Face aux nouveaux enjeux du sida, à la reprise des contaminations et à la précarisation des séropositifVEs, Act Up-Paris a choisi de placer deux générations de malades à la tête de son combat. Les militantEs d’Act Up-Paris, réuniEs en Assemblée générale le 26 mars 2006, nous ont élus Présidents de l’association. Sabrina Garnier et Vincent de Lapomarède ont été renouvelés dans leurs fonctions de Secrétaire Générale et de Trésorier.
Avec une co-présidence confiée à deux générations de séropositifs, il s’agissait pour nous de répondre à la diversité de celles et de ceux qui sont concernéEs par la maladie et d’organiser un passage de témoin. Contaminés à près de vingt ans d’intervalle, nous avons vingt ans de différence d’âge. C’est déjà deux générations : aujourd’hui celles et ceux qui sont concernéEs par l’épidémie n’ont pas nécessairement connu le début de l’histoire.Le vécu de la maladie change ; il devient plus divers, plus complexe. Il y a celles et ceux qui nous ont précédéEs et qui ne sont plus là pour en parler. Il y a celles et ceux qui ont connu les années d’hécatombe. D’autres, souvent les mêmes, qui ont participé à l’émergence des associations de lutte contre le sida. Il y a, tout au long de l’histoire de la maladie et encore plus aujourd’hui qu’hier, celles et ceux que la précarité condamne à mourir plus vite. Toujours, il y a le déni, la stigmatisation, le rejet, la peur… Tandis que dans les conférences internationales on célèbre les vingt-cinq ans de la découverte du virus ou les dix ans de l’arrivée des trithérapies, les acquis de l’activisme thérapeutique et les bouleversements positifs que l’irruption de cette maladie a imposés tant dans le monde médical que dans l’approche politique des minorités, sont en train d’être anéantis. Aujourd’hui, la plupart des malades ne trouvent plus leur place dans les associations et se retrouvent plus que jamais isoléEs, contraintEs au silence ou confrontéEs au pouvoir médical. Parce qu’on mourrait moins du sida, que le sida serait prétendument devenu une pathologie chronique, on cherche à banaliser ou relativiser cette maladie. Des cabinets ministériels jusqu’aux médias grands publics, on nous explique qu’il faudrait désormais rompre avec l’exceptionnalisme sida. Tout serait rentré dans l’ordre. Pourtant il n’y a jamais eu autant de séropositifVEs en France qu’en 2006 et nous n’accepterons jamais qu’autant de personnes puissent être contaminées chaque année. Si nous n’avons pas touTEs connu le début de l’épidémie, les séropositifVEs participent touTEs d’une même histoire. Celle de minorités qui, parce qu’elles sont méprisées ou exclues, pâtissent les premières de l’épidémie de sida. Celle de l’incurie des politiques publiques nationales et internationales pour faire face à la pandémie. Le mandat de cette nouvelle équipe coïncide avec le lancement de la campagne pour les élections présidentielles. La lutte sans merci à laquelle se livrent certainEs pour la tête de l’Etat laisse entrevoir la haute tenue du débat politique qui nous attend. Le cynisme d’un Nicolas Sarkozy n’hésitant ouvertement plus à ratisser sur le terrain de l’extrême droite en s’en prenant aux étrangerEs donne la nausée. A gauche, l’arrivisme d’un des principaux responsables de l’affaire du sang contaminé ayant pour un temps tourné court, d’autres ambitions se sont fait jour. La frilosité, le conservatisme très « collier de perles » et l’absence d’envergure de celle que touTEs désignent comme présidentiable n’en sont pas moins effarants. On peine à croire que pour l’unE comme pour l’autre le sida puisse jamais constituer une urgence politique. Dans un contexte où certainEs veulent faire croire qu’il est possible de lutter contre la propagation du sida en usant de logiques répressives ou de la ségrégation, on les voit mal s’engager à mettre en œuvre une politique de prévention ambitieuse et sans pudibonderie. Cependant, cette campagne qui débute plus tôt qu’à l’accoutumée, mobilisera entièrement l’espace médiatique. Les présidentielles ont toujours été l’occasion d’arracher quelques victoires. Nous ne pourrons rien faire d’autre que d’encore mener campagne. C’est-à-dire inscrire à l’agenda politique de tous les partis la lutte contre la précarisation des malades du sida et des minorités exclues des soins et des politiques de prévention.