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Le 24 février 2000, la Direction générale de la santé (DGS) envoyait à tous les responsables de Programme d’Echanges de Seringues (P.E.S.) une note concernant les “ conséquences pour les usagers de drogues par voie intraveineuse (UDVI) de la suppression des seringues graduées à 40 unités à compter du 30 mars 2000 ”.

Quelques mois plus tôt, la décision a été prise au niveau européen de changer les normes de concentration de l’insuline pour les diabétiques : à volume égal, la proportion de principe actif devient deux fois et demi supérieure. En conséquence, et pour prévenir les risques de surdosage, la contenance et la graduation des seringues à cet usage ont également été modifiées. Elles feront désormais 1 centimètre cube et ne seront plus graduées en Unités d’Injection (UI) avec un capuchon rouge, mais en millilitres et avec un nouveau capuchon orange,… très tendance.

Il se trouve que le matériel d’injection des diabétiques et des UDVI est le même. La seringue de 2 centimètres cubes (dite “ 2 cc ”) est, entre autre, utilisée par les usagers de drogues pour l’injection de cachets et de médicaments.

Des circulaires de la DGS ont donc été envoyées aux professionnels susceptibles d’utiliser ou de diffuser du matériel d’injection stérile, afin de les informer de ces modifications. Elles stipulent notamment que : “ En ce qui concerne les seringues de 1 ml, le changement de graduation n’aura pas de conséquences sur la pratique des UDVI puisqu’ils ne suivent pas la graduation pour doser leurs produits […] les seringues de 2ml graduées à 40 UI disparaîtront du marché et ne seront pas remplacées par de nouvelles seringues à contenance équivalente. ”.

Les seringues de 2 cc faisaient jusqu’ici partie de la palette de réduction des risques, et bien elles n’en feront plus partie. Pour la DGS, c’est aussi simple que cela. Que les usagers de drogues s’adaptent ou qu’ils crèvent.

Dans les programmes d’échanges de seringues, les responsables, soucieux des usagers, n’ont pas envoyé au pilon leur stock de seringues 2 cc comme les DDASS le leur demandaient au mois de février. Tous ont cru qu’une solution de secours allait rapidement être mise en place par l’État. Aujourd’hui, la plupart des réserves sont épuisées. Dans ce contexte, la diminution du nombre de contaminations chez les usagers de drogues par voie intraveineuse risque de n’être bientôt qu’un souvenir… Parer à l’urgence avec les moyens du bord, c’est peut-être ce que Nicole Maestracci appelle le “ succès de la réduction des risques à la française ” ?

Ayant interrogé les différents responsables institutionnels et associatifs (DGS, DDASS, MILDT, …), nous constatons qu’après huit mois l’inertie reste de mise. Les fonds nécessaires n’ont toujours pas été débloqués pour permettre aux fabricants privés de maintenir un site de production, dans l’attente d’une solution à long terme – en concertation avec les pouvoirs publics, le syndicat des fabricants de seringues et les associations d’usagers de drogues.

Nicole Maestracci s’est engagée auprès d’Act Up-Paris à  » tenter de mettre au point une réunion de travail «  avec l’ensemble des partenaires avant le 1er décembre afin de prendre une décision concernant la mise à disposition des seringues 2 cc et de profiter de la médiatisation de cette journée pour faire passer des consignes claires et précises.

En attendant, depuis début novembre, la DGS et le producteur Beckett & Dickinson ont réussi à mettre à disposition un stock de dépannage de seringues de 3 cc serties avec une aiguille plus grosse. Toutes les informations complémentaires sont disponibles à la DGS ou directement auprès du fournisseur. Ce nouveau modèle est en cours d’évaluation, les résultats ne sont pas encore disponibles. Suite à ces changements de graduation, de contenance, de repères et de modèle de seringues, une nouvelle campagne d’information et de prévention des risques à l’attention des injecteurs est impérative – comme cela a été le cas pour les diabétiques.