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Le contexte sanitaire des prisons est connu ou presque. De nombreux rapports ont dénoncé la surpopulation carcérale, l’insalubrité, l’insuffisance dans l’accès aux droits et aux soins. La Direction régionale des affaires sanitaires et sociales d’Ile-de-France (DRASSIF) a néanmoins estimé qu’il était nécessaire de réaliser un état des lieux de la prise en charge du VIH, des hépatites et des IST dans les 10 prisons de sa région.

Des associations de lutte contre le sida et les hépatites et des associations de prisonnierEs ont été conviées à participer à l’élaboration d’un rapport dans le cadre d’un groupe de travail multidisciplinaire regroupant les médecins exerçant dans les unités de consultations et de soins ambulatoire (UCSA) et des représentantEs des ministères de la Justice et de la Santé. L’état des lieux a été réalisé à partir d’un questionnaire envoyé aux UCSA franciliennes. Les données recueillies sont partielles du fait du manque d’informatisation des UCSA.

Dépistage

Conformément aux textes, tous les centres de détention interrogés proposent systématiquement un dépistage du VIH et des hépatites lors de la visite médicale obligatoire à l’entrée en détention. Par contre, seuls 7 d’entre eux offrent un dépistage de la syphilis et aucun ne propose le dépistage des autres IST. En cas de refus de dépistage à l’entrée, contrairement à ce que recommande le rapport d’expertEs VIH 2006, seuls 6 établissements renouvellent l’offre. Peu de vaccinations contre le VHB sont proposées et réalisées. Selon certains médecins d’UCSA, le financement de ces vaccins sur le budget hospitalier peut être un frein à une offre plus large.

Prévention et réduction des risques

En l’absence de programme d’échange de seringues, la mise à disposition d’eau de javel est essentielle pour réduire les risques de transmission du VIH pour les usagerEs de drogues qui consomment des stupéfiants en détention. L’eau de javel est généralement fournie par l’Administration pénitentiaire dès l’entrée en détention. Mais, seul 3 établissements assurent systématiquement tous les 15 jours le renouvellement de l’eau de javel. Dans les autres centres, le renouvellement se fait sur demande des détenuEs. L’accès aux préservatifs masculins se fait essentiellement dans le cabinet médical ou à l’infirmerie alors qu’il faudrait multiplier les points d’accès pour que les détenuEs ne se sentent pas épier quand ils ou elles en prennent. Lors des réunions de travail, certainEs médecins ont précisé que les préservatifs n’étaient pas systématiquement distribués avec du gel à base d’eau « pour cause du manque de compatibilité dans les dates de péremptions entre préservatifs et gel ».

Accessibilité au Traitement Post Exposition (TPE)

Seuls 4 établissements ont fait parvenir des données relatives au TPE. Selon les prisons les mises sous TPE varient entre 0 à 4 par année, ce qui est étonnamment faible. Dans ces cas, les TPE ont été utilisés uniquement lors de graves expositions au sang (bagarre ou viol). Parmi les freins dans l’accès au TPE, notons les résistances à aborder le thème de la sexualité en détention, qu’elle soit consentie, subie ou négociée, le fait que les demandes doivent passer par les surveillantEs (au mépris du secret médical) et les horaires restreints d’ouverture des UCSA.

Consultations VIH et hépatites

L’accès aux consultations d’infectiologie et de gastro-entérologie (pour le suivi des hépatites) semble globalement adapté. Par contre seule la prison de la Santé propose une consultation commune infectiologue/gastro-entérologue pour les personnes co-infectées alors qu’un tiers des séropositifVEs incarcéréEs sont aussi porteurSEs du VHC. Pour les porteurSEs d’une hépatite C et traitéEs par interféron, l’accès à une consultation psychiatrique est très variable. Pourtant, l’accompagnement psychiatrique des personnes sous interféron est très important puisque les effets indésirables les plus courants de ce traitement sont des crises d’irritabilité et de grave dépression qui peuvent amener à des mesures disciplinaires en cas de conflits ou de tentatives de suicide.

Examens nécessaires à la prise en charge des hépatites

Les situations sont hétérogènes d’un site à l’autre, notamment pour l’évaluation de l’avancée des dégâts des hépatites sur le foie par la fibrose. L’accès à la biopsie hépatique, examen de référence pour l’évaluation des fibroses, est très inégal. La biopsie est peu proposée, et dans tous les cas, elle doit se faire à l’hôpital de rattachement de l’UCSA avec toutes les mesures sécuritaires que cela entraîne : menottes et présence des surveillantEs lors des examens. Les examens non invasifs, qui sont des alternatives à la biopsie, sont pour certains d’entre eux plus accessibles. C’est le cas du Fibrotest® qui est disponible dans l’ensemble des UCSA. Par contre aucun site ne propose de Fibroscan® alors que cet examen, complémentaire du précédent est accessible et couramment utilisé à l’extérieur. Pour pallier au manque de moyens qui réduisent l’accès à ces examens deux centres se font financer par l’industrie pharmaceutique.

Préparation à la sortie et manque de coordination entre le milieu libre et la prison

Un tiers des sorties de prison est inopiné, il est donc difficile d’anticiper et de préparer la sortie des détenuEs malades afin d’organiser leur prise en charge médicale à l’extérieur. Si les 10 centres remettent un compte-rendu médical à la personne libérée, seuls 6 d’entre eux l’envoient aussi au médecin traitant. Par ailleurs, une attestation de carte vitale est fournie aux sortantEs dans seulement 3 établissements. Toutes les UCSA remettent une ordonnance avec une prescription pour les 48 heures suivant la libération. Il existe deux dispositifs à Osny et la Santé qui améliorent la continuité de la prise en charge à la sortie en permettant à l’UCSA en accord avec le patient de prendre rendez-vous avec le médecin de l’hôpital de référence. Concernant l’ouverture aux droits sociaux comme l’ALD, la CMU, les équipes se plaignent de procédures trop contraignantes et insistent sur le problème de la domiciliation. Il existe des pistes intéressantes comme à la Santé, où l’assistante sociale de l’UCSA assure également une présence à la permanence d’accès aux soins de santé à Cochin. Par ailleurs, Fleury et la CPAM de l’Essonne ont entrepris un travail commun concernant la couverture sociale.

Ce nouvel état des lieux ne fait que confirmer l’inégalité de l’accès au soin entre milieu libre et fermé en Île-de-France. On peut s’interroger sur l’intérêt d’un rapport de plus sur la santé en détention alors que les conclusions sont déjà connues. Cependant, son approche locale permet de cibler les manques et les besoins de manière plus précise et d’y remédier en harmonisant vers le haut la prise en charge médicale et sociale. Encore faut-il que ce constat soit accompagné de réels moyens financiers et humains. Il convient dès à présent d’instaurer un calendrier de travail avec les partenaires locaux et nationaux pour mettre en place les diverses propositions inscrites dans cet état des lieux pour que celui-ci ne reste pas, une fois de plus, lettre morte.