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Depuis la rédaction du projet de loi, il y a deux ans, la Couverture Maladie Universelle prête le flanc à toutes nos critiques. Comment se satisfaire, en effet, d’un dispositif qui, censé offrir une couverture maladie aux plus démunis, exclut les sans-papiers, limite le remboursement des soins coûteux – inaccessibles aux plus pauvres – et se tourne résolument vers les groupes d’assurances dont nous connaissons les pratiques discriminatoires à l’égard des malades. A l’origine de bon nombre des effets les plus pervers de la mise en place de la CMU se tient la fixation du plafond de ressources.

En dessous de ce plafond, la prise en charge est gratuite. Par contre, si vous touchez plus, vous devrez cotiser pour être affilié au régime général (à hauteur de 8% du montant des ressources dépassant le plafond) et pour bénéficier d’une complémentaire assurant la gratuité des soins les plus coûteux – la cotisation complémentaire pouvant se faire auprès d’une Caisse d’Assurance Maladie, d’une mutuelle ou d’un groupe privé.

De janvier à octobre 2000, ce plafond était fixé à 3 500 francs par mois. Les bénéficiaires de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) (3 580 francs par mois) en sont désormais de leur poche, alors qu’ils étaient, avant la mise en place de la CMU, sous le régime d’une aide médicale dont les conditions étaient fixées par chaque département. Dans une trentaine d’entre eux, ils avaient droit à une aide totalement gratuite, qui incluait la couverture des soins les plus coûteux et le remboursement du forfait hospitalier. Aujourd’hui, la CMU représente pour eux une véritable régression. Ainsi, au lieu de fixer le plafond de ressources de la Couverture Maladie Universelle en s’inspirant des dispositifs départementaux les plus avantageux, le gouvernement a aligné ce seuil au niveau le plus bas.

Sous la pression des associations, le gouvernement a été contraint de faire une première concession en prolongeant le dispositif de l’aide médicale gratuite jusqu’au 1er novembre 2000. Ce délai écoulé, il a annoncé le report de cette mesure jusqu’en mai 2001. Par ailleurs, le plafond de la CMU a été revalorisé à 3 600 francs, donc au-dessus du montant actuel de l’AAH. Mais ces mesures restent nettement insuffisantes. Nous savons pertinemment qu’en janvier l’AAH sera, comme tous les ans, revalorisée. Elle dépassera alors à nouveau le plafond de la CMU. Par ailleurs, le gouvernement ne prolongera pas, même à titre exceptionnel, le dispositif de l’aide médicale gratuite. C’est pourquoi seule une vraie revalorisation du plafond de la CMU, largement au-dessus de l’AAH, permettra d’assurer à tous les allocataires la gratuité des soins.

De nombreux témoignages nous sont arrivés qui prouvent que des Caisses Primaires d’Assurance Maladie (chargées du calcul des ressources permettant de statuer sur le droit à la CMU gratuite) gonflent les revenus des demandeurs, notamment par les allocations logement, afin de les obliger à cotiser.

Bref, tous se félicitent de la rapidité de mise en place de la CMU et de son “ succès ” sur le terrain, cependant qu’une partie de la population est écartée, sans information. Les allocataires de l’AAH ont été informés qu’ils devraient cotiser, sans savoir à partir de quand, sans qu’on ne leur donne une liste d’organismes complémentaires auprès desquels ils pourraient s’adresser. A Paris, la CPAM du 16ème arrondissement a “ oublié ” de préciser à la mère d’une personne gravement malade qu’elle pouvait cotiser pour une complémentaire auprès de sa Sécurité sociale. Le numéro vert mis en place par la Sécu pour répondre aux questions sur la CMU reste injoignable. Et la Caisse Nationale d’Assurances Maladie, de même que le Secrétariat d’Etat refusent de nous informer sur l’évolution du dispositif.

Pendant ce temps, les propositions des groupes d’assurances affluent auprès des associations de précaires et de malades. Tel groupe accorde pour une cotisation de 190 francs par mois la prise en charge de 30 jours de forfait hospitalier sur l’année. Tel autre propose pour 100 francs supplémentaires une formule qui couvre 90 jours d’hospitalisation. L’application actuelle de la CMU oblige les bénéficiaires à spéculer sur l’évolution de leur état de santé et de leur besoin en hospitalisation pour rentabiliser au mieux leurs cotisations ; bref, à se livrer à un pari tout à fait obscène, a fortiori lorsqu’il s’agit de personnes atteintes d’un handicap lourd, à l’évolution incertaine, comme l’infection à VIH. De leur côté les pouvoirs publics prétendent que cette situation ne fait aucune différence avec la couverture maladie classique.

Ainsi, sous couvert d’universalité et d’harmonisation nationale, c’est au contraire un système au cas par cas qui se met en place. Et pendant que le gouvernement bricole de petits aménagements ponctuels pour calmer les associations, les départements se voient contraints de céder à la pression de certaines d’entre elles et de mettre en place des dispositifs ad hoc pour assurer la gratuité des soins. C’est notamment le cas à Paris ou dans les Hauts-de-Seine. Dans le même temps, tous, du gouvernement à la Sécurité sociale, en passant par la Mutualité française ou Médecins Sans Frontière, chantent les louanges de la CMU.