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On a d’abord voulu croire que l’épidémie n’était pas sexuée, ou du moins que la différence de genre n’était pas un facteur constitutif de problèmes graves : c’est pourtant le contraire qui se confirme au fil des années. Comme ce fut le cas pour d’autres minorités, le sida fonctionne comme un révélateur des discriminations envers les femmes.
En mars dernier la commission femmes d’Act Up organisait une Assemblée Générale des femmes, qui réunissait des associations de lutte contre le sida, des groupes féministes et des femmes séropositives afin de les mobiliser sur les différents aspects de l’épidémie et de sensibiliser les féministes à un combat qu’elles ont particulièrement négligé.
On sait aujourd’hui que les femmes sont huit fois plus sensibles au sida que les hommes, pour des raisons à la fois biologiques et socio-économiques.
Les femmes séropositives manquent en règle générale d’informations sur les essais, sur les effets secondaires des traitements, sur les troubles gynécologiques causés par le VIH, sur les problèmes hormonaux liés au sida.
Alors qu’elles sont de plus en plus nombreuses à être touchées par l’épidémie, elles souffrent toujours d’un retard considérable dans leur prise en charge, notamment thérapeutique. Ce n’est pourtant pas leur nombre, toujours croissant actuellement, qui empêche d’entreprendre des études sérieuses sur les spécificités féminines de l’infection à VIH, mais un manque d’intérêt permanent, qui vient aussi de l’idée générale que les corps peuvent être traités sans prendre en compte la différence des sexes.
Les stratégies thérapeutiques ignorent toujours de fait la féminisation de l’épidémie. Pourquoi la recherche ne s’intéresse-t-elle pas plus aux maladies opportunistes des femmes ? Pourquoi les dosages des traitements sont-ils les mêmes alors que les morphologies sont différentes ? Il suffit de voir la différence des effets secondaires chez les hommes et chez les femmes (notamment les lypoatrophies et les lipodystrophies), pour soupçonner que les traitements n’ont pas été adaptés ni conçus en prenant en compte cette différence. Pourquoi les femmes ne sont-elles pas massivement intégrées dans les essais thérapeutiques ? Pourquoi les gynécologues ne sont-ils pas davantage formés à la question du VIH et au suivi spécifique qu’il impose ?
Il ne s’agit plus seulement de s’alarmer de la féminisation de l’épidémie, à l’instar des pouvoirs publics. C’est l’ensemble de la communauté scientifique, des institutions et des industries pharmaceutiques, qui doit la prendre en compte et agir en conséquence. Il est aujourd’hui urgent de faire le point sur l’épidémie de sida chez les femmes, et sur les difficultés rencontrées tant du côté des femmes séropositives que de celui des médecins. C’est le but de ce numéro spécial de Protocoles, que de commencer au moins à défricher cette question.