Lors de la conférence internationale du 6 septembre, le Fonds mondial n’a pas reçu de quoi continuer à financer de nouveaux programmes de lutte contre le sida en 2006-2007. Alors que le sida n’a jamais fait autant de morts que cette année, Act Up examine les raisons de ce catastrophique échec.
Le 6 septembre 2005 a eu lieu à Londres une conférence internationale visant à reconstituer du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme. En effet, le premier cycle de subventions au Fonds mondial, datant de 2002, s’est achevé comme prévu cette année, et les pays riches devaient reconstituer les réserves du Fonds afin qu’il puisse continuer à financer de nouveaux projets tout en pérennisant les programmes lancés depuis 2002.
La réunion de reconstitution du Fonds mondial, préparée depuis 2003, s’est soldée par un échec : alors qu’il s’agissait d’apporter 7,1 milliards de dollars au Fonds pour 2006-2007 (4,3 milliards pour le sida + 2,8 milliards pour la tuberculose et le paludisme), les pays riches n’ont promis que 3,7 milliards. L’insuffisance de cette somme signe l’arrêt immédiat du financement par le Fonds mondial de nouveaux programmes de lutte contre le sida dans les pays pauvres, et suffit à peine à éviter la cessation de paiement pour les programmes en cours.
Cet échec financier arrive moins de 10 semaines après la publication par l’ONU d’un rapport indiquant que ce sont 15 milliards de dollars qu’il faut trouver pour 2006 et 18 milliards pour 2007, si l’on entend enrayer la propagation du sida (sans parler des autres pandémies, la tuberculose et le paludisme). Ainsi, les 4,3 milliards de dollars que demandait le Fonds mondial pour la lutte contre le sida ne représentent même pas 15% des besoins pour 2006-2007 (in Resource needs 2005-2007, the Global Fund). L’échec de la reconstitution du Fonds mondial est ainsi d’autant plus amer que le Fonds avait fait preuve d’une extrême modestie dans ses ambitions financières.
Le désintérêt des Etats-Unis et des autres pays « généreux »
On attendait de la part les Etats-Unis qu’ils continuent à prendre en charge 30% des besoins du Fonds mondial , comme ils l’avaient fait depuis sa création (soit 2,2 milliards de dollars pour 2006-2007). Mais les Etats-Unis ont choisi, au contraire, de baisser leur contribution : elle s’établira dorénavant à seulement 8% des besoins du Fonds (600 millions de dollars pour 2006-2007).
Cette décision peut s’expliquer par le fait que les Etats-Unis sont aujourd’hui les seuls, parmi les grands pays industrialisés, à faire leur part de l’engagement international de 2001 d’arriver aux 10 milliards de dollars de ressources pour la lutte contre le sida en 2005. Le fait que les autres pays – dont la France – ne jouent pas le jeu sur les montants n’incite en effet en rien Washington, qui n’est déjà pas spontanément portée au jeu collectif, à mettre ses budgets sida au pot commun du Fonds mondial.
Regardons les chiffres : en 2005 les Etats-Unis ont budgété environ 2,4 milliards de dollars à la lutte contre le sida dans les pays pauvres, soit 0,020% de leur PIB. Par contraste, la France y consacre seulement 160 millions de dollars (chiffres MAE), soit 0,008% du PIB. Seule la Grande-Bretagne fait mieux que les Etats-Unis, avec 900 millions de dollars en 2005, soit 0,040% de son PIB. Dans ces conditions, il était inévitable que George Bush et Tony Blair préfèrent injecter leurs budgets sida dans des programmes bilatéraux dont ils ont la pleine maîtrise – et qui leur assurent un bénéfice politique direct – plutôt que pleinement financer le Fonds mondial.
Pour se défendre du reproche de pingrerie budgétaire, le gouvernement français affirme souvent qu’il est impossible de mobiliser les sommes nécessaires sans trouver de nouvelles recettes, par exemple à travers une taxe internationale. Pourtant, ramené au PIB, les 15 milliards de dollars nécessaires selon l’ONU en 2006 pour enrayer l’épidémie ne représentent que 0,06% du PIB du G7, et la Grande-Bretagne n’a pas eu besoin de recourir à de nouvelles taxes pour se mobiliser 5 fois plus que la France.
Le Fonds Mondial à l’agonie
Alors que le sida n’a jamais fait autant de morts que cette année (plus de 3 millions), le Fonds mondial n’a pas reçu de quoi financer de nouveaux projets en 2005. Dans ces conditions, l’avenir du Fonds est sérieusement menacé, comme en conviennent d’ailleurs ses principaux financeurs actuels, dont le gouvernement français. En effet, un Fonds mondial qui tournerait au ralenti n’aurait plus aucune raison d’être.
Ce sont pourtant bien les dirigeants du G8 qui ont créé le Fonds mondial, il y a seulement quatre ans, lors du G8 de Gênes. Cela ne les a pas empêchés cette année de prendre de nouveaux engagements contre le sida, encore plus ambitieux que les précédents : atteindre l’accès universel au traitement VIH d’ici 5 ans. Pour atteindre cet objectif, les dirigeants du G8 auraient dû commencer par pleinement reconstituer le Fonds mondial à l’occasion de la conférence du 6 septembre, et par pleinement financer l’initiative de l’OMS visant à mettre 50% des malades du sida sous traitement d’ici la fin de l’année 2005.
Dans ces conditions, Act Up-Paris ne peut que poser la question suivante : combien de temps, combien de millions de morts encore, avant que les dirigeants du G8 tiennent enfin leurs éternelles promesses financières en matière de lutte contre le sida ?