Beaucoup de malades du sida sous traitement – même sous bithérapie – se plaignent d’effets secondaires sur leur physique. D’après les médecins, il est encore difficile de savoir quelles molécules provoquent quelles réactions, mais plusieurs études laissent entendre qu’une classe de molécules en particulier pourrait être responsable des lipoatrophies : les analogues nucléosidiques.
Le Zérit plus précisément, qui constitue pourtant un traitement efficace, est plus souvent incriminé que les autres. Les effets secondaires en question sont d’abord des lipoatrophies du visage : la fonte des « boules de Bichat » (provoquant des trous dans les joues), des tempes, des paupières (donnant l’« œil creux »), ou des pommettes, qui donne un aspect proéminent à l’arcade sourcilière et entraîne une émaciation générale du visage (dénommée « ptose du faciès » par les médecins). Certains malades en arrivent à ne plus se reconnaître dans leur miroir. Mais le reste du corps n’est pas épargné. Les destructions de graisse touchent également les cuisses, les fesses, les épaules, les bras. Cette perte de masse lipidique s’accompagne souvent d’une perte de masse sèche qui accentue l’amaigrissement de certaines parties du corps.
Pour tenter de reprendre du muscle, certains d’entre nous prennent des anabolisants. D’autres ont interrompu leurs traitements convaincus très souvent qu’ils ne pouvaient pas en parler avec leurs praticiens et chercher avec eux des solutions. Et il est vrai qu’il semble à l’heure actuelle impossible d’inverser le processus. La modification, voire l’arrêt des traitements sur six mois ou sur un an n’y changent rien.
Mais ne désespérons pas. Il existe actuellement deux méthodes pour redonner à votre visage sa jeunesse et sa beauté d’antan.
Technique de Colemann
La première technique, dite technique de Colemann, consiste à utiliser de la matière grasse en provenance d’autres parties du corps : on prélève de la graisse dans le ventre ou dans le dos, pour la centrifuger puis l’injecter dans les joues. Cette opération est assez douloureuse, mais efficace. Elle nécessite une hospitalisation, une anesthésie générale et un arrêt maladie d’au moins une semaine – des inconvénients majeurs quand on travaille et qu’on aimerait que l’opération passe inaperçue. Cette intervention, qui entre dans les codifications des accidents appelant à une chirurgie réparatrice de la Sécurité Sociale, est prise en charge à 100 %. Sans cela ce serait une intervention coûteuse, notamment à cause des IRM nécessaires pour suivre l’évolution de l’injection et s’assurer que la matière grasse ne descend pas dans le cou. La CNAM a récemment cherché à remettre en cause cette pratique à Saint-Louis, à Rothschild et à Ambroise Paré, mais les médecins sont déterminés à poursuivre ces interventions. Les traitements sont en effet responsables d’effets secondaires, il est par conséquent légitime que les malades du sida aient accès gratuitement à la chirurgie réparatrice.
New Fill
Pour les malades qui n’ont pas de graisse en quantité suffisante, un produit de comblement peut être utilisé. Le New Fill [[Nous n’avons actuellement que six mois de recul pour évaluer ce produit dans cette indication. Mais à ce jour, aucun problème n’a été signalé. Ceux d’entre nous qui l’ont essayé en sont contents. On peut souligner aussi au passage que cette intervention n’a aucune incidence sur la charge virale ou le taux de CD4.]] du laboratoire Biotech est par exemple une molécule connue depuis la fin des années cinquante, qui bénéficie d’un agrément à la GEMED en qualité de prothèse (les prothèses n’étant pas considérées comme des médicaments, elles ne sont pas soumises aux Autorisations de mise sur le marché (AMM), mais requièrent des procédures d’homologation spécifiques). Cette molécule a une durée de vie limitée (entre six et dix-huit mois). Elle a la particularité de provoquer la fabrication de collagène, une protéine naturelle qui vient se substituer au New Fill , mais pour une durée limitée seulement et dans des quantités variables. Au bout d’un an et demi, le produit se résorbe totalement. Il ne s’agit donc pas d’une intervention définitive.
La technique actuelle, mise au point par le Dr Patrick Amard, consiste à injecter le New Fill dans les zones du visage à traiter à l’aide d’aiguilles de diverses tailles afin de répartir le produit à plusieurs niveaux de profondeur. Les piqûres sont très supportables et un anesthésiant peut être rajouté si nécessaire. Pour les personnes très sensibles, il est possible d’utiliser un gel anesthésiant quelques heures avant les injections en prenant bien soin de couvrir la zone à traiter. Les injections prennent en moyenne une dizaine de minutes. Des pansements froids sont ensuite posés pendant environ un quart d’heure. Quelques saignements sont possibles et plus rarement l’apparition d’hématomes qui s’estompent en quelques jours. Il est ensuite possible de reprendre une vie normale, en évitant toutefois de retourner au travail le jour même si on veut éviter les questions, car le visage est un peu gonflé juste après l’opération.
Un essai débuté à Paris en avril 2000 par la Pr. Katlama a recruté cinquante patients – 49 hommes et une seule femme. Les inclusions sont terminées, mais le suivi doit s’étendre sur deux ans. Dans le cadre de ce protocole, l’acte médical et le produit sont gratuits.
Pour les autres, comme celles et ceux qui ont postulé, mais qui n’ont pas été retenus à cause d’une charge virale supérieure à 5000 copies, ou qui ont changé récemment de traitement, reste la possibilité de se procurer New Fill en officine. Le kit est vendu contre la modique somme de 1200 Francs environ (prix variable suivant les officines car aucune réglementation n’est imposée). Il est ensuite possible de se faire injecter le produit par un dermatologue maîtrisant la technique. L’acte coûte entre 2000 et 3000 Francs par séance. Environ trois séances sont à prévoir pour une personne » normalement atrophiée » (quatre à cinq séances en cas d’atrophies majeures). Mais certains dermatologues bien connus sur la place de Paris injectent un demi kit par séance pour forcer leurs patients à renouveler l’acte, vu le prix, donc méfiance.
– Le problème majeur de cette intervention est donc son coût, quand il est à la charge du patient. La chirurgie réparatrice serait-elle réservée à l’usage des malades qui ont de la graisse ou qui ont de l’argent ?!
Act Up demande l’accès gratuit au New Fill pour tous ceux et celles qui le désirent, et la prise en charge financière totale des interventions beaucoup de malades n’ayant que l’AAH comme revenu. Ou en d’autres termes : un agrément spécifique et la prise en charge par la CPAM du produit comme de l’intervention chirurgicale, dans le cadre du 100%. En outre, il est impératif que les femmes soient systématiquement inclues dans ces essais thérapeutiques.