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Ils sont sous traitement depuis quatre ou cinq ans, souvent plus. Ils ont perdu leur travail, ils ont perdu leurs amis, ils ont perdu leur énergie. En échange, ils ont la compagnie de tout un lot de pilules un peu caractérielles, qu’on appelle les molécules. Contre un espoir de vie parfois relatif, les molécules leur imposent toutes sortes de désagréments : rash, calvitie, nausée, diarrhée, fatigue, vertige, cauchemars, vomissements, douleurs aux muscles, ventre bedonnant, bosse de graisse entre les épaules, douleur violente sous les pieds… sans parler de l’ostéoporose et des fractures spontanées, des troubles psychiatriques ou des douleurs articulaires, dont on ne sait pas encore qui en est le responsable, du virus ou de la molécule.

Certains, et ils sont de plus en plus nombreux, supportent l’inconvénient des molécules sans en avoir les avantages : leur virus résiste. Une à une, les molécules se sont révélées inefficaces, jusqu’au moment où il n’y en a plus eu du tout. C’est alors qu’on dit qu’ils sont en échappement thérapeutique. Ils n’ont plus qu’à attendre, attendre que leur virus se multiplie, attendre que leurs défenses s’effondrent et que la maladie s’installe.

Ils, ceux qui avalent les molécules et ceux qui leur échappent, c’est nous. Et nous en avons assez, assez qu’on nous dise que tout va bien.

Peut-on seulement imaginer ce que c’est que d’être sous traitement pendant des années, un traitement aux prises contraignantes, aux effets bien plus qu’indésirables, et à l’efficacité souvent douteuse ?

Nous sommes presque tous unanimes à souffrir des effets secondaires des traitement actuels.

Nous sommes plusieurs dizaines de milliers à échapper aux traitements et à présenter une charge virale détectable.

Nous sommes 5000 à ne plus du tout répondre aux molécules disponibles et à voir notre immunité s’effondrer.

L’arrivée sur le marché de molécules qui dorment dans les tiroirs des laboratoires est plus qu’urgente. Pour les malades en impasse thérapeutique, c’est une question de vie ou de mort. Pour ceux qui développent des intolérances de plus en plus violentes à leur traitement, c’est la poursuite de leur thérapie qui est en jeu.

Les exigences des malades sont claires :
– Que les molécules nouvelles soient disponibles tout de suite,

et dans des conditions moins pénibles qu’au travers d’une ATU.
– Que les laboratoires financent l’octroi compassionnel de façon à ce que les malades en échappement bénéficient de l’accès précoce à un médicament.
– Que les molécules à venir soient aussi profilées pour les personnes pré-traitées.

Cette situation dramatique de l’échappement en France soulève à nouveau la question de l’incompétence des institutions et de leur indifférence à notre sort. Après l’arrivée sur le marché des antiprotéases, nous avons cru pouvoir profiter d’un certain répit. Il faut maintenant se rappeler qu’on ne peut compter que sur soi. Si nous voulons des progrès véritables dans l’accès aux traitements, il nous faudra, une fois de plus, les exiger.

Alors : que ceux qui en ont marre qu’on leur parle de leur chance d’être en vie quand tant d’autres sont morts, ceux qui sont fatigués qu’on insiste sur leur chance d’avoir quelques traitements quand des continents entiers en manquent, ceux qui en ont assez d’entendre qu’être fatigué ou avoir mal aux pieds ou mal au cœur ou mal aux muscles n’est qu’un petit inconvénient puisque de toute façon ils ne travaillent pas, que ces malades …

De nombreux dossiers sur lesquels nous devons travailler pour les faire avancer, sont en sommeil par manque de militants. Il s’agit de :

– Dosage plasmatique
ou comment adapter la posologie des traitements de manière à limiter les effets secondaires (lorsqu’ils sont dus à un surdosage) ou à éviter un échec thérapeutique (lorsqu’il est du à un sous-dosage).

– Douleurs articulaires
que l’on ne sait ni expliquer ni guérir.

– Ostéoporose et fractures spontanées
ou les problèmes de décalcification et de perte de la densité osseuse chez les séropositifs.

– Tests de résistance
ou comment initier ou changer de traitement de la manière la plus efficace.

– Troubles de la libido
dont une enquête de Aides montre qu’ils concernent la moitié des personnes traitées.

– Troubles psychiatriques
ou l’hypothèse d’une interaction du virus ou des traitements sur le système nerveux central.