La réélection de Georges W. Bush est une catastrophe qui consterne les activistes du monde entier. L’administration républicaine est l’ennemi acharné des séropositifVEs et des malades du sida. Les financements américains dédiés à la lutte contre la pandémie servent à mettre en place des programmes de «prévention» fondés sur l’abstinence et la fidélité, dont on connaît l’inefficacité en termes de contrôle de l’épidémie. En outre, l’Administration Bush est inféodée aux intérêts de l’industrie pharmaceutique, qui finance en grande partie ses campagnes : d’où la politique des Etats-Unis en matière de propriété intellectuelle, ou leur volonté de bloquer toute possibilité d’échanges ou de production locale de médicaments génériques. Cette volonté se manifeste au cours des négociations sur les accords internationaux (comme avant le sommet de Cancun, en septembre 2003) ou dans les pressions qu’ils exercent par le biais d’accords bilatéraux encore plus contraignants pour le droit des génériques.
La responsabilité de George Bush ne doit pas faire oublier celle des autres dirigeants des pays riches : leur participation actuelle au financement de la lutte contre le sida est ridicule au regard des besoins, alors même que le Fonds mondial est quasiment en banqueroute. En France, il est impossible de savoir si la promesse de Jacques Chirac de verser 150 millions d’euros par an, somme de toute manière insuffisante, est tenue. Bref, les leaders du G8, George W. Bush et Jacques Chirac en tête, jugés pendant la conférence de Bangkok par un tribunal de malades, reconnus coupables de crimes contre les millions de malades du monde entier, continuent leur politique en toute impunité. Combien coûtent nos vies ? La question que nous posons à l’occasion du 1er décembre concerne plus particulièrement la situation des malades en France. Jamais un gouvernement n’aura fait aussi crûment comprendre que les malades et les handicapéEs coûtaient trop cher : augmentation du forfait hospitalier, mise en place d’un impôt forfaitaire sur la consultation médicale, contrôle purement comptable des protocoles de soins, accès restreint aux allocations pour handicapéEs. A chaque fois, ce sont les plus malades qui sont pénaliséEs. Plus vous avez besoin du système de soins, plus vous devez payer : telle est la logique de Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin et Philippe Douste-Blazy, sans compter l’ensemble des parlementaires UMP qui contribuent à démanteler toujours plus le droit des malades. Allons au bout de cette logique : si votre santé coûte si cher que l’Assurance maladie ne puisse plus la prendre en charge, et si vous n’avez pas les moyens d’acquitter ces frais, alors il serait plus économique que vous creviez. Que la droite se rassure, la situation des malades ne cesse de s’aggraver. Faute d’une surveillance globale, nous ne disposons toujours pas de chiffres fiables sur la mortalité liée au VIH. Mais il nous suffit de regarder autour de nous pour constater que les décès se multiplient. Cet été, en seulement trois mois, trois membres ou proches de l’association sont mortEs. Autant de disparitions en si peu de temps, cela ne nous était pas arrivé depuis 1996, et ces cas ne sont pas isolés. Les causes de décès ne cessent de se diversifier : infections opportunistes, cancers non classant sida (dont l’incidence peut être jusqu’à deux fois plus élevée chez les séropositifVEs), une ou plusieurs hépatites, accidents cardio-vasculaires, infections bactériennes, suicides, etc. C’est cette variété même des causes de décès qui n’est pas suffisamment étudiée et qui fait que la mortalité liée au VIH est aujourd’hui sous-estimée. Plus inquiétant encore, nous avons récemment perdu des amiEs ou des amantEs dont les indicateurs biologiques classiques étaient bons. Leur charge virale était indétectable, leur taux de CD4 correct. Le virus s’en est pris directement à leur cerveau, via le liquide céphalo-rachidien, entraînant encéphalite, coma et décès. Quel avenir avons-nous si la recherche n’avance pas assez vite pour contrer l’évolution du virus et protéger ses nouvelles cibles ? Il faut le réaffirmer sans cesse : les traitements contre le VIH ne sont pas anodins. Les séropositifVEs paient au prix fort leur efficacité, qui n’est en aucun cas définitive. Quels que soient les progrès effectués depuis des années, les traitements existants ne peuvent être pris une vie entière. Les effets secondaires sont trop lourds : diarrhées, nausées, vomissements, neuropathies (qui entraînent des douleurs insupportables au bout des membres et des terminaisons nerveuses), rash cutanés et autres problèmes dermatologiques, calculs rénaux, troubles du comportement, insomnies, cauchemars, déséquilibres de la répartition des graisses qui déforment les silhouettes et causent des accidents cardio-vasculaires, ostéoporoses qui provoquent des fractures spontanées, etc. Le sida n’est pas une maladie chronique. A Act Up-Paris, l’état de santé de nombre d’entre nous est préoccupant. C’est dans un tel contexte que la droite continue de dire que les malades et les handicapéEs coûtent trop cher. Le 1er décembre, Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin ou Philippe Douste-Blazy auront quelques paroles émues pour les malades du sida du monde entier. Ils parleront de «fléau», de «solidarité» et de «lutte contre les discriminations». Puis ils iront faire appliquer des mesures qui feront payer à ces mêmes malades le seul fait d’être malade. Le 1er décembre, la manifestation d’Act Up sera le point d’orgue d’une campagne qui lie actions publiques, communication, information et débats (lors d’une AG sur les droits des malades et des handicapéEs qui se tiendra le 29 novembre au FIAP) pour lutter contre le démantèlement de nos droits. Parce que la logique de l’UMP n’est pas une fatalité et peut être combattue.