Les moyens légaux d’expression publique ne sont le plus souvent pas adaptés à l’urgence des situations que le sida nous impose. Dès lors, le choix est restreint. Si nous n’intervenons pas, y compris sous une forme illégale, nous abandonnons nos vies à des personnes qui ne pourront ou ne voudront répondre en temps et en heure à nos besoins. Le recours à l’illégalité et à la désobéissance civile est donc une nécessité.
Nous ne sommes pas violentEs. Illégales, nos actions paraissent souvent dures et nos cibles se font une joie de communiquer sur de soi-disantes agressions. Nous ne nous en prenons jamais aux personnes. De plus, la prétendue violence de nos zaps n’est qu’un pâle écho de celle que nous subissons chaque jour de la part de ceux et celles que nous interpellons. Il ne s’agit donc pas de violence, mais de colère légitime de personnes vivant avec le VIH qui réclament des comptes aux diverSEs responsables en faisant irruption sur leur lieu de travail ou de communication, sans respecter les règles polies et inefficaces d’un dialogue dont nos adversaires se moquent éperdument. En février dernier, 20 Ans publie un article->mot1089] expliquant que le préservatif n’est pas fiable et qu’il est suicidaire de coucher avec un séropo. Malgré des courriers et des coups de téléphones répétés pour demander que le journal corrige ces horreurs, la rédactrice en chef, Isabelle Chazot, n’a pas souhaité nous répondre. Nous avons donc [zappé les locaux du journal, en maculant le sol de faux sang. 20 Ans a porté plainte contre nous, et Isabelle Chazot nous a taxé de fascistes. Elle refuse de reconnaître la violence que son magazine exerce envers les séropositifVEs, mais est prête à la dénoncer chez ceux et celles qui ont eu recours à l’action publique pour la seule raison qu’elle n’a pas voulu leur répondre quand ils/ELLES la sollicitaient poliment.
Représentativité
Autre argument pour décrédibiliser nos actions : notre soi-disant manque de représentativité. C’est le leitmotiv de Nicolas Sarkozy. Comme s’il nous fallait un mandat de l’ensemble des malades pour décider de prendre nos vies en mains et pour combattre les positions et décisions politiques qui nous menacent directement. Et comme si la majorité au pouvoir était représentative de qui que ce soit. Si Nicolas Sarkozy a déjà oublié le 21 avril, ce n’est pas notre cas. Cette élection a bien montré l’insuffisance du système de représentation politique français. D’où la nécessité d’inventer de nouveaux modes d’affirmation de nos exigences.
Efficacité
L’efficacité de nos zaps est multiple. Une action peut permettre de médiatiser un problème scandaleux passé sous silence : ce fut par exemple le cas lors de notre occupation du ministère de la Santé en décembre dernier, pour dénoncer la réforme de l’AME, ou du zap sur Pfizer, pour médiatiser l’accord passé sur les génériques, en septembre 2003. Une interpellation publique peut nous permettre de créer ou réaffirmer un rapport de forces qui contraignent nos interlocuteurRICEs à assumer leur position. C’est ainsi que Claudie Haigneré, ministre de la Recherche interpellée par Act Up lors des Journées du Patrimoine, dut organiser un rendez-vous, ouvert à d’autres associations de lutte contre le sida, pour s’expliquer et nous rassurer quant à la diminution des crédits de la recherche. Elle se sait maintenant sous la surveillance des malades, ces personnes à qui elle ne devrait cesser de penser pour faire valoir les intérêts de l’ANRS au sein du gouvernement.
Un zap peut aussi être de pure réaction, quand nous témoignons de notre colère sans rien attendre de nos cibles. Ce fut le cas cette année lorsque nous avons zappé l’Académie de médecine, qui avait sournoisement intrigué pour revenir sur le principe de dépistage volontaire. Le zap n’est donc pas le petit supplément folklorique d’Act Up. Il correspond à une nécessité et complète nos stratégies d’action plus classiques : lobby, communication et information.