Du 14 au 18 avril 2004, à Berlin, se tenait la conférence européenne annuelle d’hépatologie organisée par l’association européenne des études du foie (EASL).
Cette année le programme était majoritairement axé sur les cirrhoses, les problèmes de décompensations et les nouvelles stratégies de greffe du foie. Il est essentiel d’actualiser les connaissances de ces maladies, au moment où nous commençons seulement à mesurer l’ampleur des conséquences réelles de l’épidémie d’hépatite C, en termes de morbidité et mortalité. Nous attendions avec impatience l’annonce de nouvelles molécules thérapeutiques efficaces et disponibles. De ce point de vue, nous sommes restés sur notre faim, les surprises de taille étant sur d’autres domaines.
femmes et maladies du foie
Le samedi se tenait un symposium sur «genres et maladies du foie», mais qui se résumait en fait par : «les maladies du foie spécifiques aux femmes».
Les hormones sexuelles influencent la production d’anticorps. Chez les femmes, la réponse immunitaire TH1 est accrue et stimule alors la production d’interférons naturels. Ceci explique en partie, le fait que les femmes guérissent spontanément d’une hépatite virale, plus fréquemment que les hommes. Mais, s’il y a proportionnellement moins de femmes porteuses d’une hépatite, leur vécu semble par contre souvent plus difficile et plus symptomatique.
Puisqu’on parle d’hormones, se pose la question de la spécificité des transgenres. Il n’existe pas d’études spécifiques et seuls quelques cas ont été publiés dans la littérature. On sait cependant que les stéroïdes anabolisants ont une incidence sur le cholestérol et que la production d’œstrogènes est accrue chez les hommes en cirrhose, ce qui provoque souvent une poussée des seins, parfois perturbant, d’autre fois beaucoup moins.
Cependant les femmes ont plus de risques d’interactions et de toxicité médicamenteuses, à cause de la présence accrue du CYP 3A4 (Cytochrome P450, système de métabolisation particulièrement à risque d’interaction). Si chez les hommes, il y aurait un rapport entre 70 et 180 pour le CYP-3A4, chez les femmes, il se situe entre 200 et 500.
Parmi les particularités féminines, il faut aussi citer le fait que la masse d’eau totale dans le corps est nettement plus faible que chez les hommes, contrairement à la masse grasse. Ceci explique entre autres, leur fragilité accrue face à l’alcool, le simple verre de vin étant moins dilué.
Chez les porteurSEs d’hépatites virales, les problèmes d’ostéopénies (déminéralisation de l’os) sont 2 fois plus fréquents que dans la population générale, surtout vers 50 ans. Ce problème touche six fois plus les femmes que les hommes (2,8% vs 0,5%). La choléstase provoque plutôt des ostéodystrophies. Contrairement au VIH, l’ostéoporose n’est pas plus fréquente qu’en population générale, sauf chez les femmes ayant une ménopause précoce chez qui environ 21 % d’entre elles sont concernés. Ce chiffre est très élevé pour des femmes encore jeunes. Les problèmes d’ostéopénies surviennent de manière asymptomatique au début, mais sont souvent corrélés à une hausse de la bilirubine. Cette augmentation peut éventuellement, lors d’un suivi où des problèmes osseux ou articulaires sont évoqués, inciter à pratiquer des examens complémentaires.
Le risque de survenue de cirrhose est supérieur aux hommes, celui du cancer est nettement plus supérieur. Cela rappelle qu’en cas de guérison de cirrhose, la survenue d’un cancer reste toutefois possible et doit donc être surveillée sur le long terme. 75 % à 90 % des hépatocarcinomes surviennent suite à une cirrhose. Les femmes semblent par contre mieux supporter les greffes du foie. Une étude a stipulé cependant qu’il pourrait être prudent de vérifier le sexe du donneur et du receveur car quand ils sont différents les risques de rejets seraient plus fréquents, notamment pour un greffon féminin sur un receveur masculin !
Les problèmes de stéatose (graisse dans le foie) et d’obésité reste une spécialité masculine, tout comme les problèmes d’hémochromatose, surcharge en fer souvent d’origine génétique. En effet, les femmes, lors des règles, éliminent naturellement du sang et stabilisent ainsi leur taux de fer. En 2004, chez les personnes touchées par des problèmes d’hémochromatose, le traitement indiqué reste de pratiquer des saignées. En France, 300 000 personnes seraient concernées dont 10 % seulement sont diagnostiquées.
co-infection vih-vhc importance du traitement antirétroviral
Selon les anciennes études de cohortes, la fibrose hépatique liée au VHC pouvait être trois fois plus rapide chez des co-infectéEs VIH-VHC que chez des mono-infectéEs VHC. Ces résultats ne faisaient pourtant pas l’unanimité, d’une étude à l’autre.
L’équipe du Dr Norbert Brau, du Centre Médical des Vétérans du Bronx [[Ce centre médical des vétérans du Bronx regroupe des GI américains, largement concernés par les co-infections VIH-hépatites, l’alcoolisme (40 %) et les drogues (70%), les plus diverses et variées.]] à New York et celle du Dr Maribel Rodriguez, de la Fondation de Recherche de Diego à San Juan, concluent que l’efficacité d’un traitement antirétroviral VIH hautement actif (HAART) peut permettre de ralentir la progression de fibrose hépatique chez unE co-infectéE VIH-VHC ayant moins de 500 CD4, au même stade que pour unE mono-infectéE.
Ils ont inclus 656 personnes, dont 278 co-infectées VIH-VHC de 2000 à 2002. Dans leur étude, ils ont essayé de définir quels étaient les personnes co-infectées VIH-VHC ayant eu une progression de fibrose comparable ou supérieure aux mono-infectéEs VHC, selon l’efficacité du traitement antirétroviral, c’est-à-dire leur statut immunologique (nombre de CD4) et virologique (charge virale VIH) :
– Selon la charge virale, les co-infectéEs indétectables (charge virale inférieure à 400 copies VIH/ml) ont une progression de fibrose identique à celle des monos infectés VHC. Par contre ceux ayant une charge virale comprise entre 400 et 100 000 copies aurait une progression de fibrose plus rapide. Pour les personnes ayant une charge virale détectable longtemps, la survenue de cirrhose serait accélérée de dix ans environ. Enfin les co-infectéEs ayant une charge virale supérieure à 100 000 copies VIH, en échappement thérapeutique, ont une progression de fibrose accrue de 60 % comparativement aux monos infectés VHC.
– Selon les taux de CD4, les co-infectéEs ayant plus de 500 CD4 auraient une progression de fibrose identique à celle des monos infectés VHC, quelle que soit leur charge virale VIH. Chez les co-infectéEs ayant entre 350 et 500 CD4, et ayant une charge virale détectable (supérieure à 400 copies), ils auraient une progression de fibrose supérieure à celle des monos-infectéEs VHC. Les co-infectéEs ayant moins de 350 CD4 ont les progressions de fibrose les plus rapides.
Le fait de bénéficier d’un traitement antirétroviral n’était pas un critère significatif de ralentissement de fibrose. Seuls des marqueurs immunologiques et virologiques faisant état d’un traitement efficace étaient significatifs.
Donc pour les co-infectéEs VIH-VHC ayant moins de 500 CD4 et une charge virale VIH même faible, il ne paraît pas très prudent de retarder une mise sous antirétroviraux, même pour ceux ayant entre 350 et 500 CD4, c’est-à-dire environ la moitié des co-infectéEs en France. Ainsi ce serait seulement au-dessus de 500 CD4, que l’on pourrait initier d’abord un traitement antiviral VHC par PEG-interféron-ribavirine, avant d’envisager l’initiation d’antirétroviraux, si nécessaires.
comparaison biopsie – Fibrotest©
Une étude du service hépatologie de la Salpetrière, inventeur du Fibrotest© a cherché à comparer la fréquence de résultats discordants entre le Fibrotest© et une biopsie du foie. Sur 548 malades ayant une hépatite chronique, 32 % des résultats étaient discordants, ce qui semble encore très élevé comme risque de faux négatifs ou faux positifs. Il y avait notamment des discordances pour 70 personnes (13 %) concernant la fibrose seule, pour 71 personnes (13 %) pour l’activité seule, et pour 32 personnes (6 %) pour l’activité et la fibrose.
Les causes de discordances étaient soit l’hémolyse, la maladie de Gilbert (maladie auto-immune), soit une infection. Nous savons pourtant que bon nombre d’infections virales chroniques sont aussi l’occasion d’une survenue d’infections ponctuelles. Les autres facteurs risquant de fausser le Fibrotest© étaient l’insuffisance rénale pour les erreurs d’activité ; et pour les erreurs de fibrose, le diabète et la prise de traitement antirétroviraux.
Nous ne nous étonnons plus alors des nombreux témoignages de personnes co-infectées ayant des résultats discordants entre biopsie et Fibrotest©.
Toutefois, il existe maintenant un autre examen non invasif permettant une évaluation de l’activité et de la fibrose hépatique, et donc pouvant être très utile pour départager rapidement des résultats discordants. Il s’agit du Fibroscan©, dont le stand du fabricant français, la société Echosens, n’a pas désempli de médecins subjugués par ce procédé innovant. Quelques hépatologues ont subi à leur tour une biopsie ultra-rapide et il était amusant de voir leurs yeux médusés face au résultat obtenu en 3 minutes.
Cet examen est basé sur une mesure par ultrason, d’un signal envoyé par un percuteur léger. En effet, la règle est simple. Plus le foie est fibrosé, plus il est dur et donc moins les sons traversent rapidement ses tissus. Du point de vue du malade, c’est tout simplement une échographie-doppler du foie, banale. Cet examen ne prend que trois minutes, pour que le médecin vous annonce le résultat. Quand on a connu les biopsies avec 24 heures d’hospitalisation, dont 6 heures alitées sur le coté sans pouvoir bouger, c’est une expérience assez bouleversante de rapidité, de simplicité et d’efficacité.
Cet examen vient d’être récemment agréé, et même si ses résultats prometteurs font encore l’objet d’études, vous pouvez vous le faire prescrire sous le terme : examen d’élastométrie hépatique, n’étant pas encore inscrit dans la nomenclature, il est gratuit, donc dépêchez vous ! Pour avoir plus de renseignements, le site web du fabricant : www.echosens.com est assez clair. Ils recherchent des personnes acceptant de faire une biopsie ou qui en ont fait une récemment de façon à compléter leurs études de validité. Nous publions ci-dessous la liste des services hospitaliers d’hépato-gastro-entérologie ayant à disposition un Fibroscan©, il est possible de les appeler pour savoir comment en bénéficier et prendre rendez-vous : à Créteil : Hôpital Henri-Mondor, service du Pr Dhumeaux, à Bondy : Hôpital Jean Verdier, service du Pr Beaugrand, à Clichy : Hôpital Beaujon, service du Pr Marcellin, à Bordeaux : Hôpital du Haut-Léveque à Pessac, service du Pr De Ledinghen, à Angers : CHU, service du Pr Cales, à Saint Diziers, en Haute-Marne : Centre hospitalier, service de médecine 3 du docteur Pascal Melin. Si vous n’êtes pas proche d’un de ces hôpitaux, n’hésitez pas à contacter l’hépatologue, chef de service hospitalier, afin de lui demander s’il connaît cet examen, et éventuellement lui suggérer d’aller se renseigner sur leur site web.
hépatite B guérie et cancer du foie
Une autre étude suggère un lien entre un anticorps lié à l’hépatite B, même guérie, l’Ac-anti-Hbc, et la survenue accrue de cancer du foie, surtout chez les hommes. Autrement dit se pose la question de savoir si l’incidence «inconnue» des hépatites B occultes en Europe, risque d’accroître la survenue de cancer du foie dans les années à venir, et donc les besoins en matière de greffes.
C’est une étude de cohorte du groupe Hencore (Hepatitis European Network for COoperative REsearch), représenté en France par le Pr Trépo, de l’Hotel-Dieu à Lyon. Ils ont inclus 1650 personnes, suivies sur 7 ans, ayant des Ac-anti-Hbc, mais pas d’Ag-Hbs, donc pas d’hépatite B chronique «classique». Il est regrettable que dans les critères d’inclusions, il n’y ait pas eu de mesure de charge virale VHB pour touTEs.
Nous savons que les marqueurs classiques, Ac-anti-Hbc+ et Ag-Hbs+ suffisent à détecter la plupart des hépatites B chroniques, mais pas toutes. En effet, les hépatites B, dites «occultes», se traduisent par une réplication virale de l’ADN-VHB dans le foie, sans pour autant déclencher de réaction immunitaire normale, comme la production d’Ag-Hbs. Donc chez les personnes ayant des anticorps Ac-anti-Hbc isolés (Ag-Hbs), on estime que 20 à 30% d’entre elles sont porteuses d’une hépatite B occulte, dont bon nombre ne le savent pas encore, y compris leurs médecins. Cette situation n’est pas rare chez les séropositifVEs VIH dont 80% environ ont croisé aussi le VHB et dont, bon nombre sont toujours porteurSEs de l’anti-Hbc isolé. En effet, on estime que seuls 10% des séropositifVEs VIH sont co-infectéEs par une hépatite B. Si on faisait un diagnostique plus précis pour les hépatites B occultes, au moins par une mesure de charge virale VHB ultrasensible ; la prévalence officielle de co-infection VIH-VHB pourrait sérieusement augmenter. Ce qui permettrait aux co-infectéEs VIH-VHB d’être mieux suiviEs et prisES en charge.
Cette étude a donc inclu bon nombre de malade VHC+ ayant aussi des anticorps Ac-anti-Hbc. Or ils concluent que pour les porteurs d’hépatite C chronique, la présence d’anti-Hbc : occasionne des hépatites C plus sévères, avec une charge virale et une fibrose plus élevées ; altère la qualité de vie des malades ; n’a pas d’incidence sur les facteurs de bonne réponse au traitement VHC par Interféron ; double les risques de décès par cancer du foie (hépato-carcinome).
Parmi les porteurSEs d’hépatite C chronique, ils retrouvent des porteurSEs d’Ac-anti-Hbc chez 23% des malades n’ayant pas développé de cancer, et chez 43 % de ceux ayant développé un cancer. C’est ce qu’on appelle une différence significative. De plus, il faut remarquer que chez les personnes ayant développé un cancer du foie, 2/3 sont des hommes, alors que cette répartition par genre semble égale en proportion en cas de cancer du foie et de mono-infection VHC.
Toutefois ces résultats ne sont pas retrouvés au Japon, ce qui évoquerait sûrement une spécificité du VHB en région méditerranéenne, lié à l’âge supérieur au moment de la contamination. En Europe, il s’agit majoritairement de contaminations VHB à l’adolescence lors des premières expériences sexuelles ou d’injection de drogues, alors que dans le Sud-Est asiatique, il s’agit majoritairement de transmission mère-enfant.
cannabis et fibrose
Une présentation concernant un possible effet antifibrosant, lié au blocage d’un récepteur aux cannabinoïdes, le CB1, par l’équipe du Dr Grenard, de l’Hôpital Henri-Mondor à Créteil, Unité 581 de l’INSERM.
Il faut rappeler que nous avons deux types de récepteurs aux cannabinoïdes, naturellement dans le corps, les CB1 et les CB2. Cette même équipe avait publié, il y a peu, une étude suggérant un possible effet antifibrosant lié à l’activation des récepteurs CB2. En effet, cette activation pourrait permettre de détruire des myofibroblastes, des molécules génératrices de fibrose hépatique. Cette étude a été faite sur des humains. Seulement, il faut préciser que les récepteurs CB2, tout comme les CB1, ne sont pas présents dans le foie, à l’état normal. Ils n’apparaissent qu’avec la fibrose, notamment au stade de la cirrhose, les CB2, sorte de molécule antifibrosante providentielle ! De là à conclure qu’un «bon pétard pourrait faire du bien à mon hépatite virale !», il n’y avait qu’un pas.
Or justement, cette deuxième étude, présentée à Berlin, explique par contre, que contrairement aux CB2, si les récepteurs CB1 sont activés, la production de fibrose (fibrogénèse) se retrouve augmentée. Seulement il faut rappeler qu’il n’y a pas que le cannabis qui permet d’activer ces récepteurs impliqués dans plusieurs processus. Ce serait trop simple. Or cette deuxième étude a permis de démontrer qu’en bloquant les récepteurs CB1, grâce à un antagoniste, on pourrait certainement réduire la fibrose hépatique. Une piste intéressante, si ça n’était pas que de la recherche in vitro en laboratoire. Il faut donc attendre de pouvoir mener des études sur l’humain avant d’affirmer quelques conclusions que ce soit en matière de consommation de cannabis et de réduction des risques pour des malades d’hépatites virales, ou même pour attendre de nouveaux traitements à base de cannabinoïdes ou d’antagonistes. Nous applaudissons les conclusions prometteuses et très prudentes de l’équipe du Dr Grenard.
lecture critique
Une présentation tragi-comique, toujours de l’Hopital Henri-Mondor de Créteil, a prétendu démontrer qu’une «consommation quotidienne de cannabis pour un malade chronique de l’hépatite C, peut être un facteur notoire de risque d’aggravation de fibrose». Pour cette étude aux conclusions non scientifiques, il faut alors citer au moins, les auteurs les plus connus : C. Hezode, F. Roudot-Thoraval, D. Dhumeaux, etc. et même hélas, le Dr P. Grenard.
Le Dr Hezode était déjà connu pour avoir publié les études sur la consommation quotidienne de tabac et l’aggravation de fibrose. Les résultats étaient tout juste significatifs, mais il paraissait acceptable de pouvoir inciter des malades à diminuer leur consommation, dans la mesure où nous sommes au cœur d’une politique de santé publique contre le tabac qui a porté ses fruits. En matière de cannabis, avant de se lancer à tout va dans la chasse aux sorcières, il faudrait déjà bâtir un discours de réduction des risques [[lire à ce sujet le dernier numéro d’ASUD Journal. Pour plus de précisions : le site d’ASUD www.asud.org ]]. Et ensuite analyser les politiques actuelles qui tiennent plus de l’hystérie que de la santé publique, n’en déplaise au Pr Reynaud, de Villejuif.
Ils ont recruté 211 patients de Créteil et des environs, car il s’agit d’une des meilleures régions de France pour mener des études sur les consommations quotidiennes de cannabinoïdes. Dans leur publication, l’équipe s’est contentée de faire une analyse multivariée pour savoir parmi ces malades quels peuvent être les facteurs d’aggravation de la fibrose, si en plus des facteurs habituels, on regarde la consommation de cannabis et sa fréquence. Mais ces doctes scientifiques ne sortent peut-être pas assez en ville, et peut être ne savent-ils pas que bon nombre de consommateurs quotidiens sont aussi des buveurs d’alcool réguliers, voire même que certains sont sous substitution ou consomment occasionnellement des amphétamines, chose qui n’est pas détaillée et qui n’a pas été clairement recherchée puisque «c’est des gens bien, vous savez !». La différence, c’est que pour nous même s’ils consomment ce sont à priori des gens bien. N’ayant donc pas séparé les fumeurs buvant de l’alcool et ceux n’en buvant pas, la consommation quotidienne de cannabis peut alors évidemment être un facteur de risque aussi significatif que l’alcool. L’équipe conclue donc qu’avec une consommation quotidienne de plus de trois joints de cannabis, il y a un risque quatre fois plus grand d’aggravation de fibrose, alors qu’avec 30 grammes d’alcool par jour, le risque serait seulement doublé !
Outre l’aberration de ces conclusions et l’ineptie de la méthodologie utilisée, les résultats obtenus ne sont en rien comparables à ceux du centre de recherche californien sur le cannabis thérapeutique, ou à ceux de leurs homologues hollandais, en matière d’aggravation de fibrose hépatique liée au cannabis, bien au contraire.
Quelques jours plus tard, lors de la journée des collectifs inter-associatifs du TRT-5 et du CHV à Paris, un des intervenants n’a pas hésité à rappeler que les produits hépatotoxiques à éviter sont surtout l’alcool, le tabac et le cannabis. À quand leur prochaine étude sur l’aggravation de fibrose liée à la consommation excessive de carottes !
Dans la salle, un électrochoc a fait réagir bon nombre de malades présents. Cette étude sur le cannabis et l’aggravation de fibrose, présentée à Berlin, ne semble être que le reflet des ambitions sarkoziennes de chercheurSEs en matiére de sécurité ou de budget. Il n’est pas le reflet d’un travail scientifique rigoureux et conséquent, permettant de conclure par des affirmations aussi nettes, en matiére de santé publique. Le cannabis est utilisé, de manière récréative ou en automédication, par 20% des malades d’hépatites virales, selon l’enquête nationale de SOS Hépatites, pour leur permettre de faire face aux troubles psychologiques et à l ‘épuisement lié à l’interféron. L’équipe du Pr Dhumeaux cherche juste à faire des recommandations sécuritaires, espérant sans doute grâce à cela, rentrer dans la cour des stars parisiennes de l’hépatologie.
Après des tentatives d’approche, nous espérons que l’équipe du Dr Hézode va relativiser l’interprétation de ses résultats, pourtant intéressants et prometteurs, une nouvelle communication plus détaillée et précise serait même la bienvenue. Les contacts entre Paris et Créteil seront-ils maintenant aussi plus clairs et plus simples. Le plus rapide était peut-être de passer par Berlin, selon eux.
Mais selon nous, avant de jouer à la course aux publications, encore faut-il avoir sondé ses bases, en l’occurrence, il s’agit, entre autres, de nous, les usagerEs de drogues, ceux et celles qu’on désigne dés qu’on parle d’hépatite C. Mais ceux et celles pour qui les médecins hésitent quand il s’agit d’initier un traitement, même ceux des CSST (Centre de soins spécialisé en toxicomanie). Un comble qui ne peut plus durer, maintenant que les financements des CSST ont été pérenisés par la Sécurité sociale. Il va y avoir du ménage d’ici la rentrée !