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Pour la première fois, en plus de quinze ans de lutte contre le sida, Act Up-Paris s’allie à une agence de communication pour produire une campagne d’interpellation destinée au grand public. Le constat, partagé par touTEs les acteurRICEs, d’un retour en arrière dans la perception de la pandémie nous oblige à repenser nos modes d’intervention et il nous impose d’abord de nous faire entendre. De toute urgence.

— Le sida ne vous concerne pas ?

— Bien sûr que non. Le sida c’est pour les putes, les tox et les pédés… à la limite les blacks. Moi, je suis blanc, normal et moderne. Et en plus je suis baptisé. J’ai rien contre le revival 80’s mais soyons sérieux… Mettre une capote ? Et pourquoi pas mater un porno en VHS ?

Le sida c’est fini, le sida c’est les autres. C’est en tout cas le sentiment qui se propage insidieusement depuis l’apparition des trithérapies. Une épidémie d’illusion qui nourrit la réalité du désastre jour après jour. Face à des chiffres mondiaux toujours plus apocalyptiques (mais toujours plus immatériels et désincarnés) les consciences s’usent et les pratiques se relâchent. Au point qu’en France, les contaminations repartent et repartent vite : 6 000 nouveaux diagnostics en 2004, 7 000 en 2005. Au point même que la perception de cette maladie devenue fantomatique s’accompagne d’un retour à l’ignorance, à la stigmatisation et au rejet.

Depuis 2004 se multiplient les affaires judiciaires contre des séropositifVEs ayant contaminé leurs partenaires. Cette judiciarisation de la maladie pose au moins trois problèmes. Le premier est celui de la stigmatisation des séropositifVEs qui deviennent, par ces procédures, les seulEs responsables de la propagation du virus. Le second c’est l’idée qu’il y aurait des séropositifVEs victimes (les femmes hétérosexuelles essentiellement) et les séropositifs potentiellement coupables ou qui l’ont, dans tous les cas, bien cherché : putes, pédés, droguéEs, étrangerEs… Le dernier problème, le plus aberrant en terme de prévention, c’est l’illusion que la confiance et la sincérité seraient des outils de prévention efficaces. Une très grande part des contaminations est évidemment le fait d’un statut sérologique méconnu. A cet égard, l’idée de se protéger par la « parole vraie » est une dérive particulièrement dangereuse.

Tant que nous aurons un sexe, le sida nous concernera. C’est ce que dit cette première campagne signée CLM/BBDO pour Act Up-Paris. Conçue par Fred Lutgé et Dimitri Guerassimov, réalisée gracieusement par le photographe Rankin, elle rappelle que le sida est là, qu’il est l’affaire de touTEs, qu’il est une maladie et non une tare réservée à ce que l’on recommence à appeler des « groupes à risques ». Les deux visuels de cette campagne sont visualisables dans le cahier central du numéro 102 de Action et téléchargeables sur l’une des pages dédiées à la prévention de ce site. Plusieurs publications, dont Libération dans son édition du 30 mars 2006 et les Inrocks du 2 mai, ont d’ores et déjà répondu à l’appel pour nous soutenir dans cette lutte. Et vous ?