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Que ce soit à cause du virus lui-même ou à cause des traitements, la peau des personnes vivant avec le VIH est souvent mise à mal.

Epidémiologie

L’importance des manifestations dermatologiques de l’infection par le VIH est incontestable. Ces manifestations vont de l’éruption maculo-papuleuse (taches rouges situées sur le visage et le tronc, disparaissant spontanément en 5 à 10 jours) observée dans 60-70 % des cas de primo-infection, et dans toute une série d’infections liées à une grande variété de micro-organismes pathogènes (bactéries, champignons, parasites, virus…) dont l’apparition est étroitement liée à l’état immunitaire de la personne vivant avec le VIH. La prévalence de ces manifestations dermatologiques varie en fonction du taux de CD4. L’apparition des traitements antirétroviraux, en restaurant l’immunité, a considérablement modifié l’histoire naturelle des manifestations dermatologiques liées à l’infection par le VIH. Ainsi, la mise sous traitement s’accompagne habituellement d’une amélioration spontanée de la plupart des affections dermatologiques.

La fréquence des infections cutanées augmente avec la chute de l’immunité. La dermite séborrhéique est la manifestation la plus fréquemment associée à l’infection par le VIH. La fréquence de l’eczéma au cours de l’infection par le VIH est inconnue, mais semble élevée, surtout chez l’enfant. La fréquence de la syphillis redevient importante avec plusieurs milliers de nouveaux cas chaque année en France. L’herpès cutanéo-muqueux chronique ou extensif, observé chez 15 à 20 % des personnes atteintes par le sida est un marqueur clinique du sida. La prévalence du zona est 15 à 16 fois supérieure chez les personnes vivant avec le VIH que dans la population générale et varie de 29 à 51 pour mille selon les études. Chez les personnes vivant avec le VIH ne présentant pas de trouble de l’immunité important, l’évolution du zona est identique à celle observée chez les séronégatifVEs. En revanche, le caractère récidivant, une évolution nécrosante évoquent un déficit immunitaire. Les récidives sont fréquentes et augmentent avec la progression de l’infection par le VIH de 12 % à un an, et de 26 % à 6 ans. La fréquence des infections persistantes dues au papillomavirus carcinogène est très augmentée chez les femmes vivant avec le VIH.

Causes

La plupart des infections dermatologiques surviennent lorsque le taux de CD4 atteint certains seuils : au-dessus de 500 ou lors de la primo-infection, des ulcérations génitales et des rashs cutanés peuvent survenir. Entre 200 et 400 CD4, des dermites séborrhéiques (rougeurs et squames) peuvent toucher le visage, des aphtes et le zona apparaître. En dessous de 200 CD4, la maladie de Kaposi, les lymphomes, les candidoses buccales et leucoplasies orales chevelues (lire les dents), le molluscum contasiogum (excroissance en forme de perle déprimée en son centre, blanche ou de la couleur de la peau, de 2 à 5 millimètres de diamètre) peut s’installer. En dessous de 50 CD4, l’herpès chronique, le cryptoccocose ou les teignes accompagnent souvent d’autres infections opportunistes.

Les antirétroviraux sont aussi à l’origine des problèmes cutanés qui touchent les personnes vivant avec le VIH, le corps réagissant à la toxicité d’un composé chimique. Le nelfinavir, et en règle générale les inhibiteurs de protéase, provoquent une sécheresse de la peau, favorisant ainsi le développement de certaines infections, notamment l’eczéma. Les analogues nucléosidiques (délavirdine, éfavirenz, névirapine) et les antiprotéases sont connus pour provoquer des rashs cutanés de plus ou moins forte intensité. La névirapine est ainsi responsable de taches rouges circulaires de quelques millimètres de diamètre présentant une surface en relief (exanthèmes maculopapuleux) chez 10% des personnes traitées. L’abacavir est, quant à lui, à l’origine d’une forme sévère d’hypersensibilité, observée chez 4 % des personnes traitées.

Enfin, les traitements utilisés dans le traitement de certaines infections opportunistes (pneumocystose, toxoplasmose, tuberculose et infections bactériennes) provoquent eux aussi des effets secondaires sur l’état de la peau.

Prévention

La transmission de la syphillis se fait très facilement par contact et par voie sexuelle (possibilité rare de transmission par voie sanguine ou au cours de la grossesse). Les phases primaires et secondaires sont les plus contaminantes, et nécessitent l’utilisation systématique de préservatif.

La transmission des verrues se fait par contact direct (peau à peau) ou indirect (par des objets) avec la partie infectée. Les sols humides des piscines, des douches publiques, des plages et des centres d’activité sportive sont particulièrement propices à la transmission de la verrue plantaire. Une éraflure ou une petite coupure facilite l’entrée du virus dans l’organisme. Les personnes dont la peau a tendance à s’assécher et à fendiller, de même que celles qui souffrent d’eczéma, risquent par conséquent davantage « attraper » le virus.

Les végétations vénériennes ou condylomes anogénitaux transmises dans la majorité des cas à l’occasion de rapports sexuels, l’utilisation de préservatifs est donc une fois encore nécessaire pour en éviter la transmission. Ces lésions apparaissent en moyenne trois mois après le rapport sexuel contaminant et se dépistent par des formes de « pointes d’épingles » souvent multiples, qui prennent ensuite l’aspect de petits « boutons » à surface irrégulière et fissurée, d’où leur nom populaire de « crêtes de coq ». Ces lésions peuvent grandir en « chou-fleur », se fissurer, saigner et se surinfecter. Au cours du sida, les végétations vénériennes prennent volontiers un aspect végétant et extensif.

Prise en charge

La plupart des infections bactériennes cutanées sont banales, fréquentes, et présentent différents aspects.
– La dermite séborrhéique se manifeste par des rougeurs avec présence de peaux mortes situées plus volontiers au niveau du visage (ailes du nez, joues, sourcils), du cuir chevelu, voire d’autres parties du corps. Il s’agit d’une affection chronique et récidivante. Le traitement est fondé sur l’utilisation d’anti-inflammatoires dermocorticoïdes (Locapred®) sur une courte période et d’antifongiques contenant du kétoconazole (Kétoderme®‚ crème et gel moussant).
– L’eczéma est caractérisé par des lésions qui grattent, dont le mécanisme allergique fait intervenir de façon complexe l’immunité cellulaire et l’immunité humorale. L’eczéma chronique est fait de plaques prurigineuses suintantes qui constituent un des aspects symptomatiques les plus fréquents. Une surinfection microbienne est presque systématique. La prise en charge de l’eczéma passe par l’application de crèmes calmantes et apaisantes, de crèmes contenant des corticoïdes et, en cas d’infection, par la prescription d’antibiotiques.
– Le staphylocoque est la source de nombreuses manifestations dermatologiques : en s’associant au bulbe pileux, il donne des pustules situées à la base des poils ; autour des lèvres, du nez et des oreilles, il peut provoquer des éruptions (ou impétigo) se manifestant par de petites ampoules qui crèvent et forment une croûte jaune-brun ; la complication de l’impétigo, c’est l’ecthyma, qui touche essentiellement les membres inférieurs (cette dermatose est qualifiée d’érosive, car elle a tendance à creuser les lésions). La prise en charge commence par la recherche systématique d’un portage chronique afin d’éviter les récidives. Ces infections doivent faire l’objet d’un traitement par les antibiotiques adaptés, éventuellement couplé à un traitement local.
– Le streptocoque b-hémolytique peut provoquer des plaques rouges brillantes apparaissant principalement sur les membres inférieurs, accompagnées d’une fièvre importante (près de 40°C). Enfin, les abcès sous-cutané font aussi partie de cette catégorie.
– La syphilis est une infection bactérienne due à Treponema pallidum, responsable de lésions de la peau et des muqueuses pouvant toucher de nombreux organes aux différents stades de la maladie, chancre (lésion rosée, indolore, non inflammatoire, propre, bien limitée, devenant dure et laissant sortir un liquide clair, localisée au niveau des organes génitaux : gland, peau des testicules, grandes lèvres, clitoris, paroi du vagin, col utérin, ou extra-génital : lèvres, langue, amygdale, anus) lors de la syphilis primaire, affections cutanées et de la muqueuse (bouche, langue, vulve, gland, anus) lors de la syphilis secondaire. Le diagnostic de syphilis, orienté par les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique, est confirmé par les examens effectués au laboratoire de biologie. Ces examens sont d’une part, la mise en évidence du tréponème sur les prélèvements à l’aide d’un microscope particulier pour la détection de cette bactérie et d’autre part, la réaction sérologique visant à mettre en évidence des anticorps dirigés contre la bactérie, qui se positive 2 à 3 semaines après l’apparition du chancre. Le traitement est fondé sur l’administration d’antibiotiques. La pénicilline G représente l’antibiotique de référence. D’autres antibiotiques peuvent être utilisés en cas d’allergie à la pénicilline G (macrolides, cyclines). Les modalités de traitement (en particulier la posologie) varient en fonction du caractère primaire, secondaire ou tertiaire de la syphilis.
– Les mycobactérioses (la plus fréquente étant la dermatose à mycobactérie) se développent lorsque le taux de CD4 est inférieur à 50, elles accompagnent généralement l’apparition des infections opportunistes. Le diagnostic est fondé sur la culture de l’agent pathogène à partir de différents prélèvements : sang (hémoculture), urine, selles, crachats, lavage broncho-alvéolaire, moelle, biopsie d’organe. Le traitement est soit prophylactique (préventif) avec de la rifabutine ou clarithromycine, soit curatif par l’association clarithromycine/ethambutol.
– L’infection par le virus de l’herpes simplex peut apparaître à un stade précoce de l’infection par le VIH, son évolution est dans ce cas courte et bénigne ; en revanche, l’herpès cutanéo-muqueux, chronique ou extensif, est un marqueur clinique du sida. La localisation anale ou génitale prédomine, alors que des localisations au visage, aux mains et aux jambes sont plus rares mais possibles. Le diagnostic se fait essentiellement sur la mise en culture du virus. Le traitement repose sur l’utilisation d’aciclovir ou de valaciclovir pendant 5 à 10 jours. En cas de résistance à l’aciclovir, l’utilisation du foscarnet, voire du cidofovir, est nécessaire. Chez les personnes présentant plus d’une récidive par mois, un traitement d’entretien par l’aciclovir est alors indiqué.
– Le zona est une infection virale due à une réactivation du virus de la varicelle et du zona. Cette infection survient uniquement chez des personnes ayant déjà fait une varicelle (partiellement immunisées). La latence s’établit dans les ganglions des nerfs sensitifs et la réactivation se fait dans le territoire d’un de ces nerfs. Elle est caractérisée, au niveau de la peau, par une éruption vésiculaire évoluant par poussée et associée à des douleurs très sévères le long des nerfs infectés. L’évolution est marquée par la survenue de complications neurologiques, encéphalite notamment. Le traitement du zona est variable : pour les formes banales le traitement n’est pas systématique, ou le/LA médecin pourra prescrire de l’aciclovir par voie orale, notamment lors d’un zona ophtalmique afin de prévenir d’éventuelles complications oculaires. En cas de résistance à l’aciclovir, le recours au foscarnet est préconisé. Enfin, en cas de varicelle, de zonas récurrents, sévères et disséminés, le recours à l’aciclovir par voie intraveineuse est préconisé.
– Les verrues sont provoquées par des papilloma virus (VPH), il en existe des dizaines de souches. Une fois introduit dans l’organisme, le virus se fixe à un endroit précis de l’épiderme où il déclenche une prolifération anormale de cellules. Rarement douloureuses (sauf lorsqu’elles sont situées près des ongles), elles peuvent être gênantes car souvent visibles. Il existe plusieurs façons de les combattre et il est fréquent d’utiliser plusieurs méthodes avant de venir à bout du problème mais aucun n’offre de garantie totale. De plus, le traitement exige souvent plusieurs séances (notamment pour la verrue plantaire, plus résistante aux traitements). Certains produits, à base d’acide salicylique (parfois associé à de l’acide lactique) et vendus sans ordonnance, peuvent donner de bons résultats, mais leur utilisation sur le visage ou sur d’autres zones sensibles est déconseillée. Après avoir pratiqué une anesthésie locale, le médecin peut inciser et extraire la verrue ou la détruire par électrocoagulation. L’utilisation d’azote liquide reste l’arme la plus efficace.
– Les végétations vénériennes ou condylomes anogénitaux sont des maladies virales provoquées par le Papovavirus, responsable des lésions génitales (péniennes, vulvaires ou vaginales, anales et urétrales), extensives et disgracieuses. Un bilan d’extension des lésions ainsi que la recherche, par colposcopie (examen de l’appareil génital féminin) et anuscopie, d’une néoplasie associée sont nécessaires. En effet, certains papillomavirus sont associés aux dysplasies et cancers des muqueuses génitales et anales. Le traitement fait appel à la cryothérapie (traitement des lésions par le froid), à l’électrocoagulation, au laser, voire à la chirurgie. La meilleure prise en charge demeure un traitement radical de toutes les lésions et une surveillance régulière. Mais les rechutes sont fréquentes.
– Parmi les infections mycosiques, les candidoses sont les plus fréquentes. Elles touchent les muqueuses (buccales, anales et génitales) ainsi que la peau (localisation au niveau des plis de l’aine, des aisselles et des plis sous les seins). Il s’agit de lésions rouges, humides, pouvant aller jusqu’à la fissuration de l’épiderme, des ongles et du cuir chevelu. Le traitement initial des candidoses siégeant au niveau de la peau et des muqueuses est fondé sur l’utilisation d’antifongiques locaux (suspension buvable d’amphotéricine B, crèmes à base de nystatine) (lire les dents). En cas d’échec, le recours aux antifongiques systémiques (kétoconazole, fluconazole) est de rigueur. En cas de déficit immunitaire majeur (taux de CD4 inférieur à 100), les rechutes sont fréquentes et il est alors souhaitable d’instaurer une prophylaxie (traitement visant à prévenir l’apparition d’un nouvel épisode infectieux) par des antifongiques locaux (itraconazole).
– Les affections cutanées dues à un composé chimique apparaissent très rapidement après la prise du traitement (entre le 8ème et le 12ème jour, et entre la 2ème et la 4ème semaine pour le syndrome d’hypersensibilité), sous forme de taches rouges parfois associées à une fièvre. Elles peuvent disparaître spontanément, sans changement de traitement ou au contraire se compliquer gravement (syndrome d’hypersensibilité, de Stevens Johnson et de Lyell). Ces affections graves atteignent la peau sur l’ensemble du corps, les muqueuses et la situation générale se dégrade rapidement (état grippal, toux et douleur thoracique). Ces rash cutanés doivent faire l’objet d’une consultation médicale. Selon la gravité, le traitement pourra être continué, allégé ou arrêté, et accompagné d’une corticothérapie. Si la cause en est un antirétroviral, le/LAmédecin envisagera sans doute de le remplacer. C’est expressément le cas avec l’abacavir qui, en cas de syndrome d’hypersensibilité, ne doit plus JAMAIS être absorbé. Enfin, les sécheresses cutanées, favorisant le développement de certaines infections, doivent être prises en charge par l’application de crèmes hydratantes et nourrissantes.