L’année a mal débuté au Togo. La pénurie de réactifs a déjà commencé, et pour l’instant, aucun bailleur de fonds n’a prévu le financement de tests de dépistage.
Certes, la Coopération française a créé et financé le premier CCD (Centre de Conseil et de Documentation – sorte de CDAG assorti d’une bibliothèque) du pays, permettant l’accès au dépistage anonyme et gratuit dans la capitale. Mais, jugeant son contrat rempli, elle se décharge aujourd’hui totalement du projet et estime que c’est au Ministère de la Santé de prendre le relais. Cette attitude est d’autant plus irresponsable que la Coopération française sait pertinemment que le Ministère de la Santé togolais n’a pas les budgets nécessaires. Mais pour les français, il est temps de passer à autre chose : pourquoi ne pas aller faire un tour dans le reste du pays, voir où en sont les structures hospitalières ? Dans ce domaine, la Coopé à de l’expérience : il lui a fallu trois ans pour s’apercevoir que l’hôpital qu’elle faisait rénover n’avait pas d’eau. En attendant que les bailleurs se réveillent, le CCD privé de réactifs deviendra un beau centre de documentation où les togolais pourront s’informer en attendant de se faire un jour dépister. En cas d’opération, il leur faudra également prendre leur mal en patience ou accepter le risque de se faire transfuser avec du sang non testé.
Alertée, l’Union européenne, quant à elle, réfléchit à la façon de trouver rapidement de l’argent. Elle réfléchit depuis déjà deux mois. En attendant, plus de dépistage. Plus de sécurité transfusionnelle. Car l’Union européenne, comme tous les bailleurs de fonds du Togo, est en état de veille : en langage diplomatique on appelle ça une « période d’accompagnement du processus ». Chacun attend le prophétique positionnement de la Banque mondiale qui elle-même ne se prononcera qu’après avis du Fonds monétaire international (FMI). Ce dernier souhaite mettre en place un « shadow program » dans les six prochains mois, programme qui stipule que le gouvernement s’engageant auprès du FMI doit être encore en place au terme de son exécution. La condition préalable à toute collaboration est donc l’organisation de vraies élections « démocratiques ». Pour cela, la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante, qui au Togo s’appelle la CEN) doit plancher au moins six mois. Le processus électoral togolais doit se mettre en place dès maintenant pour que des élections aient lieu à l’automne prochain. Soyons optimistes : si les élections ont lieu en octobre-novembre, le nouveau gouvernement pourra être nommé d’ici la fin de l’année 2000. La collaboration gouvernementale avec le FMI commencerait dont début 2001 et n’aboutirait que six mois plus tard. Les vacances aidant, on peut compter sur un vrai retour des bailleurs de fonds pour la rentrée 2001 !
Mais rassurons-nous : l’Union européenne ne cesse de répéter que le domaine de la santé ne pâtira pas de ces mises en veille. En attendant, son dernier programme s’est terminé au 31/12/99. Le prochain (en cours d’élaboration en avril dernier) a été entièrement repris : car le sida doit être intégré dans le programme santé – il a fallu 15 ans pour s’apercevoir que la lutte contre le sida était aussi une affaire de santé dans les pays du Sud et non une simple action de prévention. Aux dernières nouvelles, il ne débutera pas avant la mi-2001. D’ici là, la population peut se contaminer tranquillement, sans risquer d’apprendre sa séropositivité.