la même violence qu’il y a dix ans en Afrique.
Dans les pays en développement, la pénurie de moyens bloque la mise en place des programmes d’envergure nationale à partir des initiatives pilotes lancées ces dernières années. En refusant un réel changement d’échelle des financements, Jacques Chirac et les autres dirigeants empêchent un changement d’échelle sur le terrain de la lutte contre l’épidémie. Cela se traduit par des centaines de milliers de morts qui pourraient pourtant être évitées.
Pas de troisième appel d’offre
Aujourd’hui, le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme est incapable, faute de moyens, de réaliser son troisième appel d’offre qui doit avoir lieu en octobre prochain. Plus de 600 millions d’euros sont manquants. Cela signifie que les programmes en mesure d’être conduits dans un certain nombre de pays pour mettre sous traitements des milliers de personnes vont être reportés. Malgré cette situation d’urgence, malgré une forte mobilisation de la communauté scientifique lors de l’IAS insistant sur la nécessité d’accélérer au plus vite l’accès aux médicaments dans les pays en développement, les plus hauts responsables politiques internationaux de la lutte contre le sida réunis à la conférence de soutien au Fonds mondial se sont refusé à tout engagement financier.
Au mépris de la plus élémentaire décence et alors que la Commission européenne refuse d’accorder une contribution de 1 milliard d’euros par an au Fonds mondial, Romano Prodi, à l’instar de ses homologues, se complu dans un discours lénifiant sur la gravité de l’épidémie. La réponse de Jacques Chirac lorsqu’il est mis publiquement face à ses responsabilités ne peut plus être, comme cela a été le cas en juillet, d’expulser des malades du sida d’une conférence qui les concerne en premier lieu.