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Au cas où vous ne le sauriez pas encore, Aides ne fait plus de prévention, mais se lance dans la Réduction Des Risques.

Face au refus de certains gays de se protéger, Aides en prend acte et préfère leur expliquer comment réduire les risques plutôt que de les éviter. Une série de flyers de Aides explique que, sans capote, il vaut mieux être actif que passif, qu’il vaut mieux se retirer avant de jouir, qu’il vaut mieux mettre au moins du gel, qu’il vaut mieux avoir une charge virale indétectable, qu’il vaut mieux éviter le jus quand on suce, qu’il vaut mieux limiter le nombre de ses partenaires, etc.

L’analyse de départ de Aides est fausse. Si les pédés se protègent moins qu’avant, ce n’est pas parce qu’ils en ont assez des messages de prévention et du « tout capote à la Act Up », c’est au contraire parce que ces messages sont quasi absents ou trop mous.

L’Etat n’a jamais fait un travail de prévention efficace dans ce pays. Les médias l’assuraient en partie, mais ils ne s’y intéressent plus depuis que l’on meurt moins du sida. Le sida est moins spectaculaire. Le sida est moins vendeur. En dehors de la communauté, on ne parle plus du tout du sida. A l’intérieur de la communauté, le déni de l’épidémie ne cesse de progresser. Il n’y a plus de visibilité du sida. Les nouveaux séropos sont perdus, isolés, ont parfois honte et n’ont aucun pouvoir face à leur médecin. L’arrivée des trithérapies à partir de 1996 a marqué ce tournant : on préfère maintenant parler de maladie chronique. L’Etat et Aides sont dans la gestion de l’épidémie.

Nous, séropos, n’avons jamais été aussi nombreux qu’aujourd’hui. Pourtant, l’INPES continue de produire des campagnes nulles – comme cet hiver. L’Etat préfère en effet, censurer les spots de prévention par peur du prosélytisme homosexuel ou pour ne pas choquer les familles avec des images crues de sexualité. L’Etat préfère se reposer sur le travail des associations communautaires, sans leur donner plus de moyens, et les associations sont fatiguées.

Comme dans toute la communauté sida, les bénévoles de Aides sont fatiguéES et moins nombreuxSEs. Alors au lieu de lutter contre le relapse et le bareback, Aides abandonne la prévention. Aides entre dans le jeu des barebackers et ne veut surtout pas juger leur démarche. Vous comprenez, c’est tellement dur de mettre une capote… bla bla bla.

Il faut donc le rappeler, le but de la prévention est d’aider les gens à mettre la capote et non pas de leur expliquer comment baiser sans, même en
limitant les risques. Avec son discours, Aides croit donner une information juste, elle ne fait en réalité que légitimer les pédés dans leurs mauvaises
pratiques et les conforter dans leurs idées reçues.

Certes, la réduction des risques existe depuis longtemps dans les pratiques des pédés. Aides ne fait que les théoriser en discours. Mais diffuser désormais de ce discours, comme Aides le fait, ne peut qu’aggraver la situation épidémiologique dans notre communauté. Ce qui se fait depuis toujours trouve maintenant une légitimité grâce à la plus grande association de lutte contre le sida. Il ne faut donc pas s’étonner que le bareback soit de plus en plus la norme, car même Aides est d’accord.

Aides se sert de la statistique pour étayer son discours. Le problème, c’est qu’en matière de prévention, la statistique c’est de la merde car il ne suffit que d’une fois pour se contaminer.

Aides explique qu’elle tente d’aider les barebackers à réduire les risques. Elle ne fait pourtant, en les déculpabilisant, que les aider à se surcontaminer ou se contaminer par le VIH. Elle les aide aussi à contracter la syphilis et toutes les IST, très transmissibles, même par fellation.

Aides explique qu’il faut répondre à la lassitude de ces personnes qui en ont marre de la capote. Nous disons donc à Aides que tout le monde en a marre de la capote et que ce n’est pas pour autant une excuse pour baiser sans. Si Aides cherche à tout prix des explications psychologisantes afin de comprendre pourquoi les pédés n’arrivent pas à baiser avec la capote, cela doit servir à trouver des solutions afin qu’ils la remettent et non pas afin de leur donner de bonnes raisons d’être unsafe.
La lassitude de la capote dont Aides parle ne devrait pas, de plus, s’adresser aux jeunes pédés. Or, eux aussi, tombent sur leurs flyers. Les jeunes pédés constituent un des groupes les plus menacés du pays. Ce n’est pas en leur expliquant que sans parachute ils peuvent quand même prendre un parapluie, qu’on les protége d’une terrible chute.

Aides prétend que le risque zéro n’existe pas. L’homme serait faible, hélas, et donc incapable de mettre la capote systématiquement. Partant de là, il faudrait lui proposer des stratégies pour rendre acceptable le risque qu’il prend. Plutôt que de chercher à modifier les comportement, ce qui est la base d’une action de prévention, Aides entérine le refus de la capote sous couvert d’une échelle de risques. A quel prix ? Savoir si j’ai 20 % ou 90 % de chances de me contaminer avec telle ou telle
pratique ne me sera plus très utile quand j’aurai été effectivement contaminé.
Aides sait très bien que la réduction des risques ne marche pas. Il y a un an et demi, à l’AG de la prévention que nous organisions, Christian Saout s’était engagé à ne pas diffuser ces flyers en dehors d’une discussion avec un militant de Aides. Il doit bien comprendre que ces flyers, lâchés dans la nature, sans aucune forme d’explications, risquent d’être interprétés comme un encouragement à la baise sans capote.

Aides nous répond alors qu’ils ont testé dans un sauna l’impact de ces flyers. D’après eux, il n’y a pas de risques que cela encourage le bareback car, après avoir diffusé leurs flyers, ils ont ramassé sur le sol de ce sauna autant de capotes usagées qu’avant. C’est grâce à une cinquantaine de capotes ramassées dans un sauna marseillais qu’Aides se lance donc dans la RDR. Sont-elles devenues connes ?