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Sur son site web, Act Up-Paris rendra compte du déroulement de la conférence : chroniques quotidiennes des sessions rédigées par les militants membres de la commission Traitements & Recherche de l’association présents sur place ainsi que des images des actions et interpellations qu’elle mènera à Toronto.
Du 13 au 18 août prochains, se tiendra à Toronto la XVIème conférence mondiale sur le sida. Elle réunit des milliers de personnes autour de la lutte contre la pandémie : chercheurs, politiques, médecins, représentantEs de milieux artistiques, culturels, religieux, représentants de l’industrie pharmaceutique… et les malades. Historiquement, les activistes ont dû se battre pour que soit reconnu aux personnes vivant avec le VIH, pourtant les premières concernées, le droit de participer à ces conférences.
Cette année, dix militantsE d’Act Up-Paris participeront à la conférence de Toronto. Celle-ci sera l’occasion de développer les trois moyens d’action qui ont toujours fait la force d’Act Up-Paris : le recueil et la diffusion d’informations (en participant aux sessions scientifiques comme intervenants ou auditeurs) ; le lobby sur les très nombreux responsables nationaux et internationaux qui seront présents ; et enfin l’action publique, quand il est nécessaire de mettre en évidence les responsabilités ou lorsque les négociations sont bloquées. Enfin, ce rassemblement sera bien sûr l’occasion de mettre notre action en synergie avec les activistes du monde entier, d’échanger des informations, de tisser des liens et de joindre nos forces.
Les militants d’Act Up-Paris présenteront deux exposés oraux lors de sessions :
– Dans le cadre de la session «
Ethical Issues in Clinical Trials: Tenofovir and Beyond», le mardi 15 août à 16h15, Hugues Fisher (co-président d’Act Up-Paris) et Fabrice Pilorgé (TRT-5) présenteront une communication intitulée « Influencer les processus législatifs et leur mise en œuvre pour renforcer l’éthique dans la recherche ».
– Dans le cadre de la session «
Accelerating Research: Approaches that Work », le jeudi 16 à 12h45, Olivier Heinis interviendra sur « Responsabilités de l’Etat, de la communauté et du secteur privé dans l’éthique de la recherche : retour sur les récents essais anti-CCR5 ».
Sommaire du dossier
Les sujets prioritaires que nous nous sommes fixés sont les suivants avant les échanges que nous aurons avec les autres associations de malades sur place :
L’accès aux traitements dans les pays du Sud
La taxe UNITAID
Le Ministre de la Santé et le préfet en charge des négociations sur UNITAID seront tous deux présents à la conférence de Toronto pour faire la promotion de cette initiative
Depuis le 1er juillet dernier, quelques euros sont prélevés sur chaque billet d’avion acheté en France. Les sommes collectées devraient servir à acheter des médicaments pour soigner les malades du sida, de la tuberculose et du paludisme. Il s’agit là d’une initiative française. On imagine les bénéfices en terme d’image que pourra en retirer le gouvernement français lors de la conférence.
Pour Act Up-Paris, cette initiative ne peut avoir d’intérêt pour les malades des pays pauvres qu’à certaines conditions — qui ne sont, à ce jour, pas toutes remplies :
Cette nouvelle taxe ne doit pas dédouaner la France de ces engagements financiers vis-à-vis de la lutte contre le sida. Or, en juin 2001, les nations les plus riches s’étaient engagées à financer cette lutte à hauteur de 10 milliards de dollars par an, mais les engagements de la France, comme ceux de ces autres pays, n’ont jamais été tenus.. En 2006, les besoins s’élèvent à 15 milliards de dollars (18 milliards pour 2007, d’après les chiffres ONUSIDA). Cela n’empêche pourtant pas Philippe Douste-Blazy, ministre français des Affaires Etrangères, d’affirmer « [qu’]
en matière de solidarité internationale, la France a fait mieux, beaucoup mieux, que respecter sesengagements » .
Nous attendons donc du gouvernement français qu’il réponde de cette crise , et qu’ils et elles s’engagent pour que la France paie à hauteur des engagements pris en juin 2001. En aucun cas, la taxe UNITAID, qui ne peut être considéré que comme un apport
nouveau d’argent, liée à une
nouvelle taxe, ne doit désengager le gouvernement français des responsabilités qu’il a ouvertement prises envers les malades des pays pauvres.
L’argent issu de la nouvelle taxe doit être utilisé de la façon la plus efficace et rationnelle possible. Mais, motivé par l’unique souci d’être prêt à communiquer pour le discours de lancement par Jacques Chirac en septembre prochain à l’ONU, UNITAID choisit de s’intéresser à des programmes ‘‘vendeurs », mais qui n’ont pas besoin de son aide (comme la question de la transmission mère-enfant), pour ignorer des domaines moins médiatiques mais pour lesquels elle pourrait être pourtant plus utile (comme l’accès aux examens biologiques).
Ainsi, le document de présentation d’UNITAID indique que l’organisation aura pour objectif en 2007 d’acheter suffisamment de médicaments pour doubler le nombre de femmes enceintes dans les pays pauvres bénéficiant d’un traitement de Prévention de la Transmission du VIH de la Mère a l’Enfant (PTME). Or, le premier problème de l’accès à la PTME ne réside pas dans le médicament lui-même (il est d’ores et déjà possible d’y accéder gratuitement par les programmes « nevirapine gratuite » des laboratoires Boehringer-Ingelheim et Cipla) mais dans le manque de personnel qualifié pour les dispenser. Et UNITAID ne fera rien pour payer le personnel compétent qui saura dispenser les médicaments envoyés d’Europe, et rien n’est prévu pour protéger les femmes des discriminations liées à leur statut sérologique.
Aujourd’hui, de nombreux programmes d’accès au traitement indiquent que c’est moins le prix des médicaments que le prix des examens biologiques qui constituent le premier blocage à l’inclusion de nouveaux malades dans les programmes d’accès aux soins. Alors que les trithérapies les moins chères sont disponibles pour seulement 10 euros par mois en version générique, les examens biologiques coûtent encore environ 200 euros ; ces examens sont pourtant indispensables, puisque ils permettent de connaître la séropositivité de la personne, son degré d’avancement dans la maladie, ou l’efficacité des médicaments qui lui sont prescrits.
Act Up-Paris a interrogé les responsables d’UNITAID afin de connaître les décisions qui ont orienté ses objectifs 2006/2007 et qui pourraient justifier de tels choix incohérents. UNITAID a reconnu qu’il aurait été nécessaire de mener des études pour déterminer les domaines dans lesquels ce programme aurait une efficacité maximale. Un travail qui aurait nécessité plusieurs semaines mais qui n’est pas compatible avec le calendrier politique et médiatique de Jacques Chirac.En effet, ce dernier veut être en mesure d’annoncer, pour son discours à l’Assemblée Générale de l’ONU le 19 septembre prochain, qu’UNITAID sera effectif au 1er octobre 2006. Quand la rigueur et l’efficacité doivent laisser la place au spectacle.
Le financement par les pays riches
Le contexte
Plus de 40 millions de personnes sont contaminées par le virus du sida, et celui-ci, en 25 ans, a déjà tué 25 millions de femmes, d’hommes et d’enfants.
En juin 2001, une session spéciale de l’ONU consacrée au sida avait défini les montants nécessaires pour contrôler la pandémie au niveau mondial. Les nations les plus riches, la France en tête, s’étaient engagées à financer la lutte contre le sida à hauteur de ces besoins.
La réalité des promesses de la France et des pays riches
Les pays du G8 n’ont pas tenu leurs promesses. Par exemple, l’initiative lancée par l’OMS de mettre sous traitement 3 millions de personnes en 2005 a été un échec, avant tout faute de financement.
Au sommet du G8 de Gleneagles, en juillet 2005, les leaders du G8 se sont engagés à tout mettre en oeuvre pour atteindre, d’ici à 2010, l’accès universel au traitement du sida.
Mais, en août 2005, l’ONUSIDA a publié officiellement son évaluation des moyens à mettre en oeuvre pour stopper la progression de la pandémie du sida d’ici 2008 . Cette étude évaluait les besoins à 12 milliards de dollars pour 2005 et à 15 milliards pour 2006. Elle précisait qu’en 2005, seuls 8 milliards de dollars étaient budgétés. Pour passer à 15 milliards en 2006, il aurait donc fallu qu’en 2006, les budgets soient augmentés de 7 milliards. Or, les promesses des pays riches permettent d’espérer moins de 1 milliard supplémentaires en 2006. Rappelons que 7 milliards de dollars ne représentent que 0.03% du PIB 2005 des 7 pays les plus riches (27 000 milliards de dollars par an, chiffre OCDE).
Revendications
Qu’en 2007, les gouvernements du G8 tiennent enfin leurs engagements financiers. D’après le rapport «
Ressource Needs »publie par ONUSIDA en août 2005, il faut 18 milliards de dollars pour juguler la pandémie en 2007. En raison du sous-financement actuel, cela nécessite d’apporter en 2007 10 milliards de dollars supplémentaires par rapport aux 8 milliards estimés disponibles en 2006. Seuls les pays riches sont en mesure de mobiliser ces 10 milliards. Or, la France concentre 6% du PIB de l’OCDE (chiffres mai 2006). La France doit donc augmenter sa contribution a la lutte mondiale contre le sida de 600 millions de dollars entre 2006 et 2007.
Le mode actuel de répartition de la charge du financement de la lutte mondiale contre le sida, qui repose sur des contributions volontaires ad hoc des gouvernements, est un échec. En effet, chaque pays donateur met en avant les points fort de sa contribution à l’aide internationale pour affirmer que ce n’est pas à lui de mettre a niveau sa contribution à la lutte mondiale contre le sida. Pour sortir honorablement de cette logique d’échec, les pays riches doivent se mettre d’accord sur un mode de répartition de la charge du financement de la lutte mondiale contre le sida (en d’autres termes « qui paye combien »), par exemple en fonction de la part de chacun dans le PIB de l’OCDE.
Avant la fin de son mandat, Jacques Chirac devrait être à l’initiative d’une réunion des chefs de gouvernement de l’OCDE visant à avaliser un mode de répartition de l’aide extérieure pour la lutte mondiale contre le sida.
La propriété intellectuelle et le recours aux génériques
Cadre général
La concurrence avec les génériques est indispensable pour faire baisser les prix des médicaments de marque, et par là-même traiter toujours plus de malades. Malheureusement, les antirétroviraux les plus efficaces ont été découverts après l’entrée en vigueur des accords de l’OMC, en 1995. Ils sont donc soumis aux brevets partout dans le monde, ce qui empêche la concurrence et bloque l’accès des plus pauvres aux médicaments génériques.
Le contexte légal
Pourtant, l’
accord ADPIC/TRIPS (1994) sur la propriété intellectuelle prévoit, en son article 31, qu’un gouvernement peut, lorsque l’intérêt public l’exige, supprimer le monopole lié à un brevet, en échange du paiement d’une redevance au breveté. C’est ce que l’on appelle en droit français la licence d’office. Toutefois, l’alinéa (f) de l’article 31 limite la possibilité d’exporter les produits fabriqués sous licence d’office.
La Déclaration de l’OMC sur l’ADPIC et la Santé Publique (2001) précise que l’ADPIC doit être interprété d’une manière favorable à l’accès de tous aux médicaments, et que chaque Etat Membre de l’OMC reste libre de déterminer en droit national les circonstances donnant lieu à l’émission d’une licence d’office.
Les Décisions de l’OMC du 30 août 2003 et du 6 décembre 2005 instituent une procédure dérogeant à l’alinéa (f) de l’article 31 de l’ADPIC, censée permettre le commerce international de médicaments fabriqués sous licence d’office.
La réalité
Ces dispositifs, qui devraient permettre une meilleure circulation des génériques, ne se concrétisent pas. Pourquoi ? Avant tout à cause des pressions des Etats-Unis, premier lobbyiste de l’industrie pharmaceutique de marque. Ces pressions prennent souvent la forme d’accords commerciaux bilatéraux avec des pays en développement (PED) qui contiennent des clauses bloquant l’application de l’accord de Doha sur les licences d’office. Ces clauses sont assorties de menaces de rétorsion économique en cas de transgression. Les États-Unis utilisent ces accords pour faire connaître a l’ensemble des PED leur sincère position sur les licences d’office, et les extrémités commerciales auxquelles ils sont prêts a aller pour punir leur utilisation.
D’où un cercle vicieux : d’un côté, les génériqueurs (c’est-à-dire les fabricants de traitements génériques) ne veulent pas investir dans le développement de versions génériques de produits brevetés mondialement avant d’être sûrs que ces génériques pourront effectivement être commercialisés. Ils attendent donc que les PED aient émis des licences d’office sur ces brevets. De l’autre côté, aucun gouvernement de PED ne veut émettre de licence d’office pour l’importation d’un produit tant que ce produit n’a pas encore été développé, ce qui peut prendre entre 18 et 36 mois.
Aucun PED ne représente un marché assez important pour justifier, à lui seul, le développement d’un nouveau produit par un génériqueur. En effet, pour espérer rentabiliser leurs investissements, les génériqueurs ont besoin de gros volumes et de vastes marchés, couvrant un nombre élevé de pays.
C’est pourquoi l’émission d’une licence d’office par un seul pays n’est pas suffisamment incitative pour les génériqueurs ; ils ont besoin que plusieurs pays ouvrent leur marche en émettant des licences d’office sur les mêmes médicaments avant de pouvoir rationnellement se lancer dans le développement de versions génériques de ces produits.
Revendications
Nous demandons au gouvernement français, et notamment au ministre des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy, de
réunir les ministres de l’Industrie et de la Santé des pays en développement déterminés à faire usage en 2006 des licences d’office et des autres flexibilités obtenues à l’OMC. Cette réunion devrait aboutir à l’émission simultanée par ces pays de licences d’office pour l’importation ou pour la fabrication d’antirétroviraux génériques dans le pays d’exportation.
L’organisation de cette réunion internationale permettrait de:
- Renforcer la capacité des pays en développement à oser prendre le risque de déplaire à Washington sur la question de l’application de l’accord de Doha, grâce au partage de l’opprobre entre l’ensemble des pays participant à l’émission simultanée.
- Ouvrir à la concurrence une part importante du marché international des antirétroviraux.
- Crédibiliser les avancées réalisées au niveau de l’OMC en matière d’accès aux médicament comme étant des avancées réelles, plutôt que de simples avancées sur le papier.
- Inciter les génériqueurs à s’engager sur un calendrier précis de développement de versions génériques des antirétroviraux les plus utiles et les moins abordables.
- Inciter les ministres de la Santé à assumer jusqu’au bout la logique de la préqualification des génériques par l’OMS, en instituant au niveau national l’autorisation d’office de mise sur le marche des médicaments pré-approuvés par l’OMS.
Logique d’actionnaire ou logique de malades : le développement du Norvir® Meltrex par Abbott
En France, Abbott est sur le point d’obtenir une autorisation de mise sur le marché pour une nouvelle formulation du Kaletra® qui pourra être conservé à température ambiante, le Kalétra® Tablets (formulation Meltrex). Mais rien n’est prévu pour le Norvir® (ritonavir). Pire, nous avons le sentiment qu’Abbott retarde la distribution de la forme non réfrigérée du Norvir®.
La galénique du Kaletra® (combinant en une seule gélule : lopinavir et ritonavir) couramment utilisée aujourd’hui doit être conservée au frais, il en va de même pour les gélules de Norvir® (ritonavir) également fabriquées par Abbott. Le Norvir® est pris majoritairement pour booster une antiprotéase associée dans le traitement antirétroviral.
La fonte des gélules
Les gélules du Norvir® (et aussi celles du Kaletra®) peuvent se conserver en dehors d’un réfrigérateur en dessous de 25°C pendant un mois. Mais au-delà de 25°C, elles fondent et deviennent inutilisables. Il faut donc les conserver au réfrigérateur ou temporairement dans un sac isotherme. Le stockage de Norvir® devient impossible dès lors qu’il fait plus de 25°C et que l’on ne dispose pas de réfrigérateur. Or, ces températures sont fréquemment dépassées durant l’été dans les immeubles des régions tempérées (Paris, par exemple). De même, pour de nombreux malades en situation précaire (sans logement, etc), tous les traitements avec une antiprotéase boostée sortent de l’arsenal thérapeutique disponible.
De plus, se pose la question de la confidentialité pour ceux qui partagent un appartement (avec parents ou amis), et qui désirent ne pas révéler leur séropositivité en raison des risques de rejet, la présence obligée des boites de traitements dans le réfrigérateur commun pose problème. Le conditionnement actuel du Norvir n’est pas approprié. Ce sont en effet 4 grosses boites qu’il faut entreposer dans le réfrigérateur. Par ailleurs, pour les malades ayant à se déplacer dans des régions chaudes, la poursuite de leur traitement devient vite problématique, obligeant certains à les interrompre, avec le risque de l’émergence de résistance au traitement. Par ailleurs, la solution du Norvir® en sirop, qui n’a pas besoin de réfrigération, peut être utilisée temporairement , mais son goût infect n’encourage pas l’observance au traitement et a un impact plutôt négatif sur la qualité de vie. Il va sans dire que dans les pays chauds, ou bien peu disposent d’un réfrigérateur, l’usage du Norvir® et du Kaletra®) devient absolument impossible. Dès lors, les possibilités de traitement puissant et efficace se réduisent comme peau de chagrin.
Le Kaletra® et après ?
La nouvelle formulation de Kaletra®, « Kaletra Tablets » (forme sèche, par le procédé Meltrex : melt extrusion technology) est une réponse partielle au problème. Le Kalétra Tablets se présente sous forme de cachets insécables. Abbott espère, avec lui, fidéliser les malades sous traitement confrontés à ces problèmes de conservation. Mais le problème reste entier pour ceux prenant une autre anti-protéase que le Kaletra, et ayant aussi du Norvir pour potentialiser son effet. Hélas, au lieu d’exemplarité, Abbott persiste à dénier les carences du Kaletra®, et continue de freiner le développement de la galénique non réfrigérée du Norvir®, qui pourrait être appréciable à tout points de vue pour ceux prenant le Norvir® avec une anti-protéase autre que celle d’Abbott.
Abbott ne vise donc qu’à renforcer son monopole sans tenir compte de l’intérêt des malades.
La mauvaise conscience des managers
Le
statu quo des dirigeants d’Abbott sur le Norvir® est motivé par de bas calculs de rentabilité. D’une part, le monopole du Norvir® leur permet une rente sur sa prescription comme booster. D’autre part, ils comptent, naïvement, imposer Kaletra® face aux autres antiprotéases, étant donné que les revenus financiers d’un traitement par Kaletra® sont supérieurs au Norvir® à faible dose. Ce choix commercial, au détriment de la santé des malades, engage les représentants du laboratoire à tenir une communication d’évitement fondée sur le mensonge visant à justifier le retard de la forme sèche du Norvir®.
Rappelons que Abbott avait multiplié par 5 le prix du Norvir, avec pour justificatif le financement du développement du Norvir Tablets (forme seche) ; aujourd’hui nous attendons toujours !!!
Depuis 2003, Abbott mène les malades en bateau. Aujourd’hui, il prétend que la forme Meltrex est difficile à stabiliser au-delà de 50 mg de ritonavir Mais pourquoi n’ont-ils pas choisi de fabriquer les nouveaux composés de Norvir® avec un dosage réduit à 50 mg ?
Abbott prétend aussi, sans apporter aucun chiffre pour étayer ce propos, que le Norvir® est peu utilisé comme booster, afin de mettre en doute la valeur des demandes qui leur sont directement adressées. Cette logique comptable fait abstraction de tous les séropositifs qui ont besoin du Norvir® mais qui ne peuvent l’utiliser tant que celui-ci nécessite d’être réfrigéré. Ainsi, bien que ce ne soit pas recommandé, Reyataz® (atazanavir) est souvent pris sans Norvir®, ce qui augmente les risques de résistances et d’échecs virologiques. Par ailleurs, les chiffres des prescriptions en France montrent que le Norvir® est bel et bien de plus en plus utilisé, et que l’importance de cette utilisation est liée à l’augmentation des traitements par antiprotéases autres que Kaletra®. Et on peut constater que le nombre de traitements par Kaletra® diminue sensiblement alors que l’utilisation de son premier concurrent, le Reyataz®, augmente tout aussi sensiblement.
On comprend dès lors que tous ces efforts pour laisser le Norvir® forme sèche en « stand by » et plutôt communiquer en grande pompe sur le Kaletra Tablets fait partie d’une stratégie un peu désespérée d’Abbott pour contrecarrer la vive concurrence du Reyataz®.
Au cours d’une réunion avec les membres du TRT-5 (plateforme regroupant 8 associations traitant du thérapeutique VIH), le 16 juin 2006, des représentants d’Abbott France ont indiqué que si un laboratoire qui fabrique une antiprotéase concurrente le leur demandait, ils seraient prêts, tout comme pour le Kaletra®, à développer un comprimé combinant les 2 molécules. Cette annonce est bien tardive puisque personne ne le savait jusqu’à présent…
Pourtant, le Norvir® Tablets est plus simple à fabriquer que du Kaletra® Meltrex ou toute autre combinaison sèche entre du ritonavir et une seconde antiprotéase. L’accès au Norvir® Tablets d’ici moins d’un an dépend donc uniquement de la volonté d’Abbott. Le plus tôt sera le mieux pour les malades.
Essais sur les personnes : pas d’éthique sans mobilisation
La lutte des personnes séropositives, malades du sida, a montré que la recherche sur le VIH était d’autant plus efficace que celles et ceux qui en faisaient l’objet connaissaient le sujet, les enjeux, individuels ou collectifs, les bénéfices et les risques des études auxquelles ils collaborent. L’éthique de la recherche — donc le droit des personnes incluses dans les essais à ne pas être de simples cobayes, mais des acteurs/actrices à part entière de la recherche — ne s’oppose en rien à l’efficacité, y compris financière, d’une recherche dictée par l’urgence. Au contraire, chaque remise en cause de ces droits retarde toujours plus l’arrivée de nouvelles solutions aux problèmes toujours nouveaux que l’épidémie pose. Cette évidence est perpétuellement remise en cause dans les pays du Sud comme on l’a vu lors des essais ténofovir menés sur des prostituées africaines et cambodgiennes mais elle reste même fragile dans les pays du Nord et nécessite une mobilisation permanente des malades.
En 2004, à Bangkok, le problème des essais préventifs dans le Sud avait largement occupé l’actualité. Les essais visant à évaluer l’intérêt du ténofovir en usage préventif posaient de nombreux problèmes et notamment :
– un « counseling » individuel (incitant à l’usage du préservatif) très contestable du fait qu’il était assuré par les promoteurs même de l’essai et non par une instance indépendante.
– l’absence de prise en charge complète des personnes séropositives dépistées à l’entrée ou pendant l’essai (suivi médical, traitements contre les infections opportunistes, antirétroviraux si nécessaire).
La question de l’éthique dans la recherche s’est posée vivement à deux reprises depuis lors. En France, Act Up-Paris s’est mobilisée afin de modifier les protocoles de plusieurs essais qui pouvaient mettre en péril la santé des participants. Ainsi, l’essai Induma du laboratoire BMS, qui visait à évaluer une stratégie thérapeutique d’induction / maintenance pouvait provoquer un échappement virologique des participants et donc des résistances aux traitements, si des dosages plasmatiques n’était pas pratiqués. Des modifications ont été apportées pour les participants français, mais BMS n’a pas réajusté la configuration de l’essai dans les autres pays où l’essai était conduit.
Les essais anti-CCR5, parce qu’ils étaient au cœur d’une course à la molécule entre laboratoires, ont également nécessité une mobilisation importante de l’ensemble des associations françaises. Les laboratoires Schering Plough, GlaxoSmithKline et Pfizer ont tenté de mettre en place des essais qui ne tenaient pas compte des normes admises sur le taux de CD4 des participants naïfs. Les deux premières firmes ont finalement renoncé à poursuivre ces essais suite aux graves problèmes rencontrés par certains participants. L’hépato-toxicité de la molécule de GSK a par exemple nécessité une transplantation du foie chez une patiente asiatique. Pourtant, Pfizer, dernier laboratoire à poursuivre son essai, a continué d’inclure massivement des malades sans se soucier des risques pourtant réels pour le devenir de leur santé. Le symposium sur les anti-CCR5 organisé par Pfizer quelques heures avant le début de la conférence nous éclairera peut-être sur la stratégie particulièrement opaque de ce laboratoire.
Nous continuerons à condamner la tenue d’essais n’offrant pas les garanties nécessaires de sécurité pour l’ensemble des personnes incluses dans la recherche. Toronto sera l’occasion pour Act Up-Paris de le rappeler.
La réduction des risques liés à l’usage de drogue et la disponibilité des produits de substitution en France et dans le monde
La Réduction des risques (RDR) sera un des points centraux de cette conférence de l’IAS. Sans compter les sessions satellites, 14 sessions et ateliers aborderont les questions de la prévention et des traitements au sein de la population des usagers de drogues. Pour Act Up-Paris, ces questions ont été récemment phagocytées par la perspective du classement en France du Subutex comme produit stupéfiant.
Le débat soulevé par cette proposition de la MILDT (Mission interminisérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie) est pour l’instant resté très centré sur les conséquences que cette modification aurait au niveau national. C’est donc sans doute à l’occasion de la conférence de Toronto que seront soulevées l’impact néfaste de cette décision au niveau international. Et notamment chez ceux qui sont en phase d’élaboration d’une politique de réduction des risques liés à l’usage de drogue.
En Europe de l’Est et en Asie, l’usage de drogue par voie intraveineuse demeure le principal vecteur de contamination. Il est donc urgent de convaincre les pouvoirs publics locaux de l’efficience des traitements de substitution compte tenu des résultats obtenus là où ils ont été déjà diffusés. Dans ce contexte, de nombreuses voix se sont élevées dans la communauté internationale pour dénoncer ce projet de mesure , qui ferait revenir la France en arrière et compromettrait fortement la promotion des traitements de substitution. Une grande partie des acteurs et chercheurs, qui se sont mobilisés seront présents à Toronto, au premier rang desquels Alex Wodak qui interviendra lors de la toute première séance plénière.
Nous exigerons donc du ministre français de la Santé Xavier Bertrand, à qui revient la décision finale de classer ou non le Subutex en stupéfiant, et qui sera présent à la Conférence, de profiter de ce moment pour annoncer l’abandon définitif d’un tel classement.
Mais au-delà de cet enjeu très précis, la conférence de l’IAS sera également l’occasion de dresser un état des lieux des perspectives positives (notamment les pratiques novatrices, le développement de l’auto-support), des réalités et perspectives catastrophiques de l’épidémiologie et des nouveaux besoins qui se profilent. L’épidémie de VIH parmi les usagers de drogues n’a jamais été aussi dynamique, nous devons désormais nous pencher de toute urgence sur l’évolution fulgurante de « l’autre épidémie » qui les frappe de plein fouet, celle du VHC et de la coinfection VIH/hépatites. En France, les cirrhoses hépatiques pourraient causer 10 000 morts dans les 3 à 5 ans à venir sans qu’aucune mesure gouvernementale ne montre une quelconque prise en compte de cette nouvelle catastrophe. Qu’en sera-t-il dans 5 ans dans des pays qui interdisent toujours l’échange de seringues et où les épidémies explosent conjointement ?
La prise en charge de la coinfection VIH-hépatites virales
La prise en charge de la coinfection VIH-hépatites virales est aujourd’hui considérée comme étant à un carrefour ; celui de deux épidémies répondant à des logiques et des spécialités médicales différentes. Pourtant, pour les malades coinfectés, c’est bien une seule et même réalité qui s’impose : celle de la survie face à la dégradation accélérée de leur état de santé et notamment à la survenue des cirrhoses. Cette réalité vécue doit de toute urgence être comprise et intégrée par les politiques de santé publique à l’aune des catastrophes épidémiologiques annoncées. Et ce n’est pas le programme de cette conférence de Toronto (qui ne consacre qu’un seule session à la coinfection) qui démentira cette nécessaire prise de conscience.
La prise en charge des cirrhoses chez les séropositifs VIH
En France, depuis 2001, l’INVS en s’impliquant dans l’enquête nationale « un jour donné » avait déjà confirmé qu’environ 40 % des co-infectéEs VIH-VHC étaient au moins en pré-cirrhose, soit une hépatite sévère (Métavir>F3). Avec la mise à jour de cette enquête INVS datant de 2005 et l’étude CPAM sur la prévalence du VHC et VHB, on estime qu’il y aurait environ 8 000 co-infectéEs VIH cirrhotiques, en 2005, en France. Ces chiffres alarmants reflètent le retard de prise de conscience des enjeux d’une prise en charge précoce des hépatites virales chez les séropositifVEs VIH.
Les trois quarts des co-infectéEs ont été contaminéEs par injection de drogues, même si bon nombre sont aujourd’hui d’ex-injecteurs. Plusieurs études, par contre, ont démontré qu’ils ont toujours une forte consommation d’alcool, de psychostimulants et de médicaments psychotropes hépatotoxiques. La prise en charge des co-infectéEs est donc une spécialité nécessitant plus que jamais la compétence d’équipes multidisciplinaires. Aujourd’hui en France, ces équipes se sont mises en place. Mais sans thérapeutiques nouvelles, plus efficaces et moins toxiques, aucun progrès majeur ne permettra d’enrayer l’hécatombe annoncée. Le Dr Pascal Melin, vice-président de la fédération SOS-Hépatites, a déclaré, suite au symposium ANRS sur la prise en charge des cirrhoses chez les séropositifs VIH : «
L’évolution vers la cirrhose est une fois et demie plus fréquente en cas de co-infection, et pourrait être la cause de 10 000 décès au cours des trois années à venir ! ».
Mais c’est aussi du côté de l’industrie pharmaceutique qu’il nous faut nous tourner (haut et fort) pour espérer un retournement de cette situation. En effet, plusieurs molécules sont actuellement à l’étude, qui semblent largement porteuses d’espoir mais qui tardent à être accessibles aux malades. En clôture du symposium de l’ANRS sur la co-infection, son nouveau directeur, Jean François Delfraissy déclarait : «
Aujourd’hui nous avons dans les pipelines, trois nouvelles molécules à portée de main, il faut que les associations de malades et les activistes nous aident impérativement pour les obtenir au plus tôt ! ».
Comme pour l’arrivée précoce des antiprotéases contre le VIH, les « activistes sida » doivent maintenant exiger l’ouverture d’essais compassionnels et d’ATU pour les nouvelles molécules contre les hépatites virales B et C. Et exiger des agences du médicament et de l’industrie pharmaceutique qu’elles anticipent la mise en place d’une chaîne de production et de distribution suffisante.
Transplantation hépatique pour les séropositifves VIH
Lors de la conférence internationale de consensus sur la co-infection, le Pr. Miro de Barcelone nous révélait que le délai moyen de survie, sur 109 co-infectéEs espagnolEs ayant eu une première complication de cirrhose, était d’environ 14 mois. C’est-à-dire juste le temps nécessaire à la préparation d’une transplantation, à condition qu’il ne s’agisse pas d’un groupe sanguin trop rare. Au point qu’en Espagne, le taux de décès en liste d’attente de transplantation était de 64 % chez les co-infectéEs, comparé à 17 % chez les mono-infectéEs. À cause de l’immunodéficience, la première décompensation de cirrhose chez les co-infectéEs met déjà en jeu le pronostic vital à très court terme. À partir de plusieurs études internationales, le Pr. Miro estimait en juillet 2005, qu’entre l’Europe de l’ouest et l’Amérique du nord, il y avait déjà environ 8 700 co-infectéEs ayant déjà décompensé leur cirrhose, nécessitant donc une transplantation en urgence. Alors que, depuis 1998 , ce sont à peine 300 transplantations hépatiques qui ont été réalisées sur des personnes coinfectées.
En France, les derniers résultats en matière de transplantation pour des co-infectéEs VIH-VHC, confirment que suite à la transplantation, la réinfection du greffon est particulièrement rapide et sévère. Dans la cohorte française de 33 coinfectéEs, deux ans après la transplantation, un tiers étaient déjà en cirrhose. Le Pr Didier Samuel a récemment publié une alerte sur les grandes difficultés pour arriver à programmer suffisamment tôt une transplantation hépatique chez les co-infectés.
Il est donc clair que les transplantations pour les co-infectéEs relèvent toujours du domaine de la recherche clinique. Malgré les efforts pour combiner les traitements anti-rejet à base d’immunosuppresseurs avec des trithérapies antirétrovirales, les chercheurs doivent aujourd’hui déterminer comment mettre en oeuvre une bithérapie à base d’interféron au plus tôt, afin de limiter la survenue d’une cirrhose. Il n’est dans tous les cas pas raisonnable de présenter aujourd’hui la transplantation comme une solution envisageable pour les 8 000 co-infectéEs cirrhotiques, en France, dont environ 1 000 à 2 500 auront besoin d’une transplantation avant 2010. Mais cela ne doit pas empêcher de développer des stratégies qui permettent d’améliorer le dispositif, puisque celui-ci demeure aujourd’hui la seule chance de survie pour les malades.
Depuis quinze ans, l’Espagne a prouvé que seule une décision politique courageuse privilégiant les dons d’organes en cas de décès, et donc la vie et la santé publique, face aux seules volontés familiales, permet de doubler le nombre de greffons disponibles. À population comparable, l’Espagne fait trois fois plus de greffes du foie que la France.
Même si les pionniers en la matière ont déjà commencé à former d’autres centres, seule la constitution d’un réseau national suffisamment doté de moyen permettra d’impliquer tous les centres de greffe sur la co-infection en bénéficiant de l’appui des associations de malades du sida et des hépatites virales. L’exemple est donné par l’Espagne et les Etats-Unis, qui ont déjà mobilisé plusieurs dizaines de centres dans leur nouveau réseau national de transplantation pour les co-infectéEs. En France, rien n’est encore officiellement annoncé dans ce sens.
À l’échelon international, l’IAS doit aujourd’hui être à l’initiative d’un réseau mondial de coordination des différents protocoles d’essais nationaux de transplantation hépatique pour les co-infectéEs, afin de minimiser les effets néfastes de la compétition entre équipes scientifiques.
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