A la fin du mois de juin 91 a eu lieu à Florence la VII° Conférence Internationale sur le sida. Un an après San Francisco, très peu de personnes vivant avec le virus VIH ont eu accès aux informations contenues dans les abstracts de la conférence médicale précédente. Plus que jamais, on sent le besoin, chez les séropositifs comme chez les malades, d’une plus grande clarté en ce qui concerne les traitements et l’avancée de la recherche. C’est pourquoi, pour ce premier numéro d’Action, nous avons essayé se synthétiser les dernières informations sur les protocoles d’essais en cours, en France comme à l’étranger.
Malgré ce que le gouvernement et les médias veulent nous faire croire, la recherche française connaît un retard réel par rapport à la concurrence étrangère. Pour Jean-Paul Levy, le directeur de l’Agence national de recherche sur le sida (ANRS), la recherche française dispose de moyens suffisants. Pourtant, il suffit de comparer la quinzaine de protocoles d’essais financés par l’ANRS contre les 80 protocoles similaires aux USA pour comprendre l’inaction révoltante du ministère de la Santé.
Bien sûr, nous sommes encore loin du traitement idéal. La recherche se dirige de plus en plus vers des associations de médicaments.
AZT
La dose recommandée en 1986 était trop élevée (1200mg/jour). On est passé à 500-600mg/jour mais de plus en plus d’études semblent montrer que l’AZT est efficace dès 300mg par jour. Les doses moins fortes font chuter les cas de myopathie et réduisent les problèmes hépatiques. De plus, il ne semble pas nécessaire de prendre la dose toutes les 4 heures : une posologie de 200mg, 3 fois par jour, est largement suffisante. L’AZT est plus facilement assimilable quand il est pris avant les repas. Enfin, le traitement présente la même efficacité chez les enfants, les femmes et les hommes.
Tout le monde voit une solution d’avenir dans le fait d’associer AZT et d’autres molécules, par exemple l’Interféron Alpha qui paraît prometteur pour les personnes dont le niveau de cellules T4 est supérieur à 500/mg.
ddI
Dans les protocoles d’essais étrangers, 2% des patients ont souffert de pancréatites (parfois mortelles) mais l’efficacité du traitement ne fait plus de doute, y compris chez les enfants. Les études récentes proposent une réduction des doses moins de 700mg/jour au lieu des doses dépassant les 700mg habituellement administrés. Cette réduction ayant l’avantage de provoquer moins d’effets secondaires (insomnie, maux de tête, démangeaisons, douleurs abdominales). Bristol Myers, le fabricant du ddI, a prévenu les médecins de ne pas administrer de ddI aux patients prenant de la pentaminine en injection. En effet, les deux médicaments peuvent provoquer les pancréatites mentionnées plus haut. À ce jour, 18 000 malades américains ont accès au ddI. En France, on en compte à peine 500. De plus, les critères d’entrée à ces protocoles restent draconiens. Il faut avoir « échoué » à l’AZT pour être incorporé à une cohorte de malades.
ddC
Les résultats des études récentes semblent très prometteurs. Le traitement est probablement d’un emploi plus sûr que le ddI, surtout en association avec l’AZT (posologie alternée, selon un rythme mensuel, à faibles doses). En effet, in vitro, ddC et AZT ont une action anti-VIH beaucoup plus remarquable quand ils sont associés que lorsqu’ils sont utilisés séparément.
En fait, ni le ddI ne le ddC ne sont des molécules nouvelles. Toutes deux auraient pu être développées et approuvées en même temps que l’AZT puisqu’elles appartiennent à la même famille d’antiviraux, les nucléosides analogues. Le ddC, par exemple, a été retardé parce qu’on a « découvert » un peu tard que la dose correcte à administrer était 200 fois moins forte que celle de l’AZT ou du ddI. Enfin aux USA, Hoffman-La-Roche a ouvert un protocole d’essai avec 2 000 malades. En France, seulement quelques centaines de personnes ont accès à cette molécule. Pourquoi ce retard.
D4T et AZDU
Ne sont qu’en phase 1 d’essai (recherche sur l’innocuité du produit) mais donnent beaucoup d’espoirs parce qu’ils sont moins nocifs pour la moelle osseuse que l’AZT et le ddC.
CD4
S’est avéré très décevant in vivo. Toutefois, les recherches se poursuivent car il pourrait être utilisé pour introduire une toxine uniquement dans les cellules infectées par le VIH afin de détruire celles-ci, tout en épargnant les cellules saines.
Compound Q
La trichosanthine (protéine dérivée de la racine d’un concombre chinois) a provoqué les plus vives controverses. Les recherches ne sont pas encore concluantes (phase 1 seulement) mais une forme purifiée de trichosanthine, le GLQ223, est d’une efficacité redoutable in vitro (il inhibe presque complètement le VIH et détruit de manière sélective les cellules macrophages infectés par le virus). Au total, c’est une soixantaine de médicaments chinois, qui sont, à l’heure actuelle, expérimentés in vitro, dont 10 ont paru efficaces. Mais la recherche se heurte à des difficultés d’ordre à la fois culturel et commercial.
Isoprinosine
Encore à l’étude. Paraît avoir des résultats encourageants dans le traitement des infections opportunistes (notamment celles dues au cytomégalovirus).
GM-CSF
Les résultats sont prometteurs mais c’est l’accès au traitement qui est quasi-impossible.
Imuthiol
L’Imuthiol (aussi nommé Sodium Ditiocarb ou DTC) est un immunomodulateur et améliore l’activation des cellules T4. L’effet de l’Imuthiol est surtout intéressant au stade avancé de la maladie ou chez les séropositifs asymptomatiques. Il y a 3 ans, une étude a montré que 85% des infections opportunistes pouvaient être réduites pour ceux qui prenaient de l’Imuthiol au stade asymptomatique de la séropositivité. De plus, la molécule paraît sans danger : des traitements administrés sur 74 mois n’ont montré aucun effet secondaire.
Le 5 octobre 1990, la Nouvelle-Zélande a été le premier pays à autoriser la vente de l’Imuthiol qui est pourtant une molécule française, commercialisée par Rhône-Poulenc. À Paris, le médicament à l’air d’être mystérieusement bloqué par le ministère de la Santé. Plusieurs entrevues avec l’ANRS nous ont donné l’impression que l’establishment médical français considérait négligeable ce traitement qui paraît pourtant efficace et sans effet nocif. Toutes les brochures médicales étrangères ne comprennent pas pourquoi la France traîne sur ce dossier et nous pensons qu’il est temps de mettre la pression sur l’ANRS pour accélérer l’autorisation de mise sur le marché de cette molécule.