Ce contenu a 18 ans. Merci de lire cette page en gardant son âge et son contexte en tête.

Depuis longtemps déjà de nombreuxSES chercheurEs ont essayé de définir des questionnaires permettant de déterminer simplement si une personne est en situation précaire. Or il n’est pas si simple de définir un « état de précarité » puisque de nombreux facteurs peuvent entrer en jeu. Mais le questionnaire Epices a fait son apparition et semble être une piste intéressante.

C’est dans un souci de prévention de cette précarité que l’Assurance maladie a missionné le Centre technique d’appui et de formation des centres d’examens de santé (CETAF) pour mener les études nécessaires afin de mettre au point un nouvel outil statistique à visée de santé publique. La mise au point de cet outil a été largement décrite dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH), n°14 d’avril 2006.

Contexte

ToutE assuréE socialE, ayant droit du régime général de la sécurité sociale, peut bénéficier une fois par an, d’un examen médical périodique, complet et gratuit, dans les Centres d’Examens de Santé (CES) de la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie) (art. 31 de l’ordonnance du 19/10/45). Ces 98 CES font chaque année environ 650 000 bilans complets. Ces bilans peuvent comprendre par exemple un questionnaire administratif et médical, un examen clinique médical et dentaire, des examens fonctionnels : visuel, respiratoire, auditif et cardio-vasculaire, une radiophotographie thoracique, des examens biologiques urinaires et sanguins, selon les besoins spécifiques de chaque assuréE. Adressez-vous à votre Caisse d’Assurance maladie pour en bénéficier, si vous le souhaitez. À cette occasion, des données médicales et sociales sont collectées à des fins de santé publique et d’épidémiologie. Une première étude a permis de focaliser le travail des CES sur certains groupes de population particulièrement à risque de précarité (chômeurSEs, bénéficiaires du RMI ou d’un contrat emploi solidarité, SDF et jeunes de 16-25 ans en insertion professionnelle). Ces personnes ont été sélectionnées en fonction de critères concernant l’emploi, alors qu’on sait bien que la précarité est liée à beaucoup d’autres critères, tels que les revenus, le logement, les diplômes, la protection sociale, les liens sociaux, la santé, etc. Voilà pourquoi, à partir de cette population sélectionnée, les CES, le CETAF et l’École de santé publique de Nancy ont défini un taux permettant de déterminer le niveau de précarité d’une personne en prenant en compte toutes les dimensions de la précarité, qu’il s’agisse de difficulté sociale ou matérielle. Ce qui est particulièrement étonnant dans ces travaux c’est que pour une fois, des sociologues et des statisticienNEs sont enfin arrivéEs à des conclusions compréhensibles par touTEs. En effet, en lisant les onze questions du tableau ci-dessous, n’importe qui, ayant eu des expériences de précarité, sait qu’il s’agit-là réellement de questions cruciales et non pas d’un outil statistique supplémentaire, fumant et nébuleux. Ce taux a donc été baptisé « Évaluation de la Précarité et des Inégalités de santé pour les CES », autrement dit le score Epices. Il a été calculé à partir des 197 389 consultations pour un examen de santé. Évidemment un tel outil ne peut pas servir à déterminer des relations « de cause à effet » puisque la précarité peut être aussi bien une cause qu’une conséquence, selon les situations individuelles et les problèmes examinés.

Le score Epices

Dans le tableau ci-dessous, les points indiqués dans la colonne OUI permettent de juger l’importance de chaque question. La dernière ligne de ce tableau précise que tout le monde part avec une constante de 75,14 points. Le calcul de ces points et de cette constante permet d’établir un score au niveau individuel, variant de 0 (absence de précarité) à 100 (précarité maximum). La précarité est avérée au dessus de 48,5 points. tableau_epices.jpg Testez-le en répondant en fonction des meilleures, puis des pires périodes de votre vie, afin de voir la différence. Le score Epices a été transposé pour une étude en milieu hospitalier, dans un service prenant en charge des malades diabétiques. Cette étude a permis d’établir un lien direct et significatif entre le niveau de précarité et la fréquence de survenue de certaines complications. Il s’agit de l’étude intitulée : « le score Epices : lien entre la précarité, le contrôle de glycémie et les complications du diabète ». Il pourrait donc être utile pour le suivi et la prise en charge du VIH. Ceci peut paraître banal voire évident quand on sait qu’aujourd’hui de nombreux services hospitaliers ont des assistantes sociales. Le score Epices peut être établi en cinq minutes par n’importe quelLE professionnelLE de santé ou accompagnant d’une malade. Il ne s’agit pas de remplacer le travail des assistantes sociales. Elles sont là pour essayer d’apporter des solutions individuelles, à partir des droits existants et, justement aider des malades à ne pas devenir précaires ou, à défaut, d’arriver à s’en relever. Mais, cet outil peut permettre à de nombreuxSES chercheurEs en médecine, parfois particulièrement hermétiques à l’incidence des problèmes sociaux ou plus couramment n’ayant pas les moyens financiers d’intégrer un bilan social complet de leurs patientEs dans leurs travaux, de pouvoir quand même, à l’aide du score Epices, avoir un critère de précarité fiable et largement significatif. Par ailleurs il nous paraît essentiel que ce score puisse être intégré comme outil de routine de nombreuses cohortes médicales, comme celles de l’ANRS ou de l’INSERM, comme nous l’avons suggéré pour la définition de la nouvelle base de données de suivi des 40 000 personnes séropositives hospitalisées en France (le DMI-3). En effet, le DMI-3, va intégrer de nouveaux critères sur l’origine géographique des malades VIH, comme c’est la tendance dans la plupart des bases de données épidémiologiques. Quand Act Up-Paris a été consultée sur l’utilisation de ces données, il nous est apparu indispensable qu’elles puissent être croisées avec des données sociales. Il est crucial qu’unE chercheurE ne puisse jamais conclure que les personnes originaires de tel ou tel pays coûtent cher, mais de mettre en avant tous les éléments de réponse à savoir que, parmi ces ressortissantEs, il semblerait qu’il y ait bien plus de précaires que dans la population générale, une situation sociale évidemment plus coûteuse à prendre en charge.