Il y a deux ans, le groupe interassociatif TRT-5 mettait en garde les laboratoires pharmaceutiques et la communauté scientifique contre un important risque d’échec thérapeutique à court terme pour plusieurs milliers de personnes. Cette mise en garde n’a pas été prise au sérieux. Aujourd’hui, pour 8 000 personnes en France, l’ensemble des médicaments disponibles n’est plus efficace. L’immunité de ces malades s’effondre (moins de 200 CD4), leur charge virale devient incontrôlable (plus de 30 000 copies), ils risquent alors de développer ou développent déjà des maladies opportunistes.
La rapidité avec laquelle ces échappements sont survenus aurait dû succiter une réaction rapide des pouvoirs publiques et des laboratoires pharmaceutiques. Ces derniers n’ont pas pris en compte cette urgence dans le plan de développement de leurs nouvelles molécules. C’est une fois de plus les malades qui ont dû monter au crénau pour accélérer le processus.
La mobilisation des associations a effectivement contraint l’Agence Nationale de Recherche sur le Sida (ANRS), l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) et le ministère de la Santé à réagir.
En juillet dernier, l’ANRS s’engageait à élaborer des protocoles thérapeutiques et à organiser rapidement des essais cliniques afin d’évaluer l’effet des nouvelles molécules sur des personnes en échec thérapeutique. Des promesses à moitié tenues puisque les protocoles promis pour septembre ne sont toujours pas finalisés. L’AFSSPS promettait, elle, d’accélérer la mise en place d’ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation) pour les médicaments concernés, en lien avec les essais de l’ANRS.
Ce dispositif d’urgence implique d’obtenir des laboratoires suffisamment de produits pour l’alimenter. Jusqu’à présent ce n’est pas le cas. Depuis plusieurs mois, les rencontres entre laboratoires et associations se multiplient : les firmes pharmaceutiques reconnaissent effectivement un retard dans le développement de leur produit, mais elles refusent d’envisager une accélération de leur production.
Aussi, début novembre, sous la pression des associations, le ministère de la Santé, prenait enfin contact avec les laboratoires pharmaceutiques, espérant qu’un coup de fil du ministre déciderait ces industries à prendre en compte l’urgence et à revoir leur plan de développement commercial.
Après de longues tergiversations l’ABT 378[[ Lopinavir/r, commercialisé sous le nom de Kalétra®.]] du laboratoire Abbott est maintenant disponible en quantité suffisante. Cette bonne nouvelle est cependant relative. En effet, pour les personnes en échec, l’adjonction d’un seul nouveau produit à une ancienne thérapie ne suffit pas. Une seconde nouvelle molécule est au minimum indispensble afin que le traitement soit assez puissant et permette d’abaisser une charge virale très élevée.
A ce jour, on compte plusieurs molécules profilées pour des malades lourdement prétraités et qui peuvent donc être intéressantes pour les personnes en échappement. Certaines font déjà l’objet d’essais cliniques : le F-dda de US Bioscience, le PMPA (ténofovir) de Gilead, le Tipranavir de Pharmacia & Upjohn, le T20 de Trimeris. Si US Bioscience vient de suspendre son essai thérapeutique de phase II pour cause de toxicité du F-dda, les trois autres molécules pourraient être disponibles rapidement.
L’objectif pour les malades reste donc de maintenir la pression sur les laboratoires pharmaceutiques afin :
– qu’ils fassent une demande d’ATU auprès de l’AFSSPS, dès que les essais de phases II ont démontré l’intérêt de leurs molécules.
– qu’ils prévoient des quantités suffisantes de produits pour les malades en échec thérapeutique.