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En l’absence d’outils épidémiologiques valables qui permettent d’évaluer le taux de transmission du VIH et des hépatites B et C, nous traduisons ici les résultats d’une étude américaine publiée sur le site d’Eurosurveillance.

En France, dans nos prisons, les programmes de prévention et de réduction des risques souffrent de nombreuses difficultés : manque de moyens humains et financiers, situations éparses selon les centres de détention, antagonisme entre impératifs sécuritaires et impératifs sanitaires, difficulté de traiter des questions relatives à la sexualité. Par ailleurs, les prisons françaises ne sont toujours pas pourvues d’outil épidémiologique qui permet d’évaluer le taux de transmission des VIH, VHB et VHC. Aujourd’hui on incarcère toujours des personnes séropositives, cette étude a le mérite de montrer que la prison, par un manque flagrant de programme de prévention et de réduction des risques (RdR) contamine toujours les détenuEs.

Transmission du VIH dans une partie du système carcéral américain ; implication pour l’Europe.

Une étude américaine[[Centers for Disease Control and Prevention. HIV Transmission Among Male Inmates in a State Prison System – Georgia, 1992-2005. MMWR Weekly. 21/04/2006.]] a montré que la transmission du VIH pouvait avoir lieu dans les prisons de l’État de Georgie. Entre juillet 1988 et février 2005, 88 détenus testés négatifs lors d’un test obligatoire à l’entrée en prison, ont été déclaré séropositifs par un test ultérieur, ce qui prouve que leur séroconversion a eu lieu durant leur l’incarcération. Les comportements à risque en prison, notamment le tatouage et les rapports sexuels entre hommes sont associés à la séroconversion. L’estimation de la prévalence au VIH chez les prisonnièrEs dans les prisons américaines est de 2 % et nombre de pays européens ont un taux de prévalence bien supérieur, qui peut s’élever dans certains cas à plus de 10 %. Si l’on tient compte d’une prévalence élevée dans certains pays d’Europe ainsi que du nombre limité de programmes de prévention et de RdR actuellement mis en place, cette étude américaine met en lumière l’urgence d’étudier le problème afin de trouver le moyen de prévenir les risques de transmission du VIH parmi les détenuEs en Europe. L’étude américaine a démontré que les détenus devenus séropositifs ont eu 10 fois plus de rapports sexuels entre hommes et ont été tatoués 14 fois pendant leur incarcération que le groupe témoin de prisonniers qui sont restés séronégatifs. (…) Par ailleurs les détenus indiquent quant à eux que les programmes de prévention du VIH devraient inclure la distribution de préservatif (38 %), d’information sur le VIH (22 %) et de la mise en place de pratique de tatouage safe (13 %).

L’étude conclut clairement au lien entre la contamination et l’incarcération et sur la nécessité de mettre en place des programmes de prévention.

Les usagerEs de drogue par voie intraveineuse et les prisons en Europe.

Le taux de prévalence du VIH chez les détenuEs en Europe est associé à leur usage de drogue et au tatouage mais le mode et le taux de transmission dans l’enceinte des prisons n’a encore jamais été étudié. Que ce soit en Europe de l’Est ou de l’Ouest, les usagèrEs de drogue par voie intraveineuse sont surreprésentéEs dans la population carcérale. Une étude récente menée dans 10 villes européennes sur les usagèrEs de drogue montre que 60 % d’entre eux et elles s’étaient injectéEs des drogues au cours de l’année précédente et 55 % avaient déjà été emprisonnéEs[[March JC, Oviedo-Joekes E, Romero M. Drugs and social exclusion in ten European cities. Eur Addict Res. 2006.]]. D’autres études indiquent qu’entre 8 et 60 % des détenuEs en Europe ont déjà consommé des drogues en détention, notamment par voie intraveineuse[[European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction. The State of the Drugs Problem in Europe. Lisbon : European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction. 2005.]]. Comme aux USA, les détenuEs européenNEs ont plus de risque que la population générale d’être infectéEs par le VIH à cause de l’usage de drogue et du partage de matériel d’injection, notamment s’ils et elles poursuivent cette pratique en détention. (…) Le taux de prévalence dans les prisons européennes varie entre moins de 1 % en Angleterre, 11 % au Portugal et 12 % en Estonie. Si l’on considère par ailleurs le taux élevé d’emprisonnement chez les usagèrEs de drogue par voie intraveineuse dont près de la moitié continue les injections en détention et la coexistence d’autres pratiques à risques tel que des rapports sexuels non protégés entre hommes et le tatouage, la prévention de la transmission du VIH en prison est une question très importante. Alors que l’on dispose des outils validés pour réduire la transmission du VIH en détention, l’accès à la prévention et à la RdR reste rare et souvent inférieure à ce qui est proposé à l’extérieur.

Il est évident que les programmes de prévention et de RdR en prison sont efficaces.

Une revue de la littérature scientifique à propos des programmes d’échange de seringues en détention a montré que dans ces expériences l’usage de drogue diminue ou reste stable dans le temps et que le partage de seringues décline considérablement. Aucun nouveau cas de transmission du VIH, d’hépatite B et C n’est à déplorer[[Dolan K, Rutter S, Wodak AD. Prison-based syringe exchange programmes : a review of international research and development. Addiction. Février 2003.]]. Malgré la nécessité de mettre en place des programmes d’échange de seringues, l’Espagne est le seul pays européen à avoir instauré systématiquement ce genre d’action. Il existe également d’autres mesures de RdR tel que les traitements de substitution, la distribution de tablettes désinfectantes et de préservatifs mais ces actions ne sont pas systématiquement mis en place ou sont souvent sous-développées et mal coordonnées.

La déclaration de l’OMS sur la santé en détention réclame que cette question soit traitée comme un problème de santé publique à part entière et insiste pour que l’accès aux soins soit équivalent en prison et à l’extérieur. Dans de nombreux pays européens, la santé en détention n’est pas bien prise en compte et il y a peu de voix qui s’élèvent pour réclamer une protection sanitaire en prison équivalente à celle de l’extérieur. Parmi les détenuEs, nombre d’entre elles et eux appartiennent à des populations marginalisées tels que les usagèrEs de drogues, par voie intraveineuse ou non, les sans abris, les individus ayant des problèmes psychiatriques nécessitant des soins. Il existe cependant une reconnaissance grandissante qu’un bon accès aux soins et à la santé en détention améliore la santé publique. Ne pas mettre en place une politique de prévention du VIH efficace en détention risquerait de minorer les efforts pour diminuer la transmission du VIH à l’extérieur puisqu’une grande partie des détenuEs seront un jour libéréEs et seront de nouveaux des citoyenNEs libres. Prévenir la transmission de maladies infectieuses dont le VIH dans les prisons est un élément important d’une politique de santé publique même si aujourd’hui tout le monde ne le reconnaît pas encore.

Les recommandations suivantes ont donc été posées :

– Proposer des tests de dépistage à l’entrée, à la sortie de prison et tout au long de l’incarcération.

– Mettre en place à l’intention des détenuEs des stratégies de prévention sexuelle et de RdR efficace afin d’assurer une protection en termes de santé publique.

– Mettre en place des actions de lobby centrées sur les questions de santé en prison afin d’obtenir des engagements politiques précis ainsi que de santé publique.

– Inclure en prison des équipes chargées de prévention sexuelle et de RdR à toutes les étapes de l’incarcération d’unE prisonnierE.

– Joindre les efforts de tous les professionnelLEs de la prison, des ministères concernés, des ONG et des institutions internationales comme l’OMS afin de faire de la prévention en prison un sujet incontournable.

– Adapter et introduire en prison une approche de la RdR qui a montré son efficacité à l’extérieur.

AuteurEs :

AC Testa, F Ncube, ON Gill, Prison Infection Prevention Team, Health Protection Agency Centre for Infections, London, Royaume Uni

C Weilandt, European Network on Drugs and Infections Prevention in Prison (ENDIPP), Wissenschaftliches Institut der Ärzte Deutschlands (Scientific Institute of the German Medical Association), Bonn, Allemagne.