« Mais où est Abbott ? ». C’est la question du jour. AffoléEs par la colère générale que leur comportement suscite chez les malades de Thaïlande, des Etats-Unis, en passant par la France, ou encore l’Afrique du Sud, les responsables du laboratoire n’ont pas osé installer de stand. A l’emplacement qu’ils et elles ont réservé, en payant, et pas qu’un peu, on trouve simplement quelques chaises, des tables et des canapés. Aucune enseigne, aucun document, aucune publicité idiote, aucun produit de merchandising imbécile – rien de ce qui fait la dignité d’un stand de labo. Si les gens d’Abbott pensent pouvoir fuir ainsi leurs responsabilités et éviter de répondre aux malades, grand bien leur fasse. Ils et elles montrent ainsi que nos reproches sont parfaitement fondés. Et nous saurons bien les trouver, à un endroit ou à un autre, pour obtenir des réponses.
Des actions ont déjà ponctué ce premier jour. Les interventions des Bills, Gates et Clinton, ont été interrompues par des militantEs américainEs et sud-africainEs, brandissant des blouses blanches, et réclamant que la formation de nouveaux professionnels dans les pays du sud soient incluses dans les politiques de financement public ou privé. Il s’agit là d’un enjeu vital, sur lequel nous allons être amenéEs à travailler en profondeur, car le manque de professionnelLes contribue à bloquer l’accès aux médicaments.
Nous avons aussi participé à une manifestation organisée par Act Up-New-York, Philadelphia, Health Gap et d’autres activistes américainEs, dénonçant la politique de prévention de Bush, et le PEPFAR, le plan de financement de la lutte contre le sida, qui finance des programmes fondés sur l’abstinence et la fidélité, dont on sait depuis 20 ans qu’ils sont inefficaces. Avoir à défendre ce point de vue encore en 2006 en dit long sur la régression que connaît la lutte contre le sida au niveau mondial. La manifestation s’est tenue devant, et au-dessus du centre média (la passerelle surplombe les journalistes, ce qui nous offrent un lieu particulièrement favorable pour attirer l’attention). On a pu voir les vigiles affolés, au lieu de laisser le picketting se dérouler en laissant monter et descendre les manifestantEs, bloquer les escalators, provoquant un embouteillage particulièrement dangereux à ce point du centre de conférence. Et dire que les organisateurs se sont doté d’une politique de sécurité…
Sessions du matin
Le lobby fait aussi partie de notre activité. Les représentants des gouvernements de la France, du Brésil, du Royaume-Uni et du Chili ont reçu les associations présentes à la conférence afin d’exposer les dernières avancées de leurs négociations sur UNITAID, et d’entendre nos commentaires et revendications concernant cette initiative.
Un désaccord est très vite apparu entre les associations et les gouvernements, portant sur l’exigence des activistes qu’UNITAID annonce clairement qu’elle cherchera à lever les brevets sur les antirétroviraux si ceux-ci empêchent les pays pauvres d’accéder aux médicaments les moins chers.
Le représentant brésilien a tenté alors de convaincre les activistes que mieux valait être ambigu au sujet des brevets, afin d’éviter que les laboratoires pharmaceutiques ne s’efforcent de tuer UNITAID. Nous avons tenté de lui expliquer que de tels efforts sont en cours, dans la mesure où UNITAID affiche l’intention de faire baisser les prix des antirétroviraux – les laboratoires pharmaceutiques n’ont pas besoin d’en savoir plus pour s’y opposer.
Face à ce désaccord, la réunion s’est terminée par l’annonce du représentant français, Jean Dussourd, que de toute façon les gouvernements impliqués dans UNITAID ne recherchent pas forcément le soutien des associations.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette réunion s’est mal passée. Mais vous en saurez plus demain…
Une petite session satellite a traité de l’accès des usagèrEs de drogues aux traitements anti-rétroviraux. Les chiffres sont là : 10% des nouvelles contaminations sont liées à l’injection de drogues et ce groupe celui qui subit les plus importantes discriminations dans l’accès aux antirétroviraux. Elle acueillait notamment nos soeurs russes de Frontaids et a été l’occasion de faire un point accablant sur la situation là-bas.
Sessions de l’après-midi
Autre session d’importance, celle intitulée « Sex workers, HIV and human rights ». Des travailleuses du sexe ou des personnes travaillant dans des services de soutien, venues de tous les coins du monde, présentaient le résultat de leurs activités. Résultats positifs, qui montrent à quel point la lutte contre le sida ne peut se faire sans l’amélioration des droits des personnes marginalisées. Sentir à ce point l’empowerment et la participation des travailleurSEs du sexe fait vraiment du bien. Deux ans après Bangkok, où nous avons dû nous battre contre l’essai préventif de Gilead du Ténofovir, il est par exemple impressionnant de voir une travailleuse du sexe cambodgienne présenter les résultats du combat qu’elles ont continué de mener depuis dans une session officielle de la conférence. Et il est intéressant d’apprendre qu’au Mali, les sex workers s’appellent elles-mêmes « les femmes libres ».
Dernière session de la journée avant les activités nocturnes : une session sur « medias et sida », introduite par la superstar Richard Gere, qui a été pour nous l’occasion de demander publiquement à touTEs les journalistes de ne pas rendre compte de manière erronée ou trop enthousiaste des résultats de la recherche présentés lors de la conférence – comme cela avait été le cas à la CROI de 2003, avec la présentation, dangereusement déformée par le Parisien, de la recherche sur les vaccins thérapeutiques.
Après 20 heures, certainEs d’entre nous sont partiEs à la réunion quotidienne avec les autres activistes. Les autres se sont renduEs à la sauterie de l’ANRS où ils ont pu assister à une petite heure de congratulations mutuelles entre Xavier Bertrand, Michel Kazatchkine et Jean-François Delfraissy. Elle a surtout été l’occasion de mettre un peu la pression au Ministre et à ses conseillerEs sur ce qui nous semblait important de développer au cours de sa conférence de presse du lendemain.