Le 26 avril, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle organise une journée pour «célébrer» les brevets et la propriété intellectuelle. Pour nous, malades du sida, cette journée est indécente. Parce que les brevets accordent aux laboratoires pharmaceutiques un monopole de fait sur les traitements. Parce que 95 % des malades n’ont pas accès aux traitements existants, faute de pouvoir en payer le prix.
Pour fêter à sa manière cette journée de la honte, Act-Up Paris s’est associé aux activistes du logiciel libre pour attaquer le serveur de l’OMPI et contrecarrer sa propagande assassine. Une heure durant — de 16 heures à 17 heures — plusieurs centaines d’ordinateurs utilisant un programme adapté ont sollicité en boucle le site de l’organisme mondial et sont parvenus à réduire à 5% de son débit initial. [[Un outil de mesure montrait qu’au début de notre action le débit du site était d’environ 80 ko par seconde pour tomber à environ à 4 ko par seconde au cours de notre attaque.]]
Aujourd’hui, les fabricantEs Indiens de médicaments génériques proposent une trithérapie pour moins de 10 euros par mois, contre 700 en France. L’Organisation Mondiale de la Santé a établi que la qualité de ces médicaments est au moins équivalente aux originaux fabriqués en Europe ou aux Etats-Unis. Pourtant, à cause des brevets, ces génériques anti-vih restent indisponibles dans la plupart des pays africains, où faute de médicament, plus de 2 millions de personnes sont mortes du sida en 2003. Les clauses dérogatoires négociées à l’Organisation Mondiale du Commerce, contraignantes jusqu’à l’inapplicable, restent lettre morte.
Le lobby des multinationales pharmaceutiques use de tous les moyens à sa disposition pour bloquer l’importation et la distribution de ces médicaments génériques dans les pays pauvres. En toute impunité, elles détournent les lois et imposent les leurs. Ainsi, l’accord commercial signé en avril dernier entre les Etats-Unis et le Maroc réduit à néant les accords chèrement arrachés au niveau de l’OMC à Doha et Cancùn. Par cette politique, les grands laboratoires pharmaceutiques condamnent à mort 38 millions de séropositifVEs vivant dans les pays pauvres.
La propriété intellectuelle sur les médicaments est censée financer l’investissement dans la recherche pharmaceutique et assurer au plus grand nombre l’accès aux innovations de santé. Pourtant, sur 300 milliards de dollars dépensés en 2003 au niveau mondial en médicaments sous brevet, seuls 40 milliards sont dévolus à la recherche quand 50 milliards vont aux actionnaires et 90 milliards au marketing. Et moins de 1% des médicaments inventés par les laboratoires privés ces 20 dernières années concerne les maladies des pays en développement. Au final, les brevets sur les médicaments ne garantissent qu’une chose : les profits d’une poignée de multinationales bénéficiant d’un monopole de 20 ans sur l’exploitation des médicaments, tandis qu’ils en restreignent l’accès à la vie aux seulEs malades solvables.
C’est pourquoi, en 2004, pour permettre l’accès au traitement du sida et arrêter l’hécatombe, il n’y a plus qu’une seule solution : abolir la propriété intellectuelle partout où elle tue.
– 99% des brevets sur les médicaments sont la propriété de personnes morales originaires des pays de l’OCDE ;
– La recherche pharmaceutique privée est une activité économique exclusivement propre aux pays riches (les entreprises des pays riches représentant 99.9% des dépenses mondiales en recherche pharmaceutique privée) ;
– Dans les pays pauvres, 95% des habitantEs doivent payer de leur poche 95% des médicaments dont ils et elles ont besoin (absence de couverture maladie) ;
– Le FMI lui-même reconnaît que les crises de santé publique (à commencer par le sida) constituent l’un des 3 principaux obstacles au développement économique et à la réduction de la pauvreté à l’échelle de la planète ;
– Les pays en développement représentent moins de 5% des ventes mondiales de médicaments sous brevet.
DONC : protéger les brevets sur les médicaments n’a pas de sens dans les pays pauvres.