Les pouvoirs publics et les médias auraient bien voulu entendre Act Up-Paris clamer les louanges de la nouvelle campagne de communication prévention sida. Admirez la révolution : sur une série de 3 spots télé, l’un sera consacré au témoignage d’un homo. 17 ans après le début d’une épidémie qui a ravagé la communauté pédé, et alors qu’on ne cesse de s’inquiéter de la stagnation des contaminations dans la population homosexuelle, il faudrait se féliciter qu’enfin l’Etat concrétise une de nos premières revendications : la prévention ciblée gay dans des médias grand public.
Mais reconnaissons-le, de timides changements s’opèrent : la DGS a décidé cette année d’orienter sa campagne non pas sur la promotion du préservatif, mais sur les situations de défaillance vis-à-vis de la capote, en marquant, à travers un certain nombre de situations, l’écart entre ce que l’on sait et ce que l’on fait. Trois spots télé et un roman photo grand public déclineront ces situations.
Pourtant les mêmes erreurs sont reproduites. Le roman-photo qui doit paraître dans des journaux télé à grand tirage, est bien d’un kitsch absolu (Nous Deux y a collaboré). Ce qui reste très gênant en termes de prévention : on y fait l’amour tout habillé, et pour suggérer qu’on baise safe, on agite une boîte de capotes fermée devant l’objectif. Mais surtout, étant grand public, il est donc forcément hétérosexuel. Toujours la même logique implacable et imbécile : les pédés ont leur roman-photo distribué dans leur milieu et publié dans leurs magazines ; aucune raison, donc, qu’ils apparaissent dans le roman-photo grand public. Ils ne font pas partie du grand public.
Quant aux autres populations vulnérables, qui devraient être les cibles prioritaires des communications nationales, les lacunes sont toujours aussi flagrantes : pour les détenuEs, les toxicos, les étrangerEs, les SDF, les prostituéEs, rien ou presque. On reconduit les mêmes partenariats avec des radios, on délègue les responsabilités aux acteurs de terrain, toujours dépassés. Enfin, des groupes entiers sont totalement ignorés, comme les handicapés mentaux, par exemple.
De maigres améliorations donc, mais globalement rien de bien nouveau, malheureusement.
Les innovations sont peut-être ailleurs : répondant enfin à une de nos plus vieilles revendications, la Division sida de la DGS a monté depuis juin 1999, un comité de pilotage concernant la communication sur le VIH et qui, outre les responsables de la santé et les « experts » (INSERM, ANRS, etc…), intègre les associations. Ce comité a pour tâche de fixer les objectifs et les priorités de la communication VIH pour l’an 2000. On peut immédiatement regretter que les associations, en particulier celles qui font de l’action de terrain, soient sous-représentées. Le risque qu’un discours d’experts et de professionnels noie les interrogations et les revendications des autres acteurs de la prévention reste bien présent. On peut, par ailleurs, s’interroger en ce qui concerne le pouvoir effectif de ce comité, et l’application des recommandations qu’il émettra. Dans quelles mesures seront-elles suivies ? Quel impact auront-elles auprès des autres ministères, des autres cabinets ou administrations ? Ces doutes sont plus que légitimes, quand on sait que Matignon a pu, l’année dernière, censurer une campagne pourtant finalisée par le CFES (Comité Français pour l’Education à la Santé). Ce comité aura-t-il réellement une influence sur TOUS les rouages du dispositif, ou n’est-il qu’un moyen de calmer les associations en les intégrant dans des discussions qui n’auront aucun effet ?
Malgré toutes ces réserves, Act Up-Paris participera activement à ce comité de pilotage pour y faire entendre ses deux revendications principales concernant la communication sida : une prévention ciblée dans des médias grand public, sans lesquels des actions de terrain sont impensables ; et des campagnes permanentes et multiformes, qui alternent les sujets et les tonalités de discours.